Rapport annuel 2018

Allemagne

République fédérale d’Allemagne
Chef de l’État : Frank-Walter Steinmeier (a remplacé Joachim Gauck en mars)
Cheffe du gouvernement : Angela Merkel (par intérim depuis octobre)

Le Parlement a adopté une loi accordant aux couples de même sexe le droit de se marier. Les autorités ont continué d’expulser vers l’Afghanistan des demandeurs d’asile déboutés, malgré la dégradation de la situation en matière de sécurité dans ce pays. Le Parlement fédéral a étendu les pouvoirs de la police, l’autorisant notamment à imposer de mesures de surveillance et des mesures administratives aux personnes identifiées comme des « agresseurs potentiels ».

Justice internationale

En mars, septembre et novembre, 22 ressortissants syriens résidant en Allemagne ont déposé quatre plaintes auprès du bureau du procureur général contre 27 représentants de l’État syrien travaillant pour la police militaire et différents services de renseignement en raison de leur rôle présumé dans l’utilisation de la torture en tant que crime de guerre et crime contre l’humanité. Ces crimes auraient été commis à la prison de Saidnaya, dans d’autres prisons militaires et dans des prisons du Service de renseignement de l’armée de l’air à Damas et ailleurs en Syrie. En mai, le procureur général a entendu les témoins syriens lors d’audiences. L’enquête était toujours en cours à la fin de l’année.

Lutte contre le terrorisme et sécurité

En avril, le Parlement fédéral a adopté une modification législative étendant les pouvoirs de contrôle de la police judiciaire afin de lui permettre d’imposer aux « agresseurs potentiels » des mesures administratives, telles que le port d’un bracelet électronique, l’assignation à résidence et la surveillance des télécommunications. Ces « agresseurs potentiels » étaient définis de manière vague, comme des « personnes susceptibles d’être impliquées dans une infraction liée au terrorisme dans le futur ».
En mai, le Parlement fédéral a adopté une loi facilitant la détention de personnes représentant une « forte menace en matière de sécurité » pour la société, dans l’attente de leur expulsion. Ce texte autorisait par ailleurs l’Office fédéral de l’immigration et des réfugiés à saisir les appareils électroniques des demandeurs d’asile ne possédant pas de pièce d’identité.
En juillet, l’État de Bavière a rallongé la période de détention administrative sans inculpation aux mains de la police pour les « agresseurs potentiels », la faisant passer de 14 jours à trois mois maximum.

Droit au respect de la vie privée

En juin, le Parlement fédéral a adopté une loi autorisant la police à utiliser de nouvelles techniques de surveillance, notamment en installant des logiciels espions sur des ordinateurs et des téléphones.
Également en juin, un tribunal administratif supérieur a jugé dans le cadre d’une procédure d’urgence que la conservation systématique de données prescrite par une loi qui devait entrer pleinement en vigueur en juillet n’était pas conforme au droit européen. Dans l’attente du jugement final, cette loi n’était pas encore en application.
Toujours en juin, une commission d’enquête parlementaire – créée en 2013 après les révélations d’Edward Snowden concernant la surveillance par les États-Unis de leurs alliés, dont l’Allemagne – a conclu que l’Office fédéral de renseignements avait eu recours à une interprétation trop large de la législation en matière de surveillance et avait employé certaines mesures de surveillance, dont la surveillance de masse des communications entre pays étrangers, sans fondement ni contrôle juridiques suffisants.

Personnes réfugiées ou demandeuses d’asile

Le nombre de demandes d’asile s’est élevé à 222 683, soit une baisse de 70,1% par rapport à 2016 ; 68 245 demandes étaient encore en attente.
Le droit au regroupement familial pour les bénéficiaires d’une protection subsidiaire est resté suspendu toute l’année. Cette restriction a eu des conséquences particulièrement négatives pour les réfugiés syriens, car ils étaient de plus en plus nombreux à obtenir une protection subsidiaire leur accordant moins de droits que le statut de réfugié plein et entier.
Malgré la détérioration de la situation en matière de sécurité en Afghanistan, les autorités ont continué de renvoyer de force des ressortissants afghans dont les demandes d’asile avaient été rejetées, en violation du principe de « non-refoulement ». À la fin de l’année, 121 Afghans avaient été expulsés.
En mars, le Conseil fédéral a rejeté un projet de loi visant à définir l’Algérie, le Maroc et la Tunisie comme pays d’origine « sûrs » et à établir une procédure d’asile accélérée pour les demandeurs originaires de ces pays.
Environ 9 100 demandeurs d’asile ayant transité par l’Italie et la Grèce avaient été relocalisés en Allemagne à la fin du mois de décembre. L’Allemagne a par ailleurs réinstallé près de 280 réfugiés arrivant d’Égypte et du Liban, ainsi qu’environ 2 700 réfugiés syriens venant de Turquie dans le cadre de l’accord passé entre l’UE et la Turquie.

Discrimination – Crimes de haine

En juin, la seconde commission d’enquête créée par le Parlement en 2015 pour examiner les ratés de l’enquête sur les crimes racistes perpétrés entre 2000 et 2007 par le groupe d’extrême droite Clandestinité nationale-socialiste (NSU) a conclu que les autorités devaient établir des règles claires pour l’infiltration des mouvements d’extrême droite, fournir des financements sur le long terme aux initiatives de la société civile contre le racisme et aider les victimes d’infractions à caractère raciste. Les autorités n’avaient toujours pas ouvert d’enquête officielle sur le rôle potentiel du racisme institutionnel dans l’échec de l’Allemagne à enquêter sur les crimes commis par le NSU.
Au cours des neuf premiers mois de l’année, le ministère de l’Intérieur a recensé 1 212 infractions pénales visant des réfugiés ou des demandeurs d’asile et 210 infractions commises à l’encontre de lieux d’hébergement accueillant des demandeurs d’asile. À la fin de l’année, les autorités fédérales et régionales n’avaient toujours pas mis en œuvre de stratégie globale d’évaluation des risques d’attaques contre les centres d’accueil pour demandeurs d’asile en vue de leur fournir une protection policière adaptée si nécessaire.
En juin, à l’issue d’une consultation approfondie des organisations de la société civile, le gouvernement fédéral a adopté un plan national d’action contre le racisme et les autres formes de discrimination, dont l’homophobie et la transphobie.

Torture et autres mauvais traitements

Cette année encore, les autorités fédérales et celles des États n’ont pas créé de mécanisme de plainte indépendant chargé d’examiner les allégations de mauvais traitements infligés par des policiers.
Des organisations de la société civile ont à nouveau fait état de contrôles d’identité effectués par la police qui étaient discriminatoires à l’égard de membres de minorités ethniques et religieuses.
En novembre, le service d’enquêtes internes de Hambourg avait commencé à traiter les plaintes visant 109 policiers pour recours illégal à la force pendant les manifestations contre le sommet du G20 dans cette ville en juillet.
Dans huit États allemands, les policiers n’étaient toujours pas tenus par la loi de porter un badge d’identification. En octobre, le Parlement tout juste élu de Rhénanie du Nord-Westphalie a abrogé l’obligation pour les agents des forces de l’ordre de cet État de porter un badge d’identification alors que cette mesure avait été mise en place peu de temps auparavant.
Toujours en octobre, les autorités chargées des poursuites ont clos la nouvelle enquête ouverte en mai sur la mort en détention d’Oury Jalloh, un ressortissant de Sierra Leone qui avait péri dans l’incendie de sa cellule dans un poste de police de Dessau en 2005. En novembre, des informations parues dans les médias ont révélé que, plusieurs mois avant la fermeture de l’enquête, des experts en incendies qui s’étaient réunis en février avaient exclu de manière unanime la possibilité qu’Oury Jalloh se soit immolé par le feu. En décembre, la ministre de la Justice de Saxe-Anhalt a chargé le procureur général de Naumburg de reprendre le dossier.

Commerce des armes

Le système de contrôle sélectif après expédition visant à améliorer la surveillance des exportations allemandes d’armes légères afin de garantir le respect des certificats d’utilisation finale est entré dans sa phase pilote. En mai, une première mission de vérification des lieux où se trouvaient des fusils à lunette exportés en Inde a été menée en accord avec les autorités indiennes.
Le gouvernement fédéral continuait d’autoriser l’exportation d’armes et d’autres équipements militaires dans des pays, tels que l’Inde et la Turquie, où il existait un risque que ce matériel soit utilisé pour commettre ou faciliter de graves violations des droits humains.

Responsabilité des entreprises

En mars, le Parlement a adopté une loi portant mise en œuvre de la Directive européenne de 2014 relative à la publication d’informations non financières, qui oblige certaines grandes entreprises à rendre compte des incidences de leurs opérations internationales sur le plan des droits humains. Toutefois, la loi allemande avait une portée plus réduite que la directive car elle ne demandait aux entreprises que de rendre compte des risques « fortement susceptibles d’occasionner de graves conséquences négatives » pour les droits humains, et seulement dans la mesure où cela était nécessaire pour comprendre leurs activités commerciales.
Il n’existait toujours pas de mécanisme contraignant qui obligerait les entreprises à faire preuve d’une diligence suffisante pour veiller au respect des droits humains dans l’intégralité de leurs opérations et de leur chaîne d’approvisionnement. L’accès à la justice pour les victimes d’atteintes aux droits humains commises par des entreprises ou impliquant la responsabilité de celles-ci demeurait très compliqué.

Droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles, transgenres ou intersexuées

En juillet, le Parlement fédéral a adopté une loi accordant aux couples de même sexe le droit de se marier et d’adopter des enfants. Les enfants et les adultes présentant des variations des caractéristiques sexuelles faisaient encore l’objet de violations des droits humains. Des interventions médicales invasives et irréversibles, ayant des conséquences néfastes tout au long de la vie, continuaient d’être pratiquées sur des enfants présentant des variations des caractéristiques sexuelles. Les recommandations élaborées par des militants des droits des personnes intersexuées et des professionnels de santé sur la manière de traiter ces cas n’étaient pas mises en œuvre à grande échelle.
En novembre, la Cour constitutionnelle fédérale a estimé que les personnes devraient pouvoir déclarer un autre genre que masculin ou féminin à l’état civil avant la fin de l’année 2018.

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