Burundi | Rapport annuel 2019

République du Burundi
Chef de l’État et du gouvernement : Pierre Nkurunziza

Cette année encore, de graves atteintes aux droits humains ont eu lieu, notamment des agressions motivées par des considérations politiques contre des opposant·e·s à l’approche des élections de 2020. Les droits à la liberté d’expression et d’association étaient fortement restreints. Les professionnel·le·s des médias, les personnalités politiques de l’opposition et les défenseur·e·s des droits humains étaient particulièrement visés. Les principaux auteurs présumés des atteintes aux droits humains étaient des membres des Imbonerakure (la branche jeunesse du parti au pouvoir), ainsi que le Service national de renseignement (SNR) et la police. Des mesures discriminatoires étaient imposées aux femmes et aux filles, qui étaient également victimes de violences sexuelles imputables essentiellement à des agents de l’État. La situation humanitaire demeurait catastrophique et des millions de personnes, confrontées à l’insécurité alimentaire, avaient besoin d’une aide humanitaire.

Contexte politique au Burundi

Lors du référendum de 2018, les Burundais et Burundaises se sont prononcés en faveur de l’adoption d’une nouvelle Constitution, qui prévoyait la création du poste de Premier ministre et modifiait les règles limitant le nombre de mandats présidentiels. Aux termes de la nouvelle Constitution, le mandat présidentiel passait de cinq à sept ans et la limite était fixée à deux mandats consécutifs, et non plus à deux mandats au total, ce qui permettait de se représenter ultérieurement. Le président a déclaré qu’il ne briguerait pas de nouveau mandat en 2020.

Des attaques armées isolées ont eu lieu dans les zones frontalières en 2018 et 2019. En mai 2018, au moins 26 personnes, dont des enfants, ont été tuées dans une attaque lancée, semble-t-il, par des rebelles basés en République démocratique du Congo (RDC) contre le village de Ruhagarika, dans la province de Cibitoke. En octobre 2019, des affrontements ont éclaté entre un groupe armé d’opposition et les forces de sécurité dans la province de Bubanza.

Défenseures et défenseurs des droits humains

Les autorités ont continué à réprimer les activités des défenseur·e·s des droits humains et des organisations de la société civile, notamment en engageant des poursuites à leur encontre et en les condamnant à de longues peines d’emprisonnement.

Nestor Nibitanga, ancien observateur régional de l’Association burundaise pour la protection des droits humains et des personnes détenues (APRODH), était toujours détenu à la prison de Murembwe, à Rumonge, où il purgeait une peine de cinq ans d’emprisonnement prononcée par le tribunal de Mukaza, à Bujumbura, en août 2018 pour « atteinte à la sûreté intérieure de l’État ». Il a été déclaré coupable d’avoir continué de rédiger des rapports pour l’APRODH après que les pouvoirs publics eurent ordonné la fermeture de l’organisation. Or, il a affirmé que le rapport trouvé sur une clé USB au moment de son arrestation n’était pas destiné à l’APRODH mais à un réseau de défense des droits humains avec lequel il travaillait et qui était reconnu par l’État.
Emmanuel Nshimirimana, Aimé Constant Gatore et Marius Nizigiyimana, membres de l’organisation de la société civile Parole et action pour le réveil des consciences et l’évolution des mentalités (PARCEM), ont enfin été libérés de la prison de Mpimba, à Bujumbura, en mars, la cour d’appel de Ntahangwa ayant annulé leur déclaration de culpabilité en décembre 2018. Ils avaient été arrêtés en 2017, alors qu’ils organisaient un atelier sur les droits humains, et condamnés en mars 2018 à 10 ans d’emprisonnement pour « atteinte à la sûreté intérieure de l’État ». En juin 2019, l’État a suspendu les activités de l’organisation, l’accusant de s’être écartée de ses objectifs et de « ternir l’image du pays » et celle de ses dirigeants dans le but de troubler « la paix et l’ordre public ».

En juillet, la cour d’appel de Ntahangwa a confirmé la déclaration de culpabilité de Germain Rukuki, ancien employé de l’ACAT-Burundi (Action des chrétiens pour l’abolition de la torture), une organisation de défense des droits humains interdite. Il avait été reconnu coupable d’« atteinte à la sûreté intérieure de l’État » et condamné à 32 ans de réclusion en 2018 pour ses activités en faveur des droits humains. Parmi les éléments à charge figurait la correspondance électronique qu’il avait entretenue avec le personnel de l’ACAT-Burundi avant la suspension de cette organisation.

En septembre, la Commission d’enquête sur le Burundi [ONU] – chargée de mener des investigations sur les atteintes aux droits humains commises depuis avril 2015 – a publié de nouvelles informations au sujet de la défenseure des droits humains Marie-Claudette Kwizera, soumise à une disparition forcée en 2015. Les informations recueillies laissaient à penser qu’elle avait été emmenée dans les locaux du SNR peu après sa disparition, puis conduite quelques jours plus tard à un autre endroit, où elle avait été victime d’une exécution extrajudiciaire.

Liberté d’expression

De lourdes restrictions continuaient de peser sur le droit à la liberté d’expression et le droit d’accès à l’information. Les professionnel·le·s des médias étaient pris pour cible et se trouvaient fréquemment dans l’impossibilité de mener leurs activités. De nombreux journalistes demeuraient en exil et ceux qui travaillaient dans le pays faisaient l’objet de lourdes restrictions qui limitaient leur capacité à travailler sur les atteintes aux droits humains et les questions relatives à la sécurité.

En mars, six lycéennes et un lycéen ont été arrêtés sur ordre du procureur de la province de Kirundo parce qu’une photo du président dans leurs manuels scolaires avait été gribouillée. Trois des lycéennes ont été inculpées d’« outrage au chef de l’État ». Les sept élèves ont été remis en liberté à différents moments dans les jours qui ont suivi, et cinq ont fait l’objet d’une exclusion de leur école.

En mars, le Conseil national de la communication (CNC) a retiré son autorisation d’exploitation à la BBC. Il a également prolongé la suspension de Voice of America (VOA) « jusqu’à nouvel ordre ». Les autorisations d’émettre de VOA et de la BBC avaient été suspendues en 2018, quelques jours avant le référendum. En vertu de cette suspension, les journalistes travaillant dans le pays n’étaient pas autorisés à partager avec la BBC ou VOA des informations que celles-ci seraient susceptibles de diffuser.

Agnès Ndirubusa, Christine Kamikazi, Egide Harerimana et Térence Mpozenzi, journalistes du groupe de presse Iwacu, et leur chauffeur Adolphe Masabarakiza ont été arrêtés par la police le 22 octobre, alors qu’ils se rendaient dans la province de Bubanza pour enquêter sur des allégations faisant état d’une attaque armée. Le 31 octobre, ils ont été inculpés de « complicité d’atteinte à la sûreté intérieure de l’État ». Adolphe Masabarakiza a été remis en liberté provisoire le 20 novembre, mais les autres étaient toujours incarcérés à la prison de Bubanza. Une plaisanterie adressée à un autre journaliste par WhatsApp selon laquelle l’équipe allait « appuyer la rébellion » a été présentée par le ministère public à titre de preuve à leur procès, en décembre. La défense a réagi en produisant un autre message satirique envoyé par la même journaliste, disant que l’équipe allait « en découdre avec ces gens qui veulent perturber la paix et les élections ». Le ministère public a requis une peine de 15 ans d’emprisonnement.

Toujours en octobre, le CNC a publié un nouveau code de conduite à l’intention des médias pour la période électorale. Celui-ci interdisait d’utiliser des sondages comme source d’information et empêchait les journalistes et les médias de diffuser des résultats électoraux autres que ceux proclamés par la Commission électorale nationale indépendante (CENI) ou ses organes auxiliaires.

Liberté d’association

Des membres de l’opposition et des opposant·e·s présumés au gouvernement ont cette année encore été attaqués par les autorités et par des membres du parti au pouvoir. Les membres du Congrès national pour la liberté (CNL) ont été particulièrement visés. Des dizaines d’entre eux ont été tués, arrêtés arbitrairement ou agressés par des membres des Imbonerakure, qui ont détruit des bureaux locaux de ce parti dans tout le pays.

Après la suspension temporaire de presque toutes les ONG internationales en septembre 2018, plusieurs organisations ont préféré cesser leurs activités plutôt que de fournir des informations sur l’ethnie à laquelle appartenait leur personnel burundais. En octobre 2018, le ministre de l’Intérieur a indiqué aux responsables d’ONG que seules les organisations qui géraient des hôpitaux et des écoles seraient exemptées de la suspension annoncée initialement par le Conseil national de sécurité, et que les organisations seraient tenues de démontrer qu’elles se conformaient à la loi de 2017 relative aux ONG étrangères.

Personnes réfugiées ou demandeuses d’asile

Les personnes réfugiées ou demandeuses d’asile de nationalité burundaise faisaient l’objet de pressions croissantes les incitant à retourner au Burundi, en particulier de la part de la Tanzanie. Ce pays accueillait la moitié des plus de 300 000 personnes d’origine burundaise déplacées dans la région, l’autre moitié étant répartie principalement entre le Rwanda, la RDC et l’Ouganda. En août, les autorités burundaises et tanzaniennes ont signé, sans la participation du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), un accord bilatéral visant à accroître les retours « volontaires ou non » de la Tanzanie vers le Burundi. Le HCR a continué de prêter un appui financier et logistique aux retours au Burundi, mais persistait à dire que les conditions dans ce pays n’étaient pas encore favorables à de tels retours.

Impunité

En octobre, quatre membres des Imbonerakure ont été déclarés coupables d’homicide sur la personne d’un membre de l’opposition dans la province de Muyinga et condamnés à la réclusion à perpétuité. Néanmoins, la plupart des crimes à caractère politique commis par les Imbonerakure demeuraient impunis.

Surveillance internationale

Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme [ONU] a fermé son bureau au Burundi en février, après plus de 20 ans de présence dans le pays. Le gouvernement avait suspendu sa coopération avec ce bureau en 2016 et ordonné sa fermeture en décembre 2018.

Les autorités ont continué de refuser l’entrée dans le pays aux membres de la Commission d’enquête sur le Burundi. Elles les ont menacés de poursuites en 2018 après la publication par la Commission, en septembre de la même année, d’un rapport critiquant le gouvernement.

L’Union africaine a maintenu le déploiement d’observateurs des droits humains au Burundi mais n’a publié aucune conclusion.

Violence sexuelle et liée au genre

La Commission d’enquête sur le Burundi a recueilli des informations sur de nombreux cas de violences sexuelles. Elle a constaté que la majorité des violences sexuelles lui ayant été signalées entre 2018 et 2019 avaient été commises en zone rurale, ce qui représentait un changement par rapport à 2015 et 2016. Elle a observé que la plupart des agressions avaient été perpétrées par des agents de l’État ou avec leur assentiment direct ou tacite et que les Imbonerakure utilisaient le viol, en particulier collectif, pour intimider ou punir des personnes en raison de leurs opinions politiques présumées.

Droits des femmes

Des restrictions discriminatoires pesaient sur le droit des femmes et des filles de circuler librement. En mai, l’administrateur local de la commune de Musongati (province de Rutana) a instauré un couvre-feu : après 19 heures, les femmes n’étaient autorisées à se rendre sur les marchés ou à entrer dans les bars qu’accompagnées de leur mari.

Droits à la santé et à l’alimentation

La situation humanitaire demeurait catastrophique. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a signalé plus de 8,5 millions de cas de paludisme ; cette maladie a fait 3 170 morts au cours de l’année. Plus de 1,7 million de personnes, sur une population d’environ 11 millions, souffraient d’insécurité alimentaire. En dépit de ces difficultés économiques, dont l’apparition était antérieure à la crise actuelle, le gouvernement a collecté des contributions « volontaires » aux élections de 2020 et imposé de lourdes restrictions aux organisations internationales, y compris celles apportant une aide humanitaire.

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