Le gouvernement a lancé une vaste campagne de répression de toutes les formes de dissidence, étouffant les droits à la liberté d’expression et d’association des défenseurs des droits humains et des personnes qui le critiquaient. Cette campagne a été marquée par des interdictions de quitter le territoire, l’arrestation, l’interrogatoire et le placement en détention arbitraire de défenseurs des droits humains, la dissolution du mouvement d’opposition Waad, la fermeture du journal Al Wasat, et le maintien en détention de dirigeants de l’opposition. De nombreuses personnes ont été condamnées à de lourdes peines d’emprisonnement à l’issue de procès inéquitables. Les autorités ont déchu au moins 150 personnes de leur nationalité bahreïnite ; la plupart d’entre elles se sont retrouvées apatrides. Lors de manifestations de grande ampleur, les forces de sécurité ont eu recours à une force excessive, faisant six morts – cinq hommes et un enfant – et des centaines de blessés. Les exécutions ont repris après une interruption de près de sept ans.
Contexte
Bahreïn a, de même que l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et l’Égypte, rompu ses relations avec le Qatar. Le pays est resté membre de la coalition internationale dirigée par l’Arabie saoudite engagée dans le conflit armé au Yémen (voir Yémen).
En janvier, le Décret n° 1 de 2017 a autorisé l’Agence nationale de sécurité (ANS) à mener des arrestations et des interrogatoires dans des affaires liées à des « crimes terroristes », à l’encontre d’une recommandation de la Commission d’enquête indépendante de Bahreïn. En avril, le roi a pris une initiative allant à l’encontre d’une autre recommandation de la Commission, en ratifiant une modification de la Constitution autorisant de nouveau des tribunaux militaires à juger des civils. Un premier procès de civils devant un tribunal militaire a débuté en octobre et s’est conclu en décembre par la condamnation à mort de six hommes. En juin, la chambre basse du Parlement a approuvé un décret supprimant les droits à la retraite et le versement des pensions pour les personnes qui avaient été déchues de leur nationalité ou l’avaient perdue, ou qui avaient obtenu une autre nationalité sans autorisation.
En mars, le gouvernement des États-Unis a approuvé la vente à Bahreïn de nouveaux avions de combat F-16 et la modernisation d’anciens appareils, vente qui, sous le précédent gouvernement américain, avait été conditionnée à une amélioration de la situation des droits humains à Bahreïn.
Des ONG internationales, dont Amnesty International, et des journalistes ayant critiqué Bahreïn se sont vu interdire l’accès au pays durant toute l’année.
Liberté d’expression
La liberté d’expression a été soumise à d’importantes restrictions pendant toute l’année. Les autorités ont arrêté, incarcéré, interrogé et poursuivi en justice des défenseurs des droits humains, des militants politiques et des religieux chiites ayant critiqué la politique du gouvernement ou encore l’Arabie saoudite ou la coalition qu’elle dirige au Yémen. Le gouvernement a annoncé qu’il était illégal d’exprimer de la sympathie à l’égard du Qatar à la suite de la rupture de ses relations avec ce pays en juin, et un avocat a été arrêté et placé en détention pour ce motif. Des défenseurs des droits humains et des dirigeants de l’opposition placés en détention de façon arbitraire au cours des dernières années demeuraient des prisonniers d’opinion.
En mai, la défenseure des droits humains Ebtisam al Saegh a été arrêtée, placée en détention et interrogée par l’ANS ; elle a dit avoir été soumise à la torture au cours de sa détention, notamment à des agressions sexuelles. Elle a de nouveau été arrêtée en juillet et incarcérée durant six mois supplémentaires, dans l’attente de l’achèvement de l’enquête. Elle a été libérée en octobre, sans être informée du statut officiel de l’affaire la concernant. En juillet, le défenseur des droits humains Nabeel Rajab a été condamné à deux ans d’emprisonnement pour « diffusion de fausses informations et de rumeurs dans le but de discréditer l’État ». Sa peine a été confirmée en appel en novembre.
Les médias ont continué d’être soumis à des restrictions, et des journalistes ont été pris pour cible. Le seul journal indépendant du pays, Al Wasat, a été suspendu de façon temporaire puis fermé en raison d’un article sur des mouvements de protestation au Maroc. En mai, la journaliste Nazeeha Saeed a été déclarée coupable d’avoir travaillé sans avoir obtenu le renouvellement de sa carte de presse, attribuée par l’autorité en charge de l’information, et a été condamnée à une amende de 1 000 dinars bahreïnites (2 650 dollars des États-Unis). Cette amende a été confirmée en appel au mois de juillet.
Liberté d’association
Les autorités ont continué de soumettre la liberté d’association à des restrictions abusives. Des dirigeants d’Al Wefaq et d’autres formations d’opposition ont été maintenus en détention, et des militants politiques ainsi que des membres de partis d’opposition ont été harcelés. Plusieurs militants politiques et membres de partis d’opposition ont signalé avoir été menacés et soumis à la torture ou à d’autres formes de mauvais traitements par des agents de l’ANS en mai.
En février, la dissolution d’Al Wefaq a été confirmée par la Cour de cassation. En mars, le ministre de la Justice a engagé des poursuites contre le mouvement d’opposition laïc Waad, accusé d’avoir violé la Loi relative aux associations politiques. En mai, la Haute Cour administrative a ordonné la dissolution de Waad et la liquidation de ses biens. Cette décision a été confirmée en appel en octobre.
Les personnalités d’opposition et prisonniers d’opinion Ali Salman et Fadhel Abbas Mahdi Mohamed étaient toujours détenus arbitrairement. En avril, la peine d’emprisonnement prononcée contre Ali Salman a été réduite et portée à quatre ans. En novembre, il a été inculpé d’espionnage pour le compte du Qatar en 2011 – une accusation qu’il rejetait. Son procès était en cours à la fin de l’année. En mars, l’ancien secrétaire général de Waad, Ebrahim Sharif, a été inculpé en raison d’une série de publications sur Twitter, dont une infographie d’Amnesty International et un tweet critiquant le manque de démocratie à Bahreïn.
Liberté de réunion
Les manifestations étaient toujours interdites dans la capitale, Manama, et les autorités ont utilisé une force injustifiée et excessive pour disperser des rassemblements. Des manifestants pacifiques ont cette année encore été arrêtés et placés en détention pour « rassemblement illégal ». En janvier, des manifestations de grande ampleur, généralement pacifiques, ont eu lieu dans 20 villages à la suite de l’exécution de trois hommes. À Duraz, les forces de sécurité ont tiré à balles réelles et utilisé des armes semi- automatiques, blessant des centaines de personnes. Parmi elles se trouvait Mustapha Hamdan, qui est mort des suites de ses blessures. En février, dans plusieurs villages, des centaines de manifestants sont de nouveau descendus dans la rue quand les autorités ont refusé d’autoriser les funérailles de trois hommes tués par des garde-côtes après leur évasion de la prison de Jaww, un mois auparavant.
Les autorités ont continué de restreindre jusqu’au mois de mai l’accès au village de Duraz, où un sit-in pacifique avait encore lieu quotidiennement devant la maison d’Isa Qassem, guide spirituel d’Al Wefaq. Le 23 mai, les forces de sécurité sont entrées dans Duraz avec plusieurs centaines de véhicules blindés, frappant les manifestants et procédant à des tirs de gaz lacrymogènes depuis des blindés ou des hélicoptères, ainsi qu’à des tirs de grenaille. Quatre hommes et un adolescent de 17 ans ont été tués.
En février, le défenseur des droits humains Nader Abdulemam a été arrêté et emprisonné pour six mois pour « rassemblement illégal » et pour avoir appelé, sur Twitter, à participer à une manifestation à Manama, en janvier 2013. Ce prisonnier d’opinion a été libéré en juin.
En mai, la peine de six mois d’emprisonnement prononcée contre Taha Derazis pour participation à un « rassemblement illégal » à Duraz, en juillet 2016, a été réduite en appel et ramenée à trois mois. Cet homme était lui aussi un prisonnier d’opinion. Il a été libéré en août.
Droit de circuler librement
Les autorités ont maintenu des interdictions administratives de voyager qui ont empêché un grand nombre de défenseurs des droits humains et d’autres détracteurs du gouvernement de se rendre à l’étranger, notamment pour assister à des sessions du Conseil des droits de l’homme de l’ONU. En avril, quelque temps avant l’examen périodique universel (EPU) de Bahreïn, 32 militantes et militants ont été convoqués par le ministère public. La majorité d’entre eux ont été inculpés de « rassemblement illégal » et soumis à une interdiction de voyager. La plupart de ces interdictions ont été levées en juillet, après la tenue de l’EPU. De pareilles manœuvres ont également été observées en septembre, avant la session du Conseil des droits de l’homme durant laquelle le résultat de l’EPU de Bahreïn a été adopté.
Déchéance de la nationalité
Au moins 150 Bahreïnites ont été déchus de leur nationalité à la suite de décisions de justice obtenues par les autorités. La majorité de ces personnes sont devenues apatrides, n’ayant pas d’autre nationalité. Aucune expulsion forcée n’a eu lieu.
Torture et autres mauvais traitements
Des actes de torture et d’autres mauvais traitements infligés en détention ont été signalés cette année encore, en particulier en ce qui concerne les détenus interrogés au sujet d’infractions liées au terrorisme. Durant le seul mois de mai, huit défenseurs des droits humains et militants politiques détenus par l’ANS auraient été soumis à des actes de torture ou à d’autres mauvais traitements.
Des procès inéquitables ont eu lieu cette année encore. Des tribunaux ont continué de condamner des personnes accusées d’infractions liées au terrorisme sur la base d’« aveux » qui auraient été extorqués sous la contrainte.
Des cas de mauvais traitements infligés dans les prisons de Dry Dock et de Jaww ont continué d’être signalés, notamment des cas de détention à l’isolement prolongée et de privation de soins médicaux nécessaires. À la suite de l’évasion de 10 détenus de la prison de Jaww en janvier, de nouvelles règles arbitraires ont été adoptées ; il a ainsi été décidé que les détenus devaient rester enfermés dans leur cellule durant la majeure partie de la journée. Ils devaient aussi avoir les jambes et les chevilles entravées à chaque fois qu’ils sortaient de leur cellule, y compris pour se rendre au dispensaire. Onze militants de l’opposition toujours emprisonnés, parmi lesquels Abdulhadi al Khawaja, ont refusé de se rendre à des rendez-vous médicaux afin de protester contre l’uniforme imposé dans la prison, le port des entraves et les fouilles au corps complètes obligatoires avant ces rendez- vous. En mars, la direction de la prison a en outre réduit la durée des visites familiales, qui sont passées d’une heure à 30 minutes, et a installé une vitre pour séparer les détenus des visiteurs.
Ali Mohamed Hakeem al Arab, un étudiant, a dit avoir été torturé pendant les 26 jours qu’a duré son interrogatoire, en février et en mars ; on lui a arraché les ongles des pieds et il a été soumis à des décharges électriques, frappé et contraint de signer des « aveux », notamment. En mai, Ebtisam al Saegh et sept autres femmes ayant pacifiquement critiqué les autorités ont dit avoir été soumises à la torture et à d’autres mauvais traitements pendant leur détention aux mains de l’ANS (voir la partie Liberté d’expression).
Impunité
Le climat d’impunité a persisté. À la fin de l’année, les autorités n’avaient toujours pas obligé les hauts responsables concernés à rendre des comptes pour les actes de torture et les autres violations des droits humains commis durant les manifestations de 2011 et par la suite. Aucune enquête ou poursuite n’a semble-t-il été engagée concernant la mort de six personnes, dont un mineur, tuées par les forces de sécurité à Duraz entre janvier et mai 2017.
Droits des travailleuses et travailleurs migrants
Les travailleurs migrants étaient toujours en butte à l’exploitation. En mars et en juin, des travailleurs migrants ont participé à des manifestations pacifiques contre le non-versement des salaires.
Peine de mort
Bahreïn a repris les exécutions, après une interruption de près de sept ans. Trois Bahreïnites ont été exécutés en janvier. Des condamnations à mort ont continué d’être prononcées pour meurtre et pour des infractions liées au terrorisme, entre autres.