ASIE DE L’EST
Les autorités japonaises, mongoles et sud-coréennes ne protégeaient pas correctement les défenseurs des droits humains. En Chine, des défenseurs des droits humains ont été directement pris pour cible et persécutés. La réduction de l’espace dédié à la société civile était particulièrement significative en Chine et représentait une source de préoccupation grandissante à Hong Kong et au Japon.
La protection des droits humains a été affaiblie au Japon, où, en dépit des critiques de la société civile et d’universitaires, le Parlement a adopté une loi excessivement large portant sur les actes de " terrorisme " et d’autres crimes graves. Ce texte conférait aux autorités des pouvoirs étendus en matière de surveillance, susceptibles d’être utilisés de façon abusive pour restreindre les droits humains.
En Corée du Sud, après un changement de gouvernement, la police nationale a accepté des recommandations prévoyant une nouvelle approche générale du maintien de l’ordre, en vue de garantir le libre et plein exercice du droit à la liberté de réunion pacifique. Toujours en Corée du Sud, bien que des centaines d’objecteurs de conscience soient toujours emprisonnés, de plus en plus de tribunaux de première instance ont prononcé des jugements reconnaissant le droit à l’objection de conscience. Des décisions de justice ont par ailleurs reconnu la responsabilité d’entreprises multinationales dans la mort ou la maladie de certains de leurs employés.
La consécration du président Xi Jinping, reconnu comme le dirigeant chinois le plus puissant depuis de nombreuses années, s’est inscrite dans un contexte de répression de la liberté d’expression et d’information. Les autorités chinoises se sont de plus en plus appuyées sur la " sécurité nationale " pour justifier la restriction des droits humains et la détention de militants. Cette pratique s’est particulièrement répandue dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang, où, sous la direction du nouveau secrétaire général régional du Parti communiste Chen Quanguo, les autorités ont décidé de mettre l’accent sur la " stabilité sociale ". Elles ont renforcé la surveillance technologique, multiplié les patrouilles armées dans les rues et les postes de contrôle, et mis en oeuvre tout un éventail de politiques intrusives bafouant les droits humains. Elles ont également mis en place dans cette région des lieux de détention portant divers noms tels que " centre de lutte contre l’extrémisme ", " centre d’études politiques ", ou encore " centre d’éducation et de transformation ", dans lesquels des personnes étaient détenues de façon arbitraire pendant des durées indéterminées et forcées d’étudier la législation et les politiques de la Chine.
La population de Corée du Nord était toujours victime de graves violations des droits humains, dont certaines étaient constitutives de crimes contre l’humanité. Le droit à la liberté d’expression et le droit de circuler librement demeuraient très restreints, et jusqu’à 120 000 personnes étaient toujours maintenues en détention arbitraire dans des camps de prisonniers politiques, où elles étaient soumises aux travaux forcés et à des actes de torture et d’autres mauvais traitements.
Défenseures et défenseurs des droits humains
Les autorités chinoises ont poursuivi leur répression sans précédent de la dissidence à travers une campagne impitoyable, dans le cadre de laquelle des avocats et militants en faveur des droits humains ont été arrêtés arbitrairement, emprisonnés et soumis à des actes de torture, entre autres mauvais traitements. Les autorités ont continué d’avoir recours au placement en " résidence surveillée dans un lieu désigné ", une forme de détention au secret dans un lieu non révélé, qui permet à la police de maintenir des personnes hors du système de détention officiel pendant une période pouvant aller jusqu’à six mois. Les suspects ainsi détenus sont totalement coupés du monde extérieur, sans la possibilité notamment de consulter un avocat de leur choix ni d’entrer en contact avec leur famille, et sont exposés à un risque élevé de torture et d’autres mauvais traitements. Cette forme de détention a été utilisée pour entraver les activités de défenseurs des droits humains, dont des avocats, des militants et des pratiquants de certaines religions.
Le gouvernement a également continué d’emprisonner les personnes essayant de commémorer pacifiquement la répression de la place Tiananmen survenue les 3 et 4 juin 1989 à Pékin, la capitale, lors de laquelle des centaines, voire des milliers, de personnes avaient été blessées ou tuées lorsque l’Armée populaire de libération avait ouvert le feu sur des manifestants non armés. Liu Xiaobo, lauréat du prix Nobel de la paix, est mort en détention en juillet.
À Hong Kong, le recours répété à des charges formulées en des termes vagues contre des figures centrales du mouvement prodémocratique semblait s’inscrire dans le cadre d’une campagne de représailles orchestrée par les autorités pour punir et intimider les personnes militant en faveur de la démocratie ou remettant en cause les autorités.
Populations en mouvement
Au Japon, le nombre de demandes d’asile a continué d’augmenter : le gouvernement a annoncé en février que 10 901 requêtes avaient été déposées en 2016, soit une augmentation de 44 % par rapport à l’année précédente, et que 28 demandeurs d’asile avaient obtenu le statut de réfugié. Dans le même temps, le Japon a commencé à accueillir les premiers des 10 000 ressortissants vietnamiens attendus sur trois ans au titre d’un programme d’immigration de travailleurs destiné à pallier le manque de main-d’oeuvre dans le pays. Ce programme a été vivement critiqué par les défenseurs des droits humains car il favoriserait un large éventail d’atteintes aux droits fondamentaux.
En Corée du Sud, la mort de plusieurs travailleurs migrants a suscité des inquiétudes quant à la sécurité sur le lieu de travail. Les autorités de Corée du Nord ont continué d’envoyer des personnes travailler à l’étranger, notamment en Chine et en Russie, bien que certains pays aient cessé de renouveler les visas de travail des Nord-Coréens ou d’en délivrer de nouveaux afin de respecter les nouvelles sanctions adoptées par l’ONU concernant les activités économiques de la Corée du Nord à l’étranger, en réaction aux tests de missiles réalisés par le pays.
Discrimination
En Chine, la répression religieuse demeurait particulièrement sévère dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang et dans les zones à population tibétaine.
La discrimination contre les personnes LGBTI restait très répandue dans la vie publique en Corée du Sud. Les hommes gays étaient victimes de violences physiques, de harcèlement et d’agressions verbales pendant le service militaire obligatoire. Un soldat a été déclaré coupable par la justice d’avoir eu des relations sexuelles avec une personne du même sexe.
Si la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, réelle ou supposée, demeurait très répandue au Japon, des progrès ont néanmoins été réalisés localement. Pour la première fois, les autorités d’Osaka ont autorisé un couple gay à devenir famille d’accueil, et deux autres municipalités ont pris des mesures positives en vue de reconnaître les couples de même sexe.
La plus haute juridiction taiwanaise a rendu une décision historique représentant une avancée majeure pour les droits des personnes LGBTI, qui pourrait faire de Taiwan le premier pays d’Asie à légaliser le mariage entre personnes de même sexe. Les juges ont statué que la législation relative au mariage était contraire à la Constitution car elle était discriminatoire envers les couples de même sexe ; ils ont donné deux ans aux législateurs pour modifier les lois existantes ou en adopter de nouvelles. Un projet de loi sur l’égalité devant le mariage était en cours d’examen par le Parlement taiwanais.
Peine de mort
La Chine demeurait le pays au monde ayant procédé au plus grand nombre d’exécutions ; toutefois, les statistiques sur la peine de mort y demeuraient classées secret d’État. La Cour suprême de Taiwan a rejeté le recours extraordinaire introduit par le procureur général en faveur d’un nouveau procès dans l’affaire de Chiou Ho-shun, le plus ancien prisonnier du quartier des condamnés à mort à Taiwan. Condamné à la peine capitale en 1989, Chiou Ho-shun affirme avoir été torturé et contraint à " avouer " durant les interrogatoires de police.
En juillet, la Mongolie est devenue le 105e pays à abolir la peine de mort pour tous les crimes. Néanmoins, en novembre, le président a proposé au ministère de la Justice de rétablir ce châtiment, en réaction à deux affaires de viol suivi de meurtre.
ASIE DU SUD
Dans toute l’Asie du Sud, des gouvernements ont invoqué des motifs de maintien de l’ordre, de sécurité nationale et de religion pour justifier leurs attaques contre des minorités religieuses, la criminalisation de la liberté d’expression, les disparitions forcées, le recours fréquent à la peine de mort et les atteintes aux droits des réfugiés. L’impunité était généralisée. La liberté d’expression était largement menacée en Asie du Sud. Utilisant comme excuse des notions floues telles que " l’intérêt national " pour museler la population, les gouvernements ont pris pour cible des journalistes, des défenseurs des droits humains et d’autres personnes qui n’avaient fait qu’exprimer pacifiquement leurs convictions.
Une nouvelle tendance à la pénalisation de la liberté d’expression sur internet s’est également développée. Au Pakistan, cinq blogueurs qui avaient critiqué le gouvernement ont été victimes d’une disparition forcée. D’autres blogueurs ont été arrêtés pour avoir critiqué l’armée ou pour avoir fait des commentaires jugés " contraires à l’islam ". Des personnes ayant critiqué le gouvernement du Bangladesh ou la famille de la Première ministre ont également fait l’objet de poursuites judiciaires. Le gouvernement de ce pays a proposé une nouvelle loi sur la sécurité numérique, qui limiterait encore davantage le droit à liberté d’expression en ligne et imposerait des sanctions encore plus sévères. En Afghanistan, où le taux de pénétration d’internet est parmi les plus faibles de la région Asie-Pacifique, une nouvelle loi de lutte contre la cybercriminalité, pénalisant la liberté d’expression, a été adoptée.
Les manquements en matière de protection des droits économiques, sociaux et culturels avaient de lourdes conséquences. Le Pakistan n’ayant pas mis sa législation en conformité avec les normes internationales, la population souffrait d’une discrimination à grande échelle, de restrictions des droits des travailleurs et d’une sécurité sociale insuffisante. L’Inde a ratifié deux grandes conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT) sur le travail des enfants. Cependant, des modifications apportées à la législation dans ce domaine, qui autorisaient l’emploi de mineurs dans l’entreprise familiale, ont continué de faire l’objet de critiques de la part des militants. Deux ans après le violent séisme qui a secoué le Népal, le gouvernement ne venait toujours pas en aide à des milliers de survivants marginalisés vivant dans des abris temporaires précaires.
Le Pakistan a été élu membre du Conseil des droits de l’homme de l’ONU en octobre et s’est engagé à respecter les droits humains. Cependant, les autorités n’ont pas pris de mesures pour remédier aux graves problèmes qui se posent dans le pays en la matière, notamment les disparitions forcées, la peine de mort, les lois relatives au blasphème, le recours à des tribunaux militaires pour juger des civils, les droits des femmes et les menaces contre les défenseurs des droits humains.
Des groupes armés se sont rendus coupables d’homicides, d’enlèvements et d’autres exactions en Afghanistan, au Bangladesh, en Inde et au Pakistan, entre autres. Le nombre de victimes civiles demeurait élevé en Afghanistan, en particulier parmi les minorités religieuses. Au Pakistan, des groupes armés ont pris pour cible des musulmans chiites, notamment lors de l’attentat contre une mosquée chiite de Quetta, qui a fait 18 morts.
Plusieurs violations, telles que des arrestations et détentions arbitraires, ont été constatées pendant les élections locales organisées au Népal pour la première fois depuis très longtemps, et les forces de sécurité ont ouvert le feu sur des manifestants lors d’un meeting électoral.
Dans l’État de Jammu-et-Cachemire, en Inde, les forces de sécurité ont tué huit personnes après une manifestation organisée pendant une élection législative partielle. Un électeur a été frappé par des militaires avant d’être attaché à l’avant d’une jeep de l’armée, qui a sillonné les rues pendant plus de cinq heures à titre, semble-t-il, d’avertissement à l’intention des contestataires. Les forces de sécurité ont par ailleurs continué d’utiliser des fusils à plomb, qui sont des armes imprécises par nature, lors de manifestations. Des personnes ont été blessées et d’autres ont perdu la vue.
Défenseures et défenseurs des droits humains
En Inde, les autorités ont critiqué ouvertement les défenseurs des droits humains, contribuant ainsi à un climat d’hostilité et de violence à leur égard. Des lois répressives ont été utilisées pour museler la liberté d’expression, et les attaques contre des journalistes et la liberté de la presse ont été toujours plus nombreuses.
En Afghanistan, des défenseurs des droits humains ont été la cible de menaces incessantes de groupes armés et d’acteurs étatiques, et des journalistes ont fait l’objet de violences et de censure.
Les autorités pakistanaises n’ont pas protégé les journalistes, les blogueurs, les membres de la société civile et les militants qui étaient sans cesse victimes de harcèlement, de manoeuvres d’intimidation, de campagnes de diffamation et d’attaques imputables à des acteurs non étatiques. Loin de les protéger, les autorités ont durci les restrictions imposées au travail de dizaines d’ONG et ont soumis de nombreux militants à des attaques, notamment à des disparitions forcées.
Au Bangladesh, le gouvernement a intensifié sa politique de répression du débat public et de la critique. Des professionnels des médias ont été harcelés et poursuivis en justice au titre de lois draconiennes. Le gouvernement n’a pas demandé de comptes aux groupes armés responsables d’une série d’homicides de blogueurs défenseurs de la laïcité, en dépit du grand retentissement de ces crimes. Les militants recevaient régulièrement des menaces de mort, ce qui a contraint certains d’entre eux à quitter le pays.
Aux Maldives, les restrictions du débat public ont été durcies. Les autorités ont harcelé des journalistes, des militants et des organes de presse. Le gouvernement aurait été à l’origine d’une offensive impitoyable contre l’état de droit qui compromettait l’indépendance du pouvoir judiciaire.
Impunité
L’impunité était généralisée et bien enracinée en Asie du Sud. Toutefois, au Népal, un tribunal de district a condamné trois militaires à la réclusion à perpétuité pour le meurtre de Maina Sunuwar, une adolescente de 15 ans morte des suites d’actes de torture infligés alors qu’elle était détenue par l’armée au cours du conflit qui a opposé maoïstes et forces gouvernementales pendant 10 ans et a pris fin en 2006. Ces condamnations étaient un grand progrès en ce qui concerne la capacité du système judiciaire à traiter les graves atteintes aux droits humains commises pendant la période du conflit, et offraient pour la première fois un espoir de justice aux victimes.
En Inde, la Cour suprême a ordonné au Bureau central d’enquêtes de mener des investigations sur plus de 80 exécutions extrajudiciaires qui auraient été commises par la police et les forces de sécurité dans l’État du Manipur entre 1979 et 2012, considérant que le simple fait que ces crimes aient été commis il y a plusieurs années ne devait pas justifier l’absence d’enquête.
Disparitions forcées
Des disparitions forcées ont continué d’être constatées au Pakistan ; les victimes étaient exposées à de graves risques de torture et d’autres formes de mauvais traitements, et étaient même très souvent en danger de mort. À la connaissance d’Amnesty International, aucun responsable n’avait été traduit en justice pour les centaines, voire les milliers, de cas signalés dans le pays ces dernières années.
Malgré les engagements pris en 2015 par le gouvernement sri-lankais en matière de justice, de vérité et de réparations pour les victimes du conflit armé au Sri Lanka, ainsi qu’en matière de réformes destinées à empêcher les violations, les progrès étaient lents dans ce pays. Les disparitions forcées restaient impunies. Le gouvernement n’a pas honoré son engagement d’abroger la Loi relative à la prévention du terrorisme, dont les dispositions draconiennes permettaient la détention au secret dans des lieux non révélés. Cependant, le Parlement a adopté une version modifiée de la Loi relative au Bureau des personnes disparues, destinée à aider les familles à retrouver la trace de proches disparus.
Des disparitions forcées étaient à déplorer au Bangladesh. Les victimes étaient souvent des membres de partis politiques de l’opposition.
Populations en mouvement
Dans divers pays d’Asie du Sud, des réfugiés et des migrants ont vu leurs droits bafoués. Le Bangladesh a ouvert ses frontières à plus de 655 000 Rohingyas qui fuyaient une campagne de nettoyage ethnique au Myanmar. Si les réfugiés rohingyas étaient contraints de retourner au Myanmar, ils se retrouveraient à la merci de l’armée même qui les a forcés à fuir et seraient toujours en butte au système de discrimination et de ségrégation bien établi, semblable à un régime d’apartheid, qui les a rendus si vulnérables.
En Afghanistan, le nombre de personnes déplacées à l’intérieur du pays a augmenté pour atteindre plus de deux millions. Par ailleurs, quelque 2,6 millions d’Afghans étaient réfugiés à l’étranger.
Discrimination
Dans toute l’Asie du Sud, les voix dissidentes et les membres de minorités religieuses étaient de plus en plus exposés à des attaques menées par des foules. En Inde, plusieurs cas de lynchage de musulmans ont été signalés, provoquant l’indignation contre la vague d’islamophobie grandissante sous le gouvernement nationaliste hindou. Des manifestations dénonçant les attaques contre des musulmans ont eu lieu dans plusieurs villes, mais le gouvernement n’a guère montré sa désapprobation à l’égard de ces violences. Des groupes adivasis (aborigènes) ont, cette année encore, été déplacés par des projets industriels.
Au Bangladesh, le gouvernement a réagi aux attaques contre les minorités religieuses avec une quasi-indifférence. Les personnes sollicitant l’aide des autorités après avoir fait l’objet de menaces ont souvent reçu une fin de non-recevoir.
Au Sri Lanka, le sentiment nationaliste bouddhiste s’est renforcé, entraînant notamment des attaques contre des chrétiens et des musulmans. Le gouvernement des Maldives a utilisé la religion comme prétexte pour justifier ses pratiques répressives, notamment ses attaques contre des membres de l’opposition et son projet de rétablissement de la peine de mort.
Les groupes marginalisés du Pakistan étaient en butte à la discrimination dans la législation, dans les politiques et dans la pratique en raison de leur genre, de leur religion, de leur nationalité, de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre. Les lois pakistanaises relatives au blasphème, qui imposent la condamnation à mort en cas de " blasphème à l’égard du prophète Mahomet ", restaient incompatibles avec tout un éventail de droits. Régulièrement utilisées de manière abusive, elles visaient de manière disproportionnée les minorités religieuses, entre autres, qui étaient la cible d’accusations souvent fausses bafouant le droit international relatif aux droits humains. Un homme a été condamné à mort pour des publications jugées " blasphématoires " sur Facebook. Il s’agit de la peine la plus lourde prononcée à ce jour au Pakistan pour une infraction liée à la cybercriminalité.
Discrimination liée au genre
Bien que la Cour suprême d’Inde ait interdit le triple talaq (divorce express musulman), les arrêts rendus par cette instance dans d’autres affaires ont porté atteinte à l’autonomie des femmes. La Cour suprême a ainsi affaibli une loi qui avait été votée pour protéger les femmes contre les violences au sein du couple. Plusieurs victimes de viols, dont des mineures, ont demandé à la justice l’autorisation d’interrompre leur grossesse au-delà de 20 semaines, conformément au droit indien. Certaines ont vu leur requête approuvée, d’autres non. Le gouvernement central a demandé aux États de mettre en place des conseils médicaux permanents chargés de se prononcer rapidement sur ce type d’affaires.
Au Pakistan, le cas d’une adolescente dont le viol a été ordonné par un conseil de village à titre de " vengeance " pour un viol qu’aurait commis son frère est venu s’ajouter à une longue liste d’affaires révoltantes. Bien que des membres de ce conseil aient été arrêtés pour avoir ordonné le viol, les autorités n’ont pas mis fin à l’impunité pour les violences sexuelles et n’ont rien fait pour dissoudre les conseils de village ayant ordonné des crimes de violence sexuelle à titre de vengeance. Les relations sexuelles consenties entre personnes de même sexe étaient toujours érigées en infraction au Pakistan.
Les violences contre les femmes et les filles ont persisté en Afghanistan, où une augmentation des châtiments infligés en public à des femmes par des groupes armés en vertu de la charia (droit musulman) a été constatée.
Peine de mort
Alors que la crise politique s’aggravait aux Maldives, les autorités ont annoncé la reprise des exécutions, après une interruption de plus de 60 ans. Aucune exécution n’avait eu lieu à la fin de l’année.
Depuis que le Pakistan a levé son moratoire informel sur les exécutions en 2014, des centaines de personnes ont été exécutées, souvent à l’issue d’un procès dont on pouvait sérieusement douter de l’équité. En violation du droit international, des tribunaux ont condamné à mort des personnes souffrant de handicap mental, des personnes âgées de moins de 18 ans au moment des faits qui leur étaient reprochés et des personnes dont les déclarations de culpabilité reposaient sur des " aveux " obtenus sous la torture.
Conflit armé
La situation a continué de se détériorer en Afghanistan : le nombre de victimes civiles demeurait élevé, la crise des personnes déplacées à l’intérieur du pays s’est aggravée et les talibans contrôlaient un territoire plus grand que jamais depuis 2001. Des dizaines de milliers de réfugiés afghans ont été renvoyés contre leur gré du Pakistan, d’Iran et de pays de l’Union européenne depuis 2014.
Le gouvernement afghan et la communauté internationale ne se sont pas suffisamment préoccupés de la détresse des civils. Les forces de sécurité ont ouvert le feu et ont tué plusieurs manifestants qui protestaient contre la violence et l’insécurité à la suite de l’un des attentats à la bombe les plus meurtriers, qui avait fait plus de 150 morts et des centaines de blessés le 31 mai à Kaboul.
La procureure de la Cour pénale internationale a pris la décision bienvenue de demander l’ouverture d’une enquête préliminaire sur les crimes qui auraient été commis par toutes les parties au conflit armé qui fait rage en Afghanistan. Cette décision représente une avancée importante en vue d’amener les responsables présumés de crimes de droit international commis en Afghanistan depuis 2003 à rendre des comptes, et d’apporter vérité, justice et réparations aux victimes.
ASIE DU SUD-EST ET PACIFIQUE
De nombreuses personnes qui se mobilisaient pour exiger le respect des droits humains et l’obligation de rendre des comptes pour des exactions ont été diabolisées et poursuivies en justice, ce qui a entraîné une réduction de l’espace dédié à la société civile. La police et les forces de sécurité ont persécuté des défenseurs des droits humains. Des exécutions extrajudiciaires, des actes de torture, entre autres formes de mauvais traitements, et des disparitions forcées ont continué d’être constatées sans que les responsables ne soient amenés à rendre des comptes.
La campagne de violences menée par les forces de sécurité du Myanmar contre les Rohingyas dans le nord de l’État d’Arakan, constitutive de crimes contre l’humanité, a engendré une crise humanitaire et des droits humains dans le pays et au Bangladesh voisin.
Le non-respect des lois et la violence se sont aggravés aux Philippines. Le mépris qu’affichait le président pour les droits humains dans la " guerre contre la drogue " s’est traduit par des milliers d’homicides, principalement de personnes issues de groupes pauvres et marginalisés, dont des enfants. L’ampleur de cette vague d’homicides et l’impunité généralisée ont suscité des appels de plus en plus nombreux en faveur d’une enquête au niveau international. En décembre, le prolongement de la loi martiale sur l’île de Mindanao, dans le sud du pays, a fait craindre que ce régime militaire ne soit utilisé pour justifier d’autres atteintes aux droits humains. Le gouvernement a tenté de rétablir la peine de mort.
En Indonésie, le nombre d’homicides de trafiquants de drogue présumés imputables à la police a connu une forte hausse.
En Australie, les droits humains demeuraient un voeu pieux tandis que les autorités soumettaient les demandeurs d’asile et les réfugiés à un traitement cruel, inhumain et dégradant.
Des gouvernements d’Asie du Sud-Est et du Pacifique n’ont pas fait le nécessaire pour faire respecter les droits économiques, sociaux et culturels. Au Laos, des villageois touchés par des projets d’infrastructures ont été contraints de partir s’installer ailleurs. Au Cambodge, le droit à un logement convenable a été mis à mal par l’accaparement de terres. À Singapour, des ONG ont critiqué les mauvaises conditions de logement des travailleurs étrangers.
Des élections nationales se sont tenues en Papouasie-Nouvelle-Guinée sur fond d’allégations de corruption et de mesures brutales des autorités, notamment des violences et des arrestations arbitraires.
Défenseures et défenseurs des droits humains
Des défenseurs des droits humains, des militants politiques pacifiques et des adeptes de certaines religions ont été victimes de violations, notamment de détention arbitraire, et ont fait l’objet d’accusations formulées en des termes vagues et de procès non conformes aux normes internationales d’équité. Des prisonniers d’opinion ont été soumis à des actes de torture et à d’autres mauvais traitements.
Au Cambodge, la répression impitoyable de la société civile et des militants politiques menée par le gouvernement s’est intensifiée à l’approche des élections législatives prévues en juillet 2018. Des défenseurs des droits humains ont été surveillés, arrêtés et emprisonnés, des médias ont été fermés, le harcèlement de la société civile par le biais d’une utilisation abusive du système judiciaire s’est intensifié, et une modification de la législation a étendu les pouvoirs des autorités sur les partis politiques. Le système judiciaire a été utilisé comme outil politique pour museler la dissidence, et la Cour suprême a dissous le principal parti d’opposition avant les élections, ce qui représentait un acte de répression politique flagrant.
Le gouvernement militaire thaïlandais a poursuivi sa répression systématique de la dissidence, empêchant la population de s’exprimer et de se réunir pacifiquement et attaquant la société civile, notamment au moyen de la justice. Des dizaines de défenseurs des droits humains, de militants en faveur de la démocratie et d’autres personnes ont fait l’objet d’enquêtes et de poursuites au titre de lois et de décrets draconiens, nombre d’entre eux risquant de devoir subir de longues procédures iniques devant des tribunaux militaires.
En Malaisie, dans le cadre de la répression des droits civils et politiques actuellement menée par le gouvernement, des lois restrictives ont été utilisées pour soumettre ses détracteurs à des actes de harcèlement, des détentions et des poursuites. Le nombre d’interdictions de voyager arbitraires et illimitées prononcées contre des défenseurs des droits humains et bafouant leurs droits a augmenté. Des militants des droits des populations autochtones et des journalistes ont été arrêtés parce qu’ils avaient manifesté pacifiquement contre des atteintes.
Le gouvernement de Fidji a utilisé une législation restrictive pour museler les médias et entraver le droit à la liberté d’expression et de réunion pacifique. Les accusations portées contre des employés du Fiji Times ont été transformées en inculpation pour sédition, une mesure motivée par des considérations politiques et destinée à réduire au silence l’un des derniers organes de presse indépendants du pays.
À Singapour, des modifications apportées à la Loi relative à l’ordre public ont conféré aux autorités des pouvoirs plus étendus en matière de restriction ou d’interdiction des rassemblements publics. Des défenseurs des droits humains ont été soumis à des enquêtes de police pour avoir participé à des manifestations pacifiques. Des avocats et des universitaires ayant critiqué le système judiciaire ont été inculpés, et la liberté de la presse a été restreinte.
Au Laos, les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique restaient très limités et des dispositions du Code pénal ont été utilisées pour emprisonner des militants pacifiques.
La répression de la dissidence au Viêt-Nam s’est intensifiée, forçant de nombreux militants à fuir le pays.
L’érosion de la liberté de la presse s’est aggravée au Myanmar, où des journalistes et d’autres professionnels des médias ont fait l’objet de manoeuvres d’intimidation et parfois d’arrestations, de placements en détention et de poursuites judiciaires en lien avec leur travail.
Impunité
En Malaisie, l’impunité était toujours la règle pour les cas de décès en détention et de recours excessif à la force. Plusieurs personnes sont mortes en détention, notamment S. Balamurugan, qui aurait été frappé par la police pendant un interrogatoire.
Dans la province de Papouasie, en Indonésie, le recours excessif ou injustifié à la force pendant des manifestations massives ou d’autres opérations de sécurité demeurait impuni. Le gouvernement de Fidji n’a pas fait en sorte que les membres des forces de sécurité responsables d’actes de torture et d’autres mauvais traitements infligés à des détenus soient amenés à rendre des comptes.
Au Timor-Leste, des victimes de graves violations des droits humains commises durant l’occupation indonésienne (1975-1999) réclamaient toujours justice et réparations.
La campagne de violences contre les Rohingyas au Myanmar
Les forces de sécurité du Myanmar ont lancé une campagne de nettoyage ethnique ciblée contre les Rohingyas dans le nord de l’État d’Arakan, se livrant à des actes constitutifs de crimes contre l’humanité, tels que des homicides illégaux, des viols et des incendies de villages. Ces atrocités, perpétrées en réaction illégale et disproportionnée à des attaques contre des postes de sécurité par un groupe armé rohingya en août, ont entraîné la plus grave crise des réfugiés qu’ait connue l’Asie du Sud-Est depuis plusieurs dizaines d’années. Les sévères restrictions imposées par le Myanmar aux organisations humanitaires travaillant dans l’État d’Arakan ont encore aggravé les souffrances.
Plus de 655 000 Rohingyas ont fui au Bangladesh. À la fin de l’année, près d’un million de réfugiés rohingyas, parmi lesquels des personnes ayant fui des vagues de violence précédentes, se trouvaient dans le district de Cox’s Bazar, au Bangladesh. Les Rohingyas restés au Myanmar vivaient toujours sous un régime constituant une forme d’apartheid, dans lequel leurs droits, notamment à l’égalité devant à la loi et à la libre circulation, ainsi que leur accès aux soins de santé, à l’éducation et au travail, étaient très restreints.
Les forces de sécurité du Myanmar étaient les principales responsables des violences contre les Rohingyas. Cependant, le gouvernement civil dirigé par Aung San Suu Kyi ne les a pas condamnées et n’est pas intervenu. Au lieu de cela, il a dénigré les travailleurs humanitaires, les accusant d’aider des " terroristes ", tout en niant les exactions.
Malgré les multiples éléments de preuve des atrocités commises au Myanmar, la communauté internationale, y compris le Conseil de sécurité de l’ONU, n’a pas pris de mesures concrètes ni fait clairement savoir que les crimes contre l’humanité commis par l’armée ne resteraient pas impunis.
Populations en mouvement
L’Australie a maintenu sa politique draconienne vis-à-vis des centaines de demandeurs d’asile enfermés dans des centres de traitement situés à l’étranger, en Papouasie-Nouvelle-Guinée et à Nauru, et a continué de repousser ceux qui tentaient de rejoindre ses côtes par bateau, contrevenant ainsi à son obligation internationale de les protéger.
Malgré les nombreuses informations faisant état de violences physiques, psychologiques et sexuelles, des réfugiés et des demandeurs d’asile étaient toujours pris au piège à Nauru, où ils avaient été envoyés de force par le gouvernement australien, pour la plupart il y a plus de quatre ans. Plusieurs centaines de personnes vivant dans les centres de traitement situés à l’étranger, dont des dizaines d’enfants, étaient victimes d’humiliations, de violences et de négligences et n’avaient pas accès à des soins de santé physique et mentale satisfaisants.
Plus de 800 autres vivant parmi la population locale étaient confrontées à de graves risques pour leur sécurité et n’avaient pas un accès suffisant aux soins de santé, à l’éducation et à l’emploi.
À la fin du mois d’octobre, le gouvernement australien a cessé de fournir tout service dans son centre de l’île de Manus, en Papouasie-Nouvelle-Guinée, afin de forcer les réfugiés et les demandeurs d’asile à s’installer plus près de la ville, où ils craignaient, à juste titre, pour leur sécurité. En novembre, des réfugiés ont été conduits de force dans de nouveaux centres qui n’étaient pas terminés. Ils ne bénéficiaient toujours pas de soins de santé suffisants, étaient toujours victimes de violences de la part des habitants de l’île et ne savaient pas ce que l’avenir leur réservait.
Fidji a renvoyé de force des personnes vers des pays où elles risquaient de subir de graves violations des droits humains.
Le Cambodge a rejeté 29 demandes d’obtention du statut de réfugié déposées par des demandeurs d’asile montagnards, qu’elle a renvoyés de force au Viêt-Nam malgré le risque de persécution.
Discrimination
Le système judiciaire australien manquait toujours à ses obligations envers les personnes autochtones, en particulier les enfants ; le taux d’incarcération des Aborigènes était élevé et des cas de violence et de mort en détention ont été signalés. Des enregistrements de vidéosurveillance divulgués au grand public ont révélé des mauvais traitements infligés à des mineurs dans le Territoire du Nord. On y voyait notamment des jeunes détenus être aspergés de gaz lacrymogène, étranglés, entravés ou maintenus à l’isolement.
Les personnes LGBTI étaient victimes de discrimination en Malaisie, en Papouasie-Nouvelle- Guinée et à Singapour. Les discours de haine visant des personnes LGBTI se sont multipliés en Australie, en dépit des sanctions récemment mises en place. Dans la province de l’Aceh, en Indonésie, deux hommes ont reçu 83 coups de bâton chacun en public pour avoir eu des rapports sexuels consentis entre personnes de même sexe.
De nombreuses défenseures des droits humains ont été harcelées, menacées, emprisonnées et soumises à des violences.
En Papouasie-Nouvelle-Guinée, qui demeurait l’un des pays les plus dangereux pour les femmes, des informations de plus en plus nombreuses ont fait état de violences à l’égard de femmes et de filles, parfois à la suite d’accusations de sorcellerie.
En Indonésie, des membres de minorités religieuses ont été condamnés au titre de lois relatives au blasphème pour avoir exercé pacifiquement leurs convictions religieuses. En décembre, le Parlement australien a adopté une loi instaurant l’égalité devant le mariage.
La méthode du vote postal consultatif choisie par le gouvernement pour consulter la population à ce sujet n’a pas donné lieu à une véritable reconnaissance de cette égalité comme un droit humain et a suscité un débat public conflictuel et préjudiciable.
Peine de mort
Au moins quatre exécutions ont eu lieu en Malaisie. Singapour a continué d’exécuter par pendaison des personnes condamnées pour meurtre ou trafic de stupéfiants. Parmi les personnes mises à mort figurait Prabagaran Srivijayan, un ressortissant malaisien dont l’exécution a eu lieu alors qu’un appel était en cours d’examen en Malaisie.
Conflits armés
Bien que n’ayant pas eu un retentissement international aussi important que la situation dans le nord de l’État d’Arakan, des exactions similaires ont été commises par l’armée du Myanmar dans le nord du pays. Des crimes de guerre et des violations des droits humains visant des civils ont été perpétrés dans l’État kachin et le nord de l’État chan, notamment des exécutions extrajudiciaires, des disparitions forcées, des actes de torture, des bombardements aveugles, des travaux forcés et des restrictions de l’aide humanitaire. Des groupes armés ethniques ont commis des exactions, telles que des enlèvements et des recrutements forcés. Tant l’armée que les groupes armés ont utilisé des mines terrestres antipersonnel ou d’autres armes du même type, qui ont blessé des civils.
Aux Philippines, dans la ville de Marawi, une bataille de cinq mois entre l’armée et une alliance d’extrémistes du même bord que le groupe armé se désignant sous le nom d’État islamique (EI), a entraîné le déplacement de centaines de milliers de civils, la mort de dizaines d’autres et des destructions massives d’habitations et d’infrastructures. Les extrémistes s’en sont pris à des civils chrétiens, qui ont été la cible d’exécutions extrajudiciaires et de prises d’otages massives, tandis que les civils fuyant les violences étaient arrêtés et soumis à de mauvais traitements par les forces armées.
Responsabilité des entreprises
Les populations vivant à proximité de l’immense mine de cuivre de Letpadaung, au Myanmar, demandaient toujours l’arrêt de ses activités. Des milliers de familles habitant près de la mine risquaient d’être expulsées de force de leur logement et de leurs terres ; les autorités ont eu recours à des lois répressives pour harceler les militants et les villageois.
En Indonésie, des cas d’exploitation par le travail ont été constatés dans des plantations détenues par des filiales et des fournisseurs de Wilmar, le premier producteur mondial d’huile de palme. Des femmes étaient notamment forcées de travailler pendant des périodes prolongées sous peine de voir leur salaire déjà dérisoire réduit ; des enfants, dont certains n’avaient que huit ans, effectuaient des travaux physiques dangereux, et des ouvriers souffraient des conséquences de l’exposition à des produits toxiques. Wilmar International a lancé une campagne dans le but de dissimuler ces abus, intimidant notamment des employés afin de les forcer à nier les allégations. Le gouvernement a contribué à cette campagne en s’abstenant d’ouvrir des enquêtes sur les plaintes.