L’intolérance à l’égard de la dissidence pacifique s’est généralisée, de même qu’un mépris tenace pour le droit à la liberté de réunion pacifique. De Lomé à Freetown, de Khartoum à Kampala et de Kinshasa à Luanda, des manifestants pacifiques ont été arrêtés en nombre, roués de coups, confrontés à des recours excessifs à la force et parfois tués. Le blocage politique et l’impossibilité pour les organes régionaux et internationaux de mettre fin aux conflits de longue date et d’éliminer leurs causes sous-jacentes risquaient aussi de devenir la norme et de conduire à d’autres atrocités, commises en toute impunité. Parallèlement à ces évolutions, la pauvreté ne diminuait que lentement et par intermittence et le développement humain a peu progressé. Selon le Rapport des Nations unies sur le développement durable en Afrique, l’extrême pauvreté n’a que faiblement reculé et la pauvreté en général touchait plus particulièrement les femmes et les jeunes. Il y avait toutefois des signes d’espoir et d’amélioration, qui faisaient rarement les gros titres au niveau international, comme le courage des personnes ordinaires et des défenseurs des droits humains qui se mobilisaient en faveur de la justice, de l’égalité et de la dignité face à la répression.
Quelques pays ont lancé des réformes importantes. La Gambie est revenue sur sa décision de se retirer de la CPI, a libéré des prisonniers politiques et s’est engagée à abolir la peine de mort. Le projet de Constitution présenté au Burkina Faso comprenait des dispositions destinées à renforcer la protection des droits humains.
Par ailleurs, des décisions de justice marquantes ont été prises dans le domaine des droits humains. Au Kenya, la Haute Cour a interdit à l’État de fermer le camp de réfugiés de Dadaab, le plus grand au monde, empêchant ainsi le renvoi forcé de plus de 250 000 réfugiés vers la Somalie, où ils risquaient de subir des atrocités. Au Nigeria, il a été statué, d’une part, que menacer de procéder à une expulsion forcée sans donner de préavis réglementaire était illégal et, d’autre part, que les expulsions forcées et les menaces d’expulsion forcée constituaient un traitement cruel, inhumain et dégradant.
La Cour constitutionnelle angolaise a quant à elle déclaré inconstitutionnelle une loi destinée à entraver les activités des organisations de la société civile.
RÉPRESSION DE LA DISSIDENCE
Répression des manifestations
Dans plus de 20 pays, des personnes ont été privées du droit de manifester pacifiquement, et ce par différents moyens : interdictions illégales, recours à une force excessive, harcèlement ou encore arrestations arbitraires. Les cas dans lesquels le droit à la liberté de réunion était respecté représentaient l’exception et non la règle.
En Angola, en Éthiopie, en République démocratique du Congo (RDC), au Soudan, au Tchad, au Togo et ailleurs, les pouvoirs publics se sont appuyés sur des textes juridiques, des mesures administratives et d’autres dispositions pour restreindre et interdire illégalement des manifestations pacifiques.
En Angola, les autorités ont fréquemment empêché la tenue de manifestations pacifiques, bien que la loi n’exige pas d’obtenir une permission au préalable. Au Tchad, au moins six rassemblements pacifiques ont été interdits et de nombreux organisateurs et participants ont été arrêtés. En RDC, des manifestations pacifiques, en particulier celles liées à la crise politique déclenchée par le report des élections, ont été interdites et réprimées. Au Soudan, les autorités ont empêché des organisations de la société civile, des formations politiques d’opposition et des étudiants darfouriens d’organiser des événements.
Le recours à une force excessive et l’utilisation d’autres formes de violence pour disperser des manifestants pacifiques ont entraîné des arrestations illégales mais aussi fait des morts et des blessés dans de nombreux pays. En Angola, les quelques manifestations qui ont eu lieu se sont soldées par des arrestations arbitraires, des placements en détention et des mauvais traitements imputables aux forces de sécurité, notamment à la police. Au Cameroun, les forces de sécurité ont réprimé violemment des manifestations dans les régions anglophones. Au Kenya, à la suite des élections générales, la police a eu recours à une force excessive contre des manifestants de l’opposition ; elle a notamment utilisé des munitions réelles et du gaz lacrymogène. Ces événements ont fait des dizaines de morts, dont au moins 33 personnes (y compris deux enfants) abattues par la police.
Au Togo, au moins 10 personnes, dont trois enfants et deux membres des forces armées, ont été tuées lors des opérations de répression menées par les forces de sécurité, qui ont fréquemment roué de coups des manifestants, tiré à balles réelles et projeté du gaz lacrymogène. En Sierra Leone, les forces de sécurité ont ouvert le feu sur des étudiants qui manifestaient contre une grève des chargés de cours dans la ville de Bo, faisant un mort et plusieurs blessés. En Ouganda, l’État a orchestré des descentes de police, des arrestations, des manoeuvres d’intimidation et des actes de harcèlement pour mettre fin à des rassemblements pacifiques et faire taire les opposants à une modification de la Constitution destinée à supprimer la limite d’âge pour les candidats à l’élection présidentielle.
Attaques visant des défenseurs des droits humains, des journalistes et des militants de l’opposition
La répression généralisée de la dissidence a également pris la forme d’attaques visant des défenseurs des droits humains, des organisations de la société civile, des journalistes et des blogueurs.
Au Cameroun, des militants de la société civile, des journalistes, des syndicalistes et des enseignants ont été arrêtés arbitrairement et certains ont été jugés par des tribunaux militaires. L’État a interdit les activités de partis politiques et d’organisations de la société civile. De nombreuses personnes étaient toujours derrière les barreaux pour des charges fallacieuses liées à la sécurité nationale.
Les autorités du Tchad ont arrêté et poursuivi des défenseurs des droits humains, d’autres militants et des journalistes afin d’étouffer les critiques à l’égard du régime, notamment face au mécontentement croissant engendré par la crise économique. En Guinée équatoriale, la police a placé des militants en détention, montrant que les autorités n’hésitaient pas à détourner la loi pour intimider et faire taire les dissidents. En Érythrée, des milliers de prisonniers d’opinion et de prisonniers politiques étaient détenus sans inculpation, privés d’avocat ou coupés de leur famille ; nombre d’entre eux étaient détenus depuis plus de 10 ans.
En Éthiopie, les détentions arbitraires se sont poursuivies jusqu’à la levée de l’état d’urgence, en juin. L’État a ordonné la libération de 10 000 des 26 000 personnes placées en détention en 2016 au titre de l’état d’urgence. Par ailleurs, des centaines de personnes étaient maintenues en détention en application de la Loi antiterroriste, dont les dispositions draconiennes étaient souvent utilisées pour faire taire les critiques à l’égard du régime. En Mauritanie, Mohamed Mkhaïtir, un blogueur condamné à mort pour apostasie, a bénéficié d’une commutation mais il a été maintenu en détention, même après avoir purgé sa peine. Deux militants antiesclavagistes étaient eux aussi toujours derrière les barreaux.
Les autorités malgaches ont harcelé et tenté d’intimider des journalistes et des défenseurs des droits humains afin de les réduire au silence. Les personnes qui osaient dénoncer ouvertement le trafic et l’exploitation illégale des ressources naturelles faisaient de plus en plus souvent l’objet de poursuites.
Les autorités soudanaises ont persisté à réprimer la dissidence : les membres de partis politiques d’opposition, les syndicalistes, les défenseurs des droits humains et les étudiants, de plus en plus visés par les forces de sécurité, risquaient d’être arrêtés et détenus arbitrairement pour des charges controuvées et régulièrement soumis à des actes de torture et d’autres mauvais traitements.
En Zambie, la Loi relative à l’ordre public a servi à réprimer le droit à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique, en particulier pour les militants de la société civile critiques à l’égard du régime et pour les dirigeants de partis politiques d’opposition. La police a eu recours à une force excessive contre des manifestants pacifiques, alors qu’elle a fermé les yeux sur les violences infligées à des militants de la société civile par des fidèles du parti au pouvoir.
Au Zimbabwe, Evan Mawarire, fondateur du mouvement #Thisflag, a été victime de persécutions et de harcèlement à caractère politique jusqu’à ce qu’il soit relaxé à la suite du changement de gouvernement, intervenu en novembre.
En Ouganda, Stella Nyanzi, une universitaire, a été détenue pendant plus d’un mois pour avoir critiqué sur Facebook le président et son épouse, également ministre de l’Éducation.
Nouvelles lois régressives et resserrement de l’espace politique
Plusieurs pays ont pris des mesures en vue d’adopter de nouvelles lois destinées à restreindre les activités des défenseurs des droits humains, des journalistes et des opposants. En Angola, le Parlement a adopté cinq propositions de loi amoindrissant la liberté d’expression et portant création d’une instance de régulation des médias dotée de pouvoirs de surveillance étendus.
Une loi adoptée en Côte d’Ivoire contenait des dispositions limitant la liberté d’expression, notamment pour les motifs de diffamation, d’outrage au président et de diffusion de fausses informations.
Un projet de loi au Nigeria et des projets de modification de la législation relative aux ONG au Malawi ont instauré des contrôles excessifs, intrusifs et arbitraires concernant les activités des ONG, y compris des groupes de défense des droits humains.
Liberté des médias
Dans au moins 30 pays, la liberté des médias était restreinte et des journalistes ont fait l’objet de poursuites pénales.
L’utilisation abusive du système judiciaire en vue d’étouffer la dissidence était courante en Angola, où les autorités se servaient de la législation relative à la diffamation contre des journalistes et des universitaires, en particulier.
En Ouganda, la journaliste Gertrude Uwitware a été arrêtée pour avoir soutenu Stella Nyanzi.
Au Botswana, les journalistes d’investigation étaient victimes de harcèlement et de manoeuvres d’intimidation continuels. Trois journalistes ont d’ailleurs été détenus et menacés de mort par des agents des forces de sécurité en civil, après avoir enquêté sur la construction de la résidence secondaire du président Ian Khama.
Au Cameroun et au Togo, les pouvoirs publics ont bloqué l’accès à internet pour empêcher les journalistes de faire leur travail et ont ordonné la fermeture de plusieurs médias. En Éthiopie, des militants, parmi lesquels se trouvaient des journalistes et des blogueurs, ont été détenus et nombre d’entre eux ont été déclarés coupables d’infractions à la Loi antiterroriste, qui définissait les actes terroristes de manière floue.
Un tribunal militaire camerounais a condamné le journaliste de Radio France Internationale Ahmed Abba à 10 ans d’emprisonnement à l’issue d’un procès inéquitable, alors que celui-ci n’avait fait qu’exercer son droit à la liberté d’expression. Il a été libéré en décembre, après qu’une cour d’appel a ramené sa peine à 24 mois.
RÉPRESSION POLITIQUE ET VIOLATIONS DANS LE CONTEXTE ÉLECTORAL
L’élection présidentielle kenyane a été marquée par la peur, les manoeuvres d’intimidation et la violence. À la suite du scrutin, la police a eu recours à une force excessive contre des manifestants de l’opposition. Ces événements ont fait des dizaines de morts, dont au moins 33 personnes tuées par la police. Des cadres supérieurs du parti au pouvoir ont menacé à plusieurs reprises l’indépendance du système judiciaire après l’annulation par la Cour suprême des résultats de l’élection. Le Bureau de coordination des ONG a menacé de fermeture, entre autres mesures punitives, des organisations travaillant sur les droits humains et la gouvernance qui avaient critiqué le déroulement de l’élection.
Lors de l’élection présidentielle rwandaise, qui s’est tenue en août, le président sortant Paul Kagame a remporté une victoire écrasante, après que la Constitution a été modifiée de manière à lui permettre de se présenter pour un troisième mandat. L’élection s’est déroulée dans un climat de peur engendré par 20 années d’attaques contre l’opposition politique, les médias indépendants et les défenseurs des droits humains. Des candidats potentiels à l’élection ont aussi été visés, notamment par des campagnes de diffamation.
La période qui a précédé les élections d’août en Angola a été marquée par des atteintes aux droits fondamentaux : des journalistes et des défenseurs des droits humains ayant mis au jour des affaires de corruption et des violations des droits humains ont été victimes de manoeuvres d’intimidation à maintes reprises. Des manifestants ont été arrêtés par la police, qui a eu recours à une force excessive.
Au Burundi, la répression politique généralisée a pris la forme d’homicides illégaux, d’arrestations arbitraires et de disparitions forcées.
VIOLENCE ET CONFLITS ARMÉS
Bien que différents par leur nature et leur intensité, les conflits qui déchiraient l’Afrique se caractérisaient en général par des atteintes manifestes aux droits humains et de graves violations du droit international humanitaire, y compris des actes constituant des crimes de droit international.
Alors que la région se trouvait paralysée face à l’impasse politique au Soudan du Sud, le conflit armé, qui durait depuis quatre ans et a forcé des millions de personnes à fuir leur domicile, a continué de provoquer d’intenses souffrances et de faire des morts. Dans la région du Haut-Nil, les forces gouvernementales ont incendié, pilonné et systématiquement pillé des logements, déplaçant de force des dizaines de milliers de civils. Les violences sexuelles n’ont pas diminué. Un accord de cessation des hostilités a été signé en décembre, à la suite du forum mis en place par l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) en vue de revitaliser l’accord de paix antérieur. Cependant, les affrontements ont repris peu après dans différentes parties du pays.
Cette année encore, au Soudan, la situation sécuritaire et humanitaire est demeurée préoccupante au Darfour et dans les États du Nil Bleu et du Kordofan du Sud, où les violations du droit international humanitaire et du droit international relatif aux droits humains étaient répandues.
En République centrafricaine, une recrudescence du conflit a donné lieu à des atteintes aux droits humains de grande ampleur et à des crimes de droit international. En dehors de la capitale, tenue par le gouvernement, des groupes armés ont commis toutes sortes d’atrocités, et des cas d’exploitation et de violences sexuelles imputables à des Casques bleus ont été signalés cette année encore.
En RDC, des violences sans précédent ont fait des milliers de morts et, au 25 septembre, un million de déplacés dans la région du Kasaï ; plus de 35 000 personnes se sont réfugiées en Angola, l’un des pays voisins. L’armée congolaise a eu recours à une force excessive, tuant de très nombreux membres et sympathisants présumés du groupe armé insurgé de Kamuena Nsapu, qui a recruté des enfants et lancé des attaques contre des civils et les forces gouvernementales. Bana Mura, une milice alliée au régime, a commis des dizaines d’attaques à caractère ethnique, notamment des homicides, des viols et des destructions de biens civils. Face aux menaces de Boko Haram, qui n’a cessé de perpétrer des crimes de guerre, les forces de sécurité camerounaises et nigérianes ont continué à commettre des violations manifestes des droits humains et des crimes de droit international. Il s’agissait notamment d’exécutions extrajudiciaires, de disparitions forcées, d’arrestations arbitraires, de détentions au secret, d’actes de torture et d’autres mauvais traitements, qui ont parfois entraîné des décès en détention. Cette année encore, des personnes accusées de soutenir Boko Haram ont été condamnées à mort au Cameroun à l’issue de procès inéquitables devant des tribunaux militaires, mais aucune n’a été exécutée. Au Nigeria, l’armée a arrêté arbitrairement et détenu au secret des milliers de femmes, d’hommes et d’enfants dans de rudes conditions. Au Niger, où les autorités ont déclaré l’état d’urgence dans les zones de l’ouest frontalières du Mali et l’ont renouvelé dans la région de Diffa, plus de 700 membres présumés de Boko Haram ont été jugés.
EXACTIONS PERPÉTRÉES PAR DES GROUPES ARMÉS
Des groupes armés comme Al Shabab et Boko Haram ont perpétré des violences et des attaques visant des civils dans plusieurs pays, parmi lesquels le Cameroun, le Mali, le Niger, le Nigeria, la République centrafricaine, la RDC et la Somalie. Certaines de ces attaques constituaient de graves violations du droit international humanitaire et du droit international relatif aux droits humains.
Dans la région du lac Tchad, Boko Haram a commis des crimes de guerre à grande échelle. Ce groupe armé s’en est pris à des civils, faisant des morts et des déplacés de plus en plus nombreux. Une résurgence des exactions au Cameroun et au Nigeria a coûté la vie à des centaines de civils. Quatre-vingt-deux des lycéennes enlevées à Chibok, dans le nord-est du Nigeria, ont été libérées en mai. En revanche, des milliers de femmes, de filles et de jeunes hommes manquaient toujours à l’appel et subissaient des atrocités, y compris des viols. Dans cette zone, 1,7 million de personnes étaient déplacées et beaucoup d’entre elles n’étaient pas loin de vivre dans la famine.
Au Mali, les attaques de groupes armés contre des civils et les forces de maintien de la paix se sont propagées du nord vers le centre et l’état d’urgence a été prolongé d’un an en octobre. En octobre également, à Mogadiscio, la capitale somalienne, Al Shabab a perpétré l’un des attentats les plus meurtriers visant des civils dans l’histoire récente, qui a fait plus de 512 morts.
TORTURE ET AUTRES MAUVAIS TRAITEMENTS
Des actes de torture et d’autres mauvais traitements ont été signalés dans plusieurs pays, notamment le Burkina Faso, le Cameroun, l’Érythrée, l’Éthiopie, la Mauritanie, le Nigeria et le Soudan.
Les forces de sécurité camerounaises ont infligé des actes de torture à des personnes soupçonnées, souvent sans preuve, de soutenir Boko Haram. Ces violations, qui constituaient des crimes de guerre, ont été perpétrées en toute impunité.
En Éthiopie, des détenus accusés de terrorisme se sont plaints à de multiples reprises devant les tribunaux des actes de torture et des autres mauvais traitements que leur avaient infligés des policiers durant leurs interrogatoires. Dans certains cas, la justice a ordonné à la Commission éthiopienne des droits humains (CEDH) d’enquêter sur ces allégations, mais les investigations n’étaient pas conformes aux normes internationales relatives aux droits humains.
Il y a néanmoins eu des avancées dans ce domaine, comme la promulgation, en décembre, d’une loi de lutte contre la torture, qui interdit et érige en infraction le recours à la torture au Nigeria.
PERSONNES EN MOUVEMENT
Les conflits prolongés, ainsi que les crises humanitaires récurrentes et les violations persistantes des droits humains, ont contraint des millions de personnes à fuir leur domicile en quête de protection. Les personnes réfugiées ou migrantes étaient fréquemment victimes de violences. La communauté internationale n’apportait pas un soutien suffisant aux millions de réfugiés accueillis par des pays africains.
Du fait du conflit et de la sécheresse en Somalie, la moitié de la population du pays avait besoin d’une aide humanitaire, selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR). Plus d’un million de personnes ont été déplacées par le conflit et la sécheresse durant l’année, sachant que le pays comptait déjà 1,1 million de personnes déplacées qui vivaient dans des quartiers informels, où les conditions étaient déplorables et où leur sécurité n’était pas assurée.
Au Kenya, plus de 285 000 réfugiés et demandeurs d’asile somaliens avaient toujours besoin d’une protection urgente. En février, la Haute Cour a empêché l’État kenyan d’appliquer sa décision unilatérale de fermer le camp de réfugiés de Dadaab, qui risquait d’entraîner le renvoi forcé de plus de 260 000 réfugiés somaliens, ce qui serait allé à l’encontre du droit international. Bien que le camp soit resté ouvert, les autorités ont continué à refuser d’enregistrer les nouveaux arrivants venus de Somalie. Plus de 74 000 réfugiés qui vivaient à Dadaab ont été renvoyés en Somalie entre décembre 2014 et novembre 2017, au titre du rapatriement volontaire. Cependant, le caractère " volontaire " de ces rapatriements était mis en doute et les conditions d’un retour en toute sécurité et dans le respect de la dignité n’étaient pas assurées en Somalie, en raison du conflit et de la sécheresse.
Pour échapper au conflit, des centaines de milliers de Centrafricains sont partis dans les pays voisins ou ont été déplacés sur le territoire, se regroupant dans des camps de fortune. Les opérations militaires et le conflit avec Boko Haram dans la région du lac Tchad ont forcé des millions de personnes à fuir. Au Nigeria, au moins 1,7 million de personnes ont été déplacées dans les États de Borno, de Yobe et d’Adamawa (nord-est du pays). Dans cette zone, 5,2 millions de personnes avaient besoin d’une aide alimentaire d’urgence et 450 000 enfants de moins de cinq ans avaient des besoins nutritionnels urgents, selon le HCR. Au Tchad, plus de 408 000 réfugiés du Nigeria, de République centrafricaine, de RDC et du Soudan vivaient dans des camps de réfugiés, où les conditions étaient déplorables.
Au Botswana, les réfugiés étaient privés du droit de circuler librement, ainsi que du droit de travailler et de s’intégrer à la population locale, et les demandeurs d’asile étaient soumis à une longue procédure de détermination du statut de réfugié et maintenus en détention pendant ce temps.
Des Érythréens ont continué à fuir par milliers leur pays, où la situation des droits humains et l’existence d’un service militaire obligatoire à durée indéterminée étaient extrêmement problématiques pour de nombreuses personnes. Ils ont subi de graves atteintes aux droits humains pendant leur trajet et dans certains pays de destination, et beaucoup d’entre eux ont été victimes de détention arbitraire, d’enlèvement, de violences sexuelles et de mauvais traitements pendant leur voyage vers l’Europe. En août, le Soudan a renvoyé de force plus de 100 réfugiés en Érythrée, où ils risquaient de subir de graves violations des droits humains, bafouant ainsi le droit international.
Au Soudan du Sud, quelque 340 000 personnes ont fui devant l’escalade des combats dans la région d’Équatoria, qui a donné lieu à des atrocités et provoqué une famine entre janvier et octobre. Dans le sud du pays, des crimes de droit international et d’autres graves atteintes aux droits humains visant des civils, notamment des crimes de guerre, ont été commis le plus souvent par les forces gouvernementales, mais aussi par des forces d’opposition. Plus de 3,9 millions de personnes, soit environ un tiers de la population, ont été déplacées depuis le début du conflit, en décembre 2013.
Les autres États ne se sont guère mobilisés pour aider les pays voisins, où se trouvaient plus de deux millions de réfugiés sud-soudanais. L’Ouganda accueillait plus d’un million de réfugiés, principalement des enfants. Étant donné l’insuffisance chronique des fonds accordés par la communauté internationale, ce pays peinait à mettre en oeuvre sa politique relative aux réfugiés, pourtant progressiste et largement saluée. Par conséquent, l’État, le HCR et les ONG avaient du mal à satisfaire les besoins fondamentaux des réfugiés.
IMPUNITÉ
L’absence de justice, de réparations et d’obligation de rendre des comptes pour les auteurs présumés de crimes a continué à encourager fortement les atteintes aux droits humains dans des contextes et des pays extrêmement divers.
En République centrafricaine, des progrès ont été accomplis quant à la mise en place de la Cour pénale spéciale (CPS), chargée d’enquêter sur les graves atteintes aux droits humains et les crimes de droit international commis depuis 2003 et d’en juger les responsables présumés. Bien que le procureur spécial ait pris ses fonctions en mai, la CPS n’était pas encore opérationnelle et l’impunité demeurait généralisée.
Au Soudan du Sud, l’accord de paix de 2015 prévoyait la création de trois organes relevant de la justice de transition, mais ces dispositions n’avaient pas encore été appliquées. En juillet, la Commission de l’Union africaine (UA) et l’État sud-soudanais se sont accordés sur une feuille de route relative à la création du tribunal hybride. Les pourparlers concernant les instruments nécessaires à cette création se sont poursuivis mais aucune mesure n’a été adoptée officiellement.
Au Nigeria, une commission d’enquête spéciale établie par l’armée pour mener des investigations sur les allégations de violations manifestes des droits humains, et dont l’indépendance et l’impartialité étaient mises en doute, a blanchi des officiers supérieurs accusés de crimes de droit international. Son rapport n’a pas été rendu public. En août, le président par intérim a mis en place une commission d’enquête présidentielle qu’il a chargée de faire la lumière sur les violations des droits humains dont des militaires se seraient rendus coupables. La commission a mené des auditions entre septembre et novembre, mais aucun résultat n’avait été communiqué à la fin de l’année. Pendant ce temps, les autorités nigérianes ont orchestré en secret des procès collectifs de membres présumés de Boko Haram ; 50 personnes ont été condamnées à diverses peines d’emprisonnement à l’issue d’un procès qui a duré quatre jours.
En RDC, l’homicide de deux experts des Nations unies et la disparition de leur interprète congolais et de trois de leurs chauffeurs dans la province du Kasaï-Central, en mars, ont mis en évidence combien il était urgent de faire cesser les violences dans la région. L’enquête diligentée par les autorités congolaises s’est avérée manquer de transparence et de crédibilité. En juin, le Conseil des droits de l’homme de l’ONU a décidé de dépêcher une équipe d’experts internationaux en RDC afin qu’ils apportent leur concours aux investigations. En juillet, le haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme a nommé une équipe de trois experts, dont les conclusions étaient attendues pour juin 2018.
En Éthiopie, la police et l’armée continuaient de bénéficier de l’impunité pour les violations des droits humains perpétrées en 2015 et 2016. Le gouvernement a rejeté les appels réclamant des enquêtes indépendantes et impartiales sur les violations des droits humains en lien avec les manifestations ayant eu lieu dans plusieurs régions.
Les Chambres africaines extraordinaires siégeant au Sénégal ont confirmé la déclaration de culpabilité et la peine de réclusion à perpétuité prononcées à l’encontre de l’ancien président tchadien Hissène Habré pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et torture.
COUR PÉNALE INTERNATIONALE
En octobre, le Burundi est devenu le premier État partie à se retirer du Statut de Rome de la CPI. Malgré cela, en novembre, la Chambre préliminaire a rendu publique sa décision d’autoriser la procureure de la CPI à ouvrir une enquête sur les infractions relevant de la compétence de la CPI qui auraient été commises dans ce pays, ou par des ressortissants burundais à l’étranger, entre avril 2015 et octobre 2017.
Toutefois, l’évolution de la situation sur le continent laissait à penser que les discours appelant à se retirer de la CPI se modéraient. En janvier, l’UA a adopté une décision qui, malgré son titre trompeur, établissait les grandes lignes d’une collaboration avec la CPI et d’autres parties prenantes. Plus encourageant encore, plusieurs États membres, dont le Cap- Vert, le Liberia, le Malawi, le Nigeria, le Sénégal, la Tanzanie, la Tunisie et la Zambie, ont affiché leur soutien à la CPI et rejeté toute idée de retrait collectif.
Le nouveau gouvernement gambien a annulé le retrait du pays et le Parlement botswanais a adopté un projet de loi intégrant le Statut de Rome dans le droit national.
En mars, l’Afrique du Sud a annoncé qu’elle révoquerait l’avis d’intention de se retirer du Statut de Rome, qu’elle avait émis en 2016, après que la chambre de la Cour suprême du nord de la province de Gauteng a statué que la décision de quitter la CPI sans consulter le Parlement était inconstitutionnelle et, par conséquent, nulle. Néanmoins, un avant-projet de loi visant à abroger la Loi relative à la transposition du Statut de Rome dans le droit interne a été présenté au Parlement au début du mois de décembre, ce qui montrait que le gouvernement comptait maintenir sa décision de quitter la CPI.
Pendant ce temps, la Chambre préliminaire de la CPI a statué que l’Afrique du Sud aurait dû exécuter le mandat d’arrêt décerné à l’encontre du président soudanais Omar el Béchir lorsqu’il s’était rendu dans le pays, en 2015. Elle a confirmé que celui-ci ne jouissait pas d’une immunité d’arrestation et que tous les États parties au Statut de Rome étaient tenus de l’arrêter s’il entrait sur leur territoire et de le remettre à la CPI.
Dans son rapport préliminaire de décembre, le Bureau de la procureure de la CPI a annoncé qu’il continuait à analyser huit crimes présumés qui, selon son examen préliminaire, auraient été commis au Nigeria et à réunir des éléments concernant d’autres infractions. Toutefois, il n’avait pas encore pris de décision quant au bien-fondé d’ouvrir une enquête.
DISCRIMINATION ET MARGINALISATION
La discrimination, la marginalisation et les violences faites aux femmes et aux filles, qui souvent découlaient de traditions culturelles et étaient institutionnalisées par des lois injustes, se sont poursuivies dans un certain nombre de pays. Des femmes et des filles ont été victimes de viol et d’autres violences sexuelles, notamment dans le contexte de conflits et dans des pays comptant un grand nombre de réfugiés et de personnes déplacées.
Des filles enceintes étaient encore exclues du système scolaire, notamment en Guinée équatoriale et en Sierra Leone. En juin, le président tanzanien a annoncé qu’il était désormais interdit aux filles enceintes de retourner dans des établissements scolaires publics, ce qui n’a fait qu’encourager la stigmatisation et la discrimination visant les filles et les victimes de violences sexuelles.
Les violences faites aux femmes et aux filles en raison de leur genre étaient courantes dans plusieurs pays, parmi lesquels l’Afrique du Sud, le Liberia, le Malawi, le Mozambique et le Swaziland.
Dans certains pays, comme le Burkina Faso, le manque de matériel médical, de médicaments et de personnel dans les hôpitaux faisait courir aux femmes enceintes et aux nourrissons des risques importants de complications à l’accouchement, d’infection et de décès. Le taux de mutilations génitales féminines a diminué. Ces pratiques, pourtant interdites par la loi, n’en demeuraient pas moins répandues.
Au Liberia, les avortements dangereux expliquaient en partie l’un des taux de mortalité et de lésions maternelles les plus élevés du continent et les victimes de viol n’avaient pratiquement jamais accès à des services d’avortement abordables.
Malgré des lois progressistes en matière d’avortement, de nombreux obstacles entravaient l’accès des femmes et des filles à des services d’interruption de grossesse légaux en Afrique du Sud et les avortements qui n’étaient pas réalisés dans de bonnes conditions présentaient de graves dangers pour la santé, voire la vie des patientes. L’État n’a pris aucune mesure face au refus de certains professionnels de la santé d’effectuer des interruptions de grossesse.
En Angola, le gouvernement a proposé de modifier le Code pénal de manière à dépénaliser l’avortement dans des cas limités, mais le Parlement a rejeté cette idée. À la suite du tollé soulevé au sein de l’opinion publique, le vote parlementaire sur la question a été reporté sine die.
PERSONNES ALBINOS
Certaines superstitions attribuant des pouvoirs magiques aux personnes albinos ont cette année encore été à l’origine d’une série d’agressions ciblées. Au Malawi et au Mozambique, plusieurs personnes albinos ont été enlevées et tuées, les parties de leur corps étant recherchées. Au Mozambique, un garçon de sept ans a été assassiné par des inconnus qui l’ont enlevé à son domicile. Malgré l’indignation de l’opinion publique, l’État n’a guère réagi.
DROITS DES LESBIENNES, DES GAYS ET DES PERSONNES BISEXUELLES, TRANSGENRES OU INTERSEXUÉES
Les personnes LGBTI étaient la cible de discriminations, de poursuites, de harcèlement et de violences, notamment au Ghana, au Malawi, au Nigeria et au Sénégal. Au Ghana, le président du Parlement a appelé à modifier la Constitution de sorte que l’homosexualité soit illégale et punie par la loi. Au Liberia, un homme arrêté en 2016 et inculpé de " sodomie volontaire " aux termes du Code pénal était toujours détenu dans l’attente de son procès. Au Nigeria, des arrestations, des humiliations publiques, du chantage et des actes de discrimination fondés sur l’orientation sexuelle ont été signalés.
Au Botswana, la Haute Cour a rendu une décision historique en ordonnant à l’État de changer l’indication de genre sur les documents d’identité d’une femme transgenre ; elle a précisé que tout refus serait injustifié et bafouerait les droits de cette personne.
DROITS EN MATIÈRE DE LOGEMENT ET EXPULSIONS FORCÉES
Face à l’urbanisation galopante, au chômage, à la pauvreté et aux inégalités, de nombreux pays ne parvenaient pas à fournir de logements accessibles, abordables et habitables. Un glissement de terrain survenu dans une immense décharge en périphérie de la capitale éthiopienne a entraîné la mort de plus de 115 personnes. La plupart des victimes vivaient à proximité de ce site et gagnaient leur vie en recyclant des déchets.
Au moins 10 personnes, dont deux enfants, ont aussi été tuées par un glissement terrain dans une décharge en Guinée.
Dans l’État de Lagos, au Nigeria, les autorités ont expulsé de force au moins 5 000 personnes des quartiers d’Otodo-Gbame et d’Ilubirin, situés au bord de l’eau, tandis que les forces de sécurité projetaient du gaz lacrymogène et tiraient à balles réelles pour dégager la zone. Ces expulsions forcées allaient à l’encontre d’une décision d’une haute cour interdisant aux autorités de procéder à des démolitions dans ces quartiers.
Une haute cour du Nigeria a par ailleurs estimé que les démolitions prévues dans le quartier de Mpape, à Abuja, étaient illégales, au grand soulagement de centaines de milliers d’habitants. Elle a statué que les autorités devaient s’abstenir de procéder à des expulsions forcées et élaborer des politiques en vue de concrétiser le droit à un logement convenable.
RESPONSABILITÉ DES ENTREPRISES
En RDC, des enfants et des adultes risquaient leur santé et leur vie en travaillant dans des mines de cobalt pour un dollar par jour. En Afrique du Sud, Lonmin Plc, un géant de l’exploitation du platine ayant son siège au Royaume-Uni, laissait ses employés vivre dans des conditions sordides à Marikana, alors que l’entreprise avait pris l’engagement juridiquement contraignant de faire construire 5 500 nouveaux logements sur 10 ans. Personne n’a été amené à rendre de comptes pour l’homicide en 2012 de 34 personnes qui manifestaient contre les mauvaises conditions de travail dans les mines.
En revanche, la pression, la mobilisation et les exigences de l’opinion publique en matière de responsabilité des entreprises sont devenues de plus en plus manifestes dans plusieurs pays. En juin, une affaire emblématique a été intentée devant la justice civile contre Shell aux Pays-Bas : le géant pétrolier était accusé de complicité dans l’arrestation, la détention et l’exécution illégales de neuf Ogonis, pendus par le régime militaire nigérian en 1995. Des organisations internationales appelaient à diligenter une enquête sur le rôle de l’entreprise dans les graves violations des droits humains commises par les forces de sécurité nigérianes en pays ogoni dans les années 1990.
Certains États ont pris des mesures positives. La RDC s’est engagée à mettre fin au travail des enfants dans le secteur minier d’ici à 2025, ce qui constituerait une avancée considérable. En effet, des enfants, dont les plus jeunes n’avaient que sept ans, effectuaient encore des travaux dangereux dans les mines. Le Ghana a ratifié la Convention de Minamata sur le mercure, qui vise à protéger les ouvriers de ce métal liquide toxique en réduisant l’utilisation du mercure dans l’exploitation de l’or pratiquée de manière artisanale ou à petite échelle, et à empêcher que les enfants y soient exposés.
PERSPECTIVES
Bien que les problèmes liés la situation des droits humains en Afrique n’aient pas disparu, et se soient même aggravés dans certains cas, l’année 2017 a aussi été porteuse d’espoir et de perspectives d’évolution. L’espoir est venu notamment des innombrables personnes qui, sur tout le continent, ont défendu les droits humains, la justice et la dignité, souvent au péril de leur vie et de leur liberté.
Les organes régionaux ont continué à jouer un rôle déterminant dans la concrétisation de changements positifs ; ils ont eux aussi de nombreuses opportunités pour agir. Pendant l’année, l’UA a adopté un plan ambitieux destiné à " faire taire les armes " d’ici à 2020, comme elle s’y est engagée. Elle s’est lancée dans un vaste programme de réforme institutionnelle, qui prévoit notamment la mobilisation de ressources importantes aux fins de son fonctionnement et des opérations de sécurisation et de maintien de la paix. Cette approche globale et l’ambition de l’UA de s’attaquer aux causes profondes des conflits peuvent véritablement permettre de lancer une action régionale efficace, afin de mieux protéger les civils, de respecter les droits humains et de lutter contre la culture de l’impunité, profondément ancrée.
Par ailleurs, la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples a fêté son 30e anniversaire. Malgré les nombreuses difficultés auxquelles elle était confrontée, elle a fortement contribué à la promotion et à la protection des droits humains, notamment en formulant un nombre impressionnant d’instruments et de normes. Rien qu’en 2017, elle a adopté au moins 13 instruments qui ont permis de préciser le contenu des dispositions générales de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et du Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits des femmes en Afrique.
Il faut que la Commission s’appuie sur son expérience fructueuse et s’emploie à affiner et à renforcer ses processus et mécanismes, à élaborer un ensemble unique de directives consolidées sur la transmission d’informations par les États, et à appliquer systématiquement la procédure en vigueur pour suivre la mise en oeuvre de ses décisions et recommandations dans les pays.