Mali |Rapport annuel 2019

République du Mali
Chef de l’État : Ibrahim Boubacar Keïta
Chef du gouvernement : Boubou Cissé (a remplacé Soumeylou Boubèye Maïga en avril)

La situation sur le plan de la sécurité s’est fortement dégradée dans le centre du pays, notamment en raison de violences intercommunautaires. Les groupes armés et les forces de sécurité ont continué de commettre des atteintes aux droits humains. L’impunité persistait pour les crimes les plus graves. L’insécurité s’est traduite par de très fortes entraves au droit à l’éducation. L’interdiction des rassemblements pacifiques a été maintenue dans le centre-ville de Bamako.

Contexte politique au Mali

Les atteintes aux droits humains se sont poursuivies dans la région de Mopti, en particulier avec la multiplication d’homicides perpétrés massivement contre des civils par des groupes armés et des « groupes d’autodéfense » autoproclamés. Des exécutions extrajudiciaires et des actes de torture commis par l’armée ont aussi été signalés par l’ONU. À la fin de l’année, plus de 200 000 personnes avaient été déplacées à l’intérieur du pays, d’après les chiffres de l’ONU (leur nombre avoisinait les 120 000 en janvier 2019).

SURVEILLANCE INTERNATIONALE

En décembre, l’expert indépendant des Nations unies sur la situation des droits de l’homme au Mali a déclaré : « La situation sécuritaire au Mali a maintenant atteint un niveau critique, avec une présence limitée des institutions de l’État dans certaines régions, des violences sur fond de tensions communautaires et des attaques terroristes de plus en plus meurtrières contre les forces de sécurité, ainsi que les civils. »

Par ailleurs, le mandat de la Commission d’enquête internationale pour le Mali [ONU], établie le 19 janvier 2018, a été prolongé jusqu’au 19 juin 2020. Cette commission avait pour mission d’enquêter sur les allégations d’abus et de violations du droit international relatif aux droits humains et du droit international humanitaire commis entre le 1er janvier 2012 et la date de sa création.

EXACTIONS PERPETREES PAR DES GROUPES ARMES

Les groupes armés ont continué de s’en prendre à la population civile et, selon les statistiques de l’ONU, au moins 450 civil·e·s ont été tués en 2019, dont plus de 150 enfants durant les six premiers mois de l’année. Toujours d’après l’ONU, au cours de ce premier semestre, au moins 250 personnes civiles ont ainsi été tuées dans la région de Mopti. Entre le 1er octobre et le 30 décembre, 200 civil·e·s ont été tués, 96 blessés, et 90 enlevés. Durant cette même période, plus de 85 % des attaques meurtrières visant la population civile ont eu lieu dans la région de Mopti.

D’après l’ONU, le 1er janvier 2019, dans la région de Mopti, 37 personnes ont été tuées dans le village peul de Koulogon-Peul. Le 23 mars, au moins 150 hommes, femmes et enfants ont été tués lors d’une attaque menée contre le village d’Ogossagou. Trente-cinq personnes, dont 22 enfants de moins de 12 ans, ont été tuées le 9 juin au cours d’une attaque contre le village dogon de Sobane-Da. Huit jours plus tard, au moins 38 personnes ont été tuées lors d’une offensive menée contre deux villages (Gangafani et Yoro) dans le cercle de Koro, selon les autorités. Le 13 novembre, des soldats maliens ont découvert 20 cadavres dans le village de Peh ; certains de ces corps avaient été jetés dans des puits.

Des groupes armés ont également pris pour cible des chefs traditionnels et religieux, ainsi que des griots. Les médias ont signalé de façon concordante que, le 17 avril, le chef du village de Pissa, dans le cercle de Bankass, avait été tué par des hommes armés non identifiés. Le 22 juin, le chef du village de Hombori, Nouhoum Bah Maiga, a été tué par des hommes armés non identifiés et, le 19 juillet, à Dialloubé, un célèbre griot, Modi Djignandé, plus connu sous le nom de « Niappa », a lui aussi été tué par des inconnus armés.

EXÉCUTIONS EXTRAJUDICIAIRES

Les Forces de défense et de sécurité maliennes se sont également rendues coupables de violations des droits humains. L’ONU a rassemblé des informations sur 17 exécutions extrajudiciaires perpétrées par ces forces dans plusieurs régions, notamment à Intahaka (région de Gao) et à Mondoro (région de Mopti). Elles ont également été responsables d’au moins quatre cas de torture et d’autres mauvais traitements.

JUSTICE

LUTTE CONTRE L’IMPUNITE

Le 24 juillet, le président Ibrahim Boubacar Keïta a promulgué une loi « d’entente nationale », qui exemptait de poursuites les personnes ayant commis des crimes dans le cadre des évènements liés à la « crise née en 2012 » ou en ayant été complices. Le champ d’application de cette loi excluait cependant les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité, le viol et les crimes imprescriptibles. L’expert indépendant des Nations unies sur la situation des droits de l’homme au Mali a invité les autorités à réviser cette loi « de manière à ne pas empêcher les victimes de violations graves d’exercer leur droit à un recours effectif devant un tribunal ou tout autre mécanisme de justice transitionnelle pour une justice juste et équitable, d’obtenir réparation et de connaître la vérité sur les violations commises dans le passé ».

Le même jour, le président Ibrahim Boubacar Keïta a également promulgué une loi élargissant le champ de compétence du Pôle judiciaire spécialisé de lutte contre le terrorisme et la criminalité transnationale organisée, pour y inclure le génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité.

Malgré le très grand nombre d’atteintes aux droits humains commises depuis 2012, peu de procès ont eu lieu, et les condamnations ont été encore plus rares. Les procédures judiciaires engagées en 2014 et 2015 contre des membres de groupes armés pour des violences sexuelles en étaient toujours au stade de l’enquête. Le procès du général Amadou Haya Sanogo et d’autres personnes, qui avait été suspendu en décembre 2016, n’avait toujours pas repris. L’inculpation du général était en lien avec l’enlèvement et l’exécution extrajudiciaire de 21 soldats.

JUSTICE INTERNATIONALE

Le 30 septembre, la Cour pénale internationale (CPI) a confirmé les charges de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité, y compris de torture, de viol, de mariage forcé et d’esclavage sexuel, portées à l’encontre d’Al Hassan Ag Abdoul Aziz Ag Mohamed Ag Mahmoud (dit « Al Hassan »). Ce membre d’Ansar Eddine, qui aurait été commissaire de facto de la Police islamique à Tombouctou au moment de la commission des crimes présumés, était la deuxième personne poursuivie devant la CPI pour des motifs liés à la situation au Mali.

LIBERTÉ DE RÉUNION

Une manifestation a été organisée à Bamako le 5 avril à l’appel de dirigeants religieux, alors que le gouvernement l’avait interdite. Une interdiction générale des manifestations dans le centre-ville de Bamako avait été décrétée à la suite de l’attaque de novembre 2015 contre l’hôtel Radisson Blu de la ville. Cette interdiction a été reconduite, en octobre, pour une année supplémentaire.

DROIT A L’EDUCATION

Depuis le début du conflit, 1 051 écoles ont dû fermer (chiffre relevé en octobre 2019) en raison de l’insécurité et des menaces qui ont conduit les enseignant·e·s à quitter leurs postes ; 315 300 enfants étaient concernés. Les établissements scolaires et le personnel enseignant ont continué d’être visés par des groupes armés. En octobre, des médias locaux ont signalé que, dans la région de Tombouctou, plusieurs écoles avaient été attaquées par des groupes armés. À la fin du mois d’octobre, le gouvernement a annoncé que cinq enseignants avaient été enlevés le 25 octobre à Korientzé (cercle de Mopti) et relâchés quelques jours plus tard.

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