Rapport annuel 2018

Palestine

État de Palestine
Chef de l’État : Mahmoud Abbas
Chef du gouvernement : Rami Hamdallah

Les autorités palestiniennes de Cisjordanie ainsi que le gouvernement de facto du Hamas dans la bande de Gaza ont intensifié les restrictions à la liberté d’expression. Dans les deux territoires, les forces de sécurité ont soumis des détenus à la torture et à d’autres mauvais traitements en toute impunité. Les autorités de Cisjordanie ont pris des mesures punitives à l’encontre de l’administration du Hamas, qui ont restreint davantage encore l’accès de la population civile aux services essentiels et exacerbé la crise humanitaire consécutive au blocus militaire israélien de Gaza. Les femmes continuaient de subir des discriminations et des violences dans les deux territoires. Des tribunaux de Gaza ont prononcé des condamnations à mort et le Hamas a procédé à des exécutions publiques ; aucune exécution n’a eu lieu en Cisjordanie.

CONTEXTE

Le blocus aérien, maritime et terrestre imposé par Israël à Gaza sans interruption depuis juin 2007 est resté en vigueur. Par ailleurs, les restrictions persistantes aux exportations paralysaient l’économie et aggravaient l’appauvrissement généralisé des 2 millions d’habitants de Gaza. L’Égypte continuait d’imposer une fermeture quasi totale du point de passage de Rafah, ce qui aggravait les effets du blocus israélien.
Les divisions entre le gouvernement de « consensus national » installé à Ramallah et l’administration de facto du Hamas à Gaza ont persisté durant la plus grande partie de l’année. Cherchant à reprendre le contrôle de la bande de Gaza, les autorités palestiniennes ont mis en place une série de mesures punitives à l’égard du Hamas. Ces mesures étaient toujours en place à la fin de l’année.
Sous la médiation des autorités égyptiennes et après que le Hamas eut annoncé qu’il était prêt à dissoudre le comité qui administrait Gaza et demandé la tenue d’élections législatives et présidentielle en Cisjordanie et à Gaza, le gouvernement de « consensus national » a tenu un conseil des ministres à Gaza en octobre. Cette initiative a été suivie un peu plus tard en octobre de la signature, au Caire (Égypte), d’un accord de réconciliation entre les deux formations rivales du Hamas et du Fatah, en vue de mettre un terme à la fracture ouverte depuis 10 ans entre la Cisjordanie et Gaza. En novembre, le gouvernement de « consensus national » a repris le contrôle du point de passage entre Gaza et l’Égypte, ainsi que des postes de contrôle installés à proximité des points de passage avec Israël.

LIBERTÉ D’EXPRESSION ET DE RÉUNION

Alors que les querelles politiques se poursuivaient, les autorités en Cisjordanie et à Gaza ont utilisé menaces et intimidation contre des militants et des journalistes pour réprimer l’expression pacifique, notamment la diffusion d’informations et les critiques. Selon le Centre palestinien pour le développement et la liberté des médias – une ONG –, les autorités palestiniennes en Cisjordanie ont été à l’origine de 107 attaques contre la liberté des médias durant l’année. Il s’agissait notamment d’arrestations arbitraires, de mauvais traitements pendant les interrogatoires, de saisies de matériel, de brutalités physiques, d’interdictions de publier des informations et de l’interdiction de 29 sites internet critiques à l’égard des autorités cisjordaniennes. Les autorités du Hamas à Gaza, quant à elles, se sont rendues responsables de 25 attaques de ce type.
En janvier, les forces de sécurité de Gaza ont dispersé violemment une manifestation qui rassemblait, dans le camp de réfugiés de Jabalia, des personnes entendant protester contre la mauvaise gestion de la crise de l’électricité par le Hamas (voir ci-après). Des militants et des responsables ont été interpellés, menacés et dans certains cas torturés parce qu’ils avaient organisé ces manifestations. Le militant Mohammad al Talowli a été arrêté à trois reprises durant l’année en raison de son rôle dans l’organisation de manifestations. Il a également reçu des menaces de mort.
Des journalistes qui exerçaient pour des organes liés aux autorités de Cisjordanie ont été empêchés de travailler librement à Gaza. Fouad Jaradeh, correspondant de Palestine TV, a été arrêté par les Forces de sécurité intérieures du Hamas le 6 juin et jugé par un tribunal militaire pour « collaboration avec Ramallah ». Il a été remis en liberté en août.
La Loi sur la cybercriminalité (loi n° 16 de 2017) a été adoptée en juillet. Elle permettait la détention arbitraire de journalistes, de lanceurs d’alerte et de quiconque exprimait en ligne un avis critique à l’égard des autorités. Elle prévoyait des peines d’emprisonnement et jusqu’à 25 ans de travaux forcés pour les personnes qui auraient troublé l’« ordre public », l’« unité nationale », ou la « paix sociale ». Une version modifiée de cette loi a été proposée afin de supprimer plusieurs dispositions répressives. Elle en maintenait toutefois d’autres qui permettaient d’apporter des restrictions arbitraires aux droits à la liberté d’expression, à la vie privée et à la protection des données. La nouvelle version n’avait pas été rendue publique à la fin de l’année.
Six journalistes ont été inculpés au titre de la Loi sur la cybercriminalité en août. En juin et en juillet, 10 journalistes au moins ont été convoqués pour interrogatoire par les Forces de sécurité préventive parce qu’ils avaient publiquement critiqué cette loi. Des militants des droits humains ont été soumis à des interrogatoires, à des actes de harcèlement et à des menaces en relation avec leur travail de défense des droits, dont la critique de la Loi sur la cybercriminalité.
Issa Amro, un défenseur des droits humains bien connu, a été détenu durant une semaine en septembre et inculpé de plusieurs infractions au titre de la Loi sur la cybercriminalité et du Code pénal jordanien de 1960, toujours en vigueur en Cisjordanie.

TORTURE ET AUTRES MAUVAIS TRAITEMENTS

La police et les forces de sécurité palestiniennes de Cisjordanie et celles du Hamas à Gaza ont continué de torturer et de maltraiter des détenus en toute impunité. La Commission indépendante des droits humains, organe national de surveillance, a reçu des centaines d’allégations faisant état de torture et d’autres mauvais traitements contre des détenus en Cisjordanie et à Gaza.
Un adolescent de 16 ans et un autre détenu sont morts dans des circonstances douteuses, en septembre, dans des centres de détention de la ville de Gaza placés sous le contrôle du Hamas. Le parquet de Gaza a annoncé l’ouverture d’une enquête ; celle-ci n’était pas achevée à la fin de l’année.
Au moins un militant arrêté pour son rôle dans l’organisation des manifestations contre la mauvaise gestion par le Hamas de la crise de l’électricité a déclaré avoir été torturé en détention par des membres des Forces de sécurité intérieures du Hamas. Il a indiqué qu’il avait été frappé à l’aide d’un tuyau en plastique, qu’on lui avait placé un bandeau sur les yeux et qu’on l’avait contraint à rester assis dans une position douloureuse et menotté pendant quatre jours. D’autres militants détenus ont déclaré avoir subi des mauvais traitements.

RECOURS EXCESSIF À LA FORCE

Les forces de sécurité ont utilisé une force excessive pour disperser des manifestations en Cisjordanie et à Gaza.
Le 12 mars, les forces de sécurité palestiniennes ont eu recours à une force excessive pour réprimer violemment une manifestation pacifique qui se déroulait devant le tribunal de district de Ramallah, en Cisjordanie. Treize hommes et huit femmes au moins, dont quatre journalistes qui couvraient l’événement, ont été blessés. Dix-sept personnes ont été hospitalisées. Les manifestants blessés présentaient des ecchymoses dues à de violents coups de matraque en bois et à des jets de cartouches de gaz lacrymogène. L’avocat et militant des droits humains Farid al Atrash, responsable de l’antenne de la Commission indépendante des droits humains à Bethléem, a indiqué avoir été frappé et jeté à terre par des policiers armés de matraques en bois.
Une commission d’établissement des faits chargée par le Premier ministre Rami Hamdallah de conduire une enquête a conclu que l’utilisation de la force pour disperser la manifestation était contraire à la réglementation. Elle a formulé un certain nombre de recommandations, préconisant notamment l’octroi de réparations ainsi que des mesures en vue d’amener les responsables à répondre de leurs actes. Bien que le Premier ministre ait pris l’engagement de donner suite à ces recommandations, celles-ci n’avaient pas été mises en oeuvre et aucun des responsables des violences n’avait été traduit en justice à la fin de l’année.

DROITS DES FEMMES

Les femmes et les filles continuaient de faire l’objet de discriminations dans la législation et dans la pratique. Elles n’étaient pas suffisamment protégées contre les violences sexuelles et autres violences liées au genre, notamment les crimes d’« honneur ». Au moins 28 cas de femmes et de filles assassinées pour des questions d’« honneur » par des proches de sexe masculin ont été signalés, selon des acteurs de la société civile.
Le Code pénal jordanien donnait la possibilité aux juges de s’appuyer sur des préjugés liés à la sexualité féminine pour justifier une peine plus clémente contre les individus déclarés coupables de crimes d’« honneur ».
L’article 308 du Code pénal jordanien, qui permet aux auteurs de viol ou d’agression sexuelle d’échapper à toute peine s’ils épousent leur victime, demeurait en vigueur.
Plus de trois ans après la signature par l’État de Palestine de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, la législation nationale n’avait toujours pas été mise en conformité avec cet instrument. Le Code jordanien du statut personnel, discriminatoire à l’encontre des femmes en matière de mariage, d’héritage, de divorce, de garde des enfants et de droits de propriété, restait en vigueur.

DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS

Le gouvernement palestinien basé à Ramallah a imposé des mesures punitives contre Gaza pour faire pression sur l’administration du Hamas et obtenir qu’elle renonce au contrôle de ce territoire. Ces mesures ont entravé l’accès de la population civile aux soins médicaux, à des services essentiels – notamment l’eau et l’électricité – et à l’éducation. Elles ont été un facteur de violations du droit à la santé, du droit à un niveau de vie suffisant et du droit à l’éducation.
En mai, les autorités de Cisjordanie ont informé Israël qu’elles ne régleraient que 70 % du coût mensuel de l’approvisionnement en électricité de Gaza, car le Hamas ne leur remboursait pas les sommes dues. À la suite de cette décision, l’approvisionnement en électricité à Gaza, qui était en moyenne de huit heures par jour, n’a plus été assuré que de deux à quatre heures par jour.
Les autorités de Cisjordanie ont réduit de 30 % le salaire de quelque 60 000 fonctionnaires de Gaza. Cette initiative, qui portait atteinte au droit à un niveau de vie suffisant des intéressés, a déclenché d’importantes manifestations.
Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU, les autorités de Cisjordanie ont suspendu en mars le financement des transferts des personnes ayant besoin de recevoir un traitement en dehors de Gaza, ce qui a retardé les transferts de quelque 1 400 patients. Des ONG ont indiqué que ces retards avaient été à l’origine de la mort de plusieurs patients, dont des nourrissons. Les Nations unies ont fait état de retards dans l’acheminement de matériel médical et de médicaments essentiels vers les hôpitaux de Gaza, ce qui avait des conséquences sur la santé des patients dans la durée. Les autorités du Hamas ont dénoncé une pénurie de lait infantile, imputable selon elles aux autorités de Cisjordanie.

PEINE DE MORT

La peine de mort a été appliquée à Gaza. Six personnes ont été exécutées après avoir été condamnées à mort par un tribunal civil ou militaire pour « collaboration avec Israël », entre autres chefs d’accusation.
En mai, le Hamas a exécuté trois hommes qui avaient été accusés de l’assassinat d’un haut responsable de l’organisation. Ils avaient été condamnés à mort à l’issue d’un procès de seulement quatre courtes audiences sur une semaine. Les exécutions ont eu lieu sur une place publique dans la ville de Gaza, et ont été diffusées en direct sur les réseaux sociaux ; deux hommes ont été pendus et le troisième a été fusillé.
En Cisjordanie, aucune condamnation à la peine capitale n’a été prononcée et aucune exécution n’a eu lieu.

IMPUNITÉ

En Cisjordanie et à Gaza, l’impunité pour les violations des droits humains, y compris les homicides illégaux et les actes de torture, persistait. La mort de Fares Halawa et de Khaled al Aghbar, victimes selon toute apparence d’une exécution judiciaire perpétrée par les forces de sécurité palestiniennes à Naplouse en août 2016, n’a pas donné lieu à l’ouverture d’une enquête pénale. Personne n’a par ailleurs été traduit en justice pour répondre de la mort sous la torture d’Ahmad Izzat Halawa, en ce même mois d’août 2016, à la prison de Jneid.
À Gaza, les autorités du Hamas n’ont pris aucune mesure pour poursuivre les membres de leurs forces et de la branche armée du Hamas, les brigades Ezzedine al Qassam, pour les exécutions extrajudiciaires qu’ils avaient perpétrées en 2014 et en 2016.

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