Les attaques perpétrées par le groupe armé Boko Haram se sont soldées cette année encore par des centaines de morts, les forces de sécurité n’ayant pas fait le nécessaire pour protéger la population civile. L’armée, la police et le Service de sécurité de l’État ont continué de soumettre des détenus à la torture et à d’autres formes de mauvais traitements. Des violences intercommunautaires ont encore eu lieu dans plusieurs régions du pays. Les droits à la liberté de réunion, d’association et d’expression étaient tous mis à mal dans un contexte de réduction croissante de l’espace civique. Le gouvernement s’est par ailleurs abstenu d’appliquer plusieurs décisions de justice.
Conflit armé au Nigeria et Boko Haram
Boko Haram a continué d’attaquer, d’enlever et de tuer des civils dans le nord-est du pays. Le groupe armé a mené au moins 31 assauts qui ont fait au moins 378 morts parmi la population civile. Il a aussi tué au moins 16 personnes qu’il avait enlevées.
L’une des attaques les plus meurtrières a eu lieu en janvier, quand le groupe armé a attaqué la ville de Rann, tuant au moins 60 personnes et en déplaçant plus de 9 000. Le retrait des forces de sécurité, peu avant l’attaque, a contribué à cet exode massif de civils qui ont fui Rann.
Au moins 30 personnes ont perdu la vie en juillet, lors d’attentats-suicides perpétrés près d’un lieu où étaient diffusés des matchs de football, à Mandarari.
Une infirmière et cinq travailleurs humanitaires, tous employés d’Action contre la faim, ont été enlevés le 18 juillet par Boko Haram. Le 25 septembre, l’un des travailleurs humanitaires a été tué par le groupe armé, qui a accusé le gouvernement de l’avoir trompé après plusieurs mois de négociations secrètes. Les quatre autres hommes ont été tués le 13 décembre, et l’infirmière était toujours retenue captive à la fin de l’année. Onze personnes qui avaient été enlevées en novembre sur l’axe routier entre Damaturu et Maiduguri ont été tuées le jour de Noël.
Les autorités nigérianes continuaient de détenir de nombreux enfants avec des adultes, dans le cadre de la crise liée à Boko Haram. Le 29 avril, les recherches menées par Amnesty International ont permis de confirmer que 68 garçons, au moins, étaient détenus sans inculpation dans les prisons de Maiduguri. L’armée nigériane a relâché en octobre 25 mineurs qui étaient maintenus en détention, puis en a libéré 86 autres en novembre.
VIOLENCES INTERCOMMUNAUTAIRES
Au moins 96 personnes ont été tuées lors de violents affrontements entre des membres de communautés d’éleveurs et de cultivateurs. Ces violences intercommunautaires ont coûté la vie à 570 personnes au moins dans cinq États du nord-est du Nigeria. Le 8 mars, au moins 20 personnes ont été tuées lors d’affrontements entre des communautés igburra mozum et bassa kwomu, dans l’État de Kogi.
IMPUNITÉ
Rares ont été les progrès accomplis en vue de garantir le respect de l’obligation de rendre des comptes pour les atteintes aux droits humains commises par les forces de sécurité, Boko Haram et d’autres responsables présumés impliqués dans les affrontements entre éleveurs et cultivateurs. Personne n’a été déféré à la justice pour les homicides commis sur des membres du Mouvement islamique du Nigeria (MIN) lors de manifestations dans plusieurs États du pays.
En septembre, au terme de sa visite au Nigeria, Agnès Callamard, rapporteuse spéciale des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, a souligné que le non-respect de l’obligation de rendre des comptes contribuait à la commission de violations et à la crise des droits humains dans le pays.
Dans son rapport préliminaire du mois de décembre, le Bureau de la procureure de la Cour pénale internationale (CPI) a inclus dans la procédure portant sur le Nigeria deux crimes supplémentaires liés à des attaques commises par Boko Haram contre du personnel humanitaire et à l’enrôlement et l’utilisation d’enfants par les forces de sécurité nigérianes. Il a également confirmé qu’une décision finale serait rendue en 2020 concernant l’opportunité d’une enquête exhaustive, si les autorités nigérianes ne prenaient pas de mesures concrètes démontrant leur volonté de respecter leurs obligations au titre du Statut de Rome de la CPI.
LIBERTÉ DE RÉUNION
Les forces de sécurité ont interdit des rassemblements légaux dans plusieurs États, notamment dans les États de Lagos et de Rivers ; dans certains cas, elles ont dispersé avec violence des manifestations pacifiques, comme les manifestations menées par le MIN à Abuja.
Une forte présence policière a été maintenue durant toute l’année autour de la fontaine de l’Unité, qui sert de point de rassemblement pour la plupart des manifestations organisées dans la capitale. Le 17 juillet, la police nigériane a annoncé une restriction de toutes les manifestations se tenant dans le Territoire de la capitale fédérale et ayant comme point de ralliement la fontaine de l’Unité. L’administration du Territoire de la capitale fédérale a fermé en octobre le site de la fontaine de l’Unité pour une période de trois mois afin d’effectuer des travaux de rénovation et d’installer une clôture. En juillet, dans l’État du Plateau, le commandement de la police a totalement interdit toute forme de défilé dans cet État.
Le 5 août, dans tout le Nigeria, des personnes qui manifestaient, dont des journalistes, ont été arrêtées et placées en détention par des agents des forces de sécurité parce qu’elles participaient au mouvement de contestation #RevolutionNow.
Le 12 novembre, des membres du Service de sécurité de l’État ont frappé un journaliste, et utilisé des gaz lacrymogènes et tiré à balles réelles pour disperser des militant·e·s lors d’une manifestation réclamant la libération des prisonniers d’opinion Olawale Bakare et Omoyele Sowore. La directrice d’Enough is Enough Nigeria, Yemi Adamolekun, a elle aussi été agressée au cours de cette manifestation.
LIBERTÉ D’ASSOCIATION
Ibrahim El Zakzaky, dirigeant du MIN, et son épouse Zeenah Ibrahim étaient toujours en détention malgré la décision rendue en 2016 par une haute cour fédérale ordonnant leur libération. Des membres du MIN ont à partir de janvier 2019 régulièrement organisé à Abuja des manifestations pacifiques pour demander la libération du dirigeant de leur mouvement et de son épouse.
Au moins deux membres du MIN ont été tués et plus de 60 arrêtés, le 9 juillet, quand une manifestation pacifique a dégénéré après que des agents des forces de sécurité eurent tiré à balles réelles sur les protestataires, devant le Parlement fédéral. La plupart des personnes arrêtées étaient maintenues en détention au secret dans des centres de détention du Territoire de la capitale fédérale et des États de Kaduna et du Niger.
Le 22 juillet, 11 manifestant·e·s, un directeur adjoint de la police et un journaliste de Channels Television ont été tués quand la police a ouvert le feu sur des membres du MIN lors d’une manifestation organisée à Abuja. Plusieurs dizaines de personnes ont été blessées et un grand nombre ont été arrêtées quand la police nigériane a dispersé violemment cette manifestation, qui était largement pacifique.
Le 27 juillet, une haute cour d’Abuja a interdit les activités du MIN dans tout le pays. Elle a déclaré qu’« aucune personne et aucun groupe de personnes ne devait dorénavant s’associer avec des chiites pour quelque raison que ce soit ».
Durant l’année, les forces de sécurité ont arrêté de façon arbitraire au moins 200 membres et sympathisant·e·s de l’organisation des Peuples indigènes du Biafra (IPOB) et en ont tué au moins 10.
LIBERTÉ D’EXPRESSION
Le droit à la liberté d’expression a été de plus en plus restreint. Des journalistes, des blogueurs et blogueuses et des militant·e·s des médias ayant posé des questions précises aux autorités fédérales ou d’un État ont été inculpés d’infractions liées à la cybercriminalité et au terrorisme au titre de la Loi de 2015 relative à la cybercriminalité et de la Loi (modifiée) de 2013 relative à la prévention du terrorisme. Amnesty International a recueilli des informations sur 19 cas d’agressions et d’arrestations et détentions arbitraires de journalistes.
Le 20 mai, des hommes soupçonnés d’être des agents du Service de sécurité de l’État ont de nouveau arrêté le journaliste Jones Abiri, qui se trouvait alors en compagnie d’amis sur son lieu de travail, à Yenagoa, dans l’État de Bayelsa. Il a été remis en liberté le 25 octobre, après avoir été maintenu en détention pendant cinq mois. Il restait inculpé d’infractions liées au terrorisme et à la cybercriminalité, entre autres. Jones Abiri avait auparavant déjà passé deux ans en détention sans jugement.
Le 4 juin, Kofi Bartels, journaliste à Nigeria Info 92.3 FM, une station de radio de Port Harcourt, dans le sud du pays, a été agressé par des agents de la Brigade spéciale de répression des vols (SARS) de la police nigériane. Il a ensuite été arrêté, placé en détention et torturé pour avoir tenté de filmer des policiers qui frappaient un adolescent à Port Harcourt.
Le 16 septembre, des membres de l’Agence de protection de l’environnement et de gestion des déchets de l’État d’Akwa-Ibom ont agressé Mary Ekere, une journaliste du journal The Post, à Uyo, dans l’État d’Akwa Ibom, au sud du pays, car elle les avait filmés avec son téléphone portable alors qu’ils brutalisaient des vendeurs de rue.
Le 1er mars, la police a arrêté et placé en détention Obinna Don Norman, journaliste et propriétaire du site d’information en ligne The Realm News, en raison de la publication d’informations sur des allégations de corruption touchant l’État d’Abia. Il a été inculpé de cyberharcèlement au titre de la Loi relative à la cybercriminalité.
Le 6 janvier, des membres des forces de sécurité armés ont fait irruption dans les locaux du journal Daily Trust, à Abuja, la capitale du pays, et emporté les ordinateurs, les ordinateurs portables et les téléphones portables. Le même jour, deux autres bureaux de ce journal, situés à Maiduguri et à Lagos, ont également été investis par les forces de sécurité.
Le Parlement fédéral du Nigeria a examiné en novembre deux propositions de loi : une sur la protection contre les fausses informations et la manipulation en ligne et autres infractions connexes, et une autre portant création d’une commission nationale pour l’interdiction des discours de haine. S’ils étaient adoptés, ces textes octroieraient aux autorités le pouvoir de décider de façon arbitraire de suspendre Internet et de punir le fait de critiquer le gouvernement ou d’appeler à la haine par des peines allant jusqu’à la réclusion à perpétuité, voire par la peine de mort selon les cas.
Le 24 décembre, les autorités nigérianes ont remis en liberté sous caution Omoyele Sowore, prisonnier d’opinion et directeur de publication du site d’information en ligne Sahara Reporters. Amnesty International avait précédemment déclaré qu’elle considérait Omoyele Sowore, Agba Jalingo et Olawale Bakare (alias Mandate) comme des prisonniers d’opinion et demandé aux autorités nigérianes de les libérer immédiatement et sans conditions, et d’abandonner toutes les charges retenues contre eux. Si Omoyele Sowore et Olawale Bakare ont retrouvé la liberté, Agba Jalingo, journaliste et rédacteur en chef du journal Cross River Watch, se trouvait toujours en détention. Arrêté le 22 août, il était inculpé d’infractions liées au terrorisme, de troubles à l’ordre public et de conspiration en vue de commettre des actes terroristes. Il avait initialement été arrêté pour avoir écrit des articles et publié des billets sur les réseaux sociaux portant sur des faits de corruption présumés concernant l’État de Cross River.
DROITS DES FEMMES
Malgré l’adoption de la Loi relative à l’interdiction des violences faites aux personnes, les violences contre les femmes demeuraient courantes au Nigeria. Cette loi, qui réprimait pénalement les agissements nocifs et discriminatoires à l’égard des femmes, était en vigueur à Abuja, mais moins de 10 États du pays l’avaient intégrée à leur législation à la fin de l’année.
En 2019, il a été signalé dans le Territoire de la capitale fédérale plus de 100 cas de femmes ayant fait l’objet d’arrestations illégales, d’agressions physiques et verbales, de violences sexuelles et d’extorsion financière de la part de membres de la police nationale et d’agents de l’Équipe spéciale conjointe du Territoire de la capitale fédérale (regroupant la Direction de l’urbanisme, le Conseil de protection environnementale d’Abuja et le Secrétariat pour le développement social). Ces arrestations illégales de femmes soupçonnées d’être des travailleuses du sexe ont eu lieu dans la rue et dans des bars, des restaurants, des boîtes de nuit et des centres de relaxation. Un tribunal itinérant a condamné un grand nombre de ces femmes à l’issue de procès iniques, et certaines d’entre elles se sont vu infliger des peines d’emprisonnement ou d’amende pour « vagabondage », une infraction qui a pourtant été supprimée dans tout le pays. Ces femmes n’ont pas été autorisées à consulter un avocat. À la suite de ces signalements de violences faites aux femmes et des campagnes qui ont été menées par diverses organisations de la société civile, dont Amnesty International, la Commission nationale des droits humains a mis en place au Nigeria un Comité d’enquête spécial sur la violence sexuelle et liée au genre. Cet organe avait notamment pour mission de réexaminer les lois et règlements en vigueur, d’examiner les plaintes, d’enquêter sur les allégations de violations, de formuler des recommandations sur les réparations pour les victimes, et de veiller au respect de l’obligation de rendre des comptes pour les violations des droits des femmes et des filles. Le Comité d’enquête spécial a commencé à se réunir en novembre. Le 26 novembre, le gouvernement fédéral a créé un registre national des délinquants sexuels, à Abuja, au titre de l’article 1(4) de la Loi relative à l’interdiction des violences faites aux personnes.
DROITS DES ENFANTS
Les violences contre les enfants se sont poursuivies, malgré la promulgation de la Loi relative aux droits de l’enfant. Depuis l’adoption de cette loi en 2003, un peu plus de 20 États sur 36 au Nigeria ont intégré ce texte dans leur législation. La plupart des États du nord du pays ne l’avaient toujours pas fait.
Les enfants porteurs de handicap continuaient de subir une discrimination et de se heurter à de multiples obstacles, malgré l’obligation juridiquement contraignante à laquelle était soumis le pays concernant le droit à l’éducation.
Amnesty International Nigeria a rassemblé des informations sur des cas d’enfants ayant subi une discrimination et des violences en raison de leur handicap. Imran Kanun Muhammad, un petit garçon âgé de sept ans, aurait été victime de violences sexuelles et d’un traitement inhumain à l’école pour malentendants de Kuje, dans le Territoire de la capitale fédérale. Amnesty International Nigeria a suivi cette affaire, examinée par la justice. En juillet, il a été signalé que des jeunes filles scolarisées dans l’école pour malvoyants du Territoire de la capitale fédérale avaient été victimes de violences sexuelles ; ces allégations ont conduit à la suspension de deux enseignants par l’administration de ce Territoire. En juillet également, le gouverneur de l’État de Kwara a découvert l’état de décrépitude de l’école pour enfants à besoins particuliers d’Ilorin, et s’est engagé à améliorer les conditions d’enseignement et de vie dans cette école.
En avril 2019, une enquête menée par Amnesty International a permis de dénoncer des cas de violences sexuelles infligées à des enfants par des agents des forces de sécurité et des détenus dans la prison de haute sécurité de Maiduguri.
DROITS EN MATIÈRE DE LOGEMENT ET EXPULSIONS FORCÉES
Les autorités de certains États ont continué de procéder à des expulsions forcées. Des logements et des commerces ont été démolis par les autorités sans que les personnes concernées aient été véritablement consultées ni averties de façon adéquate, et sans qu’elles aient eu accès à des voies de recours. En 2019, le gouvernement nigérian a procédé à l’expulsion de plus de 20 communautés dans l’État de Lagos, dont celles d’Abagbo, d’Abule Elepa, d’Abule Glass, d’Ajakoji, d’Akaraba, de Bobukoji, d’Ebute Oko, de Fashola, d’Idi Mango, d’Ilaje, d’Inangbe/Ilado, de Kopiamy, d’Ogunfemi, d’Oko-Kate, d’Okun Alfa, d’Okun Babakati, de Second Badagry, d’Okun Gbogba, d’Okun Ilase, d’Okun Kobena, de Sankin, de Sapo Okun et de Tokunbo. D’autres communautés de Lagos vivaient sous la menace constante d’une expulsion forcée. Les autorités nigérianes ont invoqué, pour justifier les violations du droit au logement, des préoccupations en lien avec des infractions, notamment des actes de vandalisme sur des oléoducs.
Trois ans après les expulsions forcées d’Otodo-Gbame, la plupart des personnes expulsées étaient toujours à la rue et vivaient dans la misère la plus noire. Malgré la décision de la haute cour de Lagos en date du 21 juin 2017 affirmant que les expulsions sans relogement étaient inconstitutionnelles, et l’ordonnance interdisant au gouvernement de procéder à d’autres expulsions forcées à Lagos, les opérations d’expulsion se sont poursuivies sans relâche. Les autorités n’ont tenu aucun compte des mesures de réparation accordées par la justice, qui a ordonné à l’État de Lagos de consulter les habitants concernés et les personnes expulsées en vue de leur relogement dans cet État. Elles ont en lieu et place formé un recours contre cette décision – recours qui était toujours en instance devant la cour d’appel à la fin de l’année.
Leilani Farha, rapporteuse spéciale des Nations unies sur le droit à un logement convenable, a effectué une visite au Nigeria en septembre. Elle a déclaré que la situation en matière de logement dans le pays constituait une crise des droits humains réclamant d’urgence un remède. Entre autres recommandations, elle a appelé les autorités nigérianes à prendre de toute urgence des mesures pour que les sans-abris ne soient plus considérés comme des criminels, et à déclarer un moratoire national sur les expulsions forcées.
TORTURE ET AUTRES MAUVAIS TRAITEMENTS
La torture et les autres formes de mauvais traitements étaient toujours pratiquées de façon généralisée au sein du système pénal nigérian. La police nigériane (en particulier la SARS), l’armée et le Service de sécurité de l’État ont continué de soumettre des détenus à la torture et à d’autres formes de mauvais traitements.
En mars, dans l’État d’Anambra, une haute cour a ordonné à la police nigériane de verser une indemnisation financière à Ugochukwu Oraefo, un homme qui avait été soumis à une détention illégale et à la torture. Cependant, la police n’a pas versé cette indemnisation ni fait le nécessaire pour que les policiers responsables de ces agissements soient déférés à la justice.
DISPARITIONS FORCÉES
Amnesty International a reçu des informations dignes de foi indiquant que des organes des forces de sécurité, notamment des membres de la police et du Service de sécurité de l’État, avaient procédé à des détentions arbitraires et maintenu des personnes en détention au secret.
Les services de sécurité du pays n’avaient toujours pas livré d’informations au sujet des quelque 600 membres du MIN dont on était sans nouvelles depuis décembre 2015, période pendant laquelle au moins 60 membres du MIN avaient été tués dans l’État de Kaduna.
Abubakar Idris, figure des réseaux sociaux, plus connu sous le nom d’Abu Hanifa Dadiyata, n’avait toujours pas reparu depuis son enlèvement par des hommes armés le 2 août à son domicile, dans l’État de Kaduna.
DÉTENTION
Les prisons nigérianes étaient toujours surpeuplées. Près de 70 % des personnes détenues étaient dans l’attente de leur procès. Le délai d’attente atteignait déjà cinq ans pour certaines d’entre elles.
Le 14 août, le président Muhammadu Buhari a promulgué la Loi relative à l’administration pénitentiaire, qui selon lui visait à remédier aux insuffisances majeures de la Loi relative aux prisons.
Le 2 décembre, cinq détenus sont morts et sept autres ont été blessés par électrocution dans le centre pénitentiaire d’Ikoyi, à Lagos. La direction de la prison a dit qu’elle enquêtait sur ces faits, mais, à la fin de l’année, elle n’avait publié aucune information au sujet de l’enquête.
JUSTICE
Les autorités nigérianes ont continué de ne pas appliquer des décisions de justice et de saper l’état de droit. À la suite de pressions persistantes exercées par des organisations locales et internationales, les autorités ont finalement remis en liberté, le 24 décembre, Omoyele Sowore et Sambo Dasuki, qui étaient tous deux détenus pour des motifs politiques. Le gouvernement avait dans un premier temps refusé de se plier à plusieurs décisions de justice ordonnant leur libération sous caution. Abubakar Malami, procureur général et ministre de la Justice, a par la suite annoncé qu’ils avaient été libérés par compassion.
PEINE DE MORT
Cette année encore les tribunaux ont prononcé des condamnations à mort. Aucune exécution n’a été enregistrée, mais plus de 2 000 personnes étaient toujours détenues sous le coup d’une sentence capitale.
Dans certains États, des mesures législatives ont été adoptées pour élargir le champ d’application de la peine de mort. En mars, l’État de Rivers a modifié sa législation pour rendre la peine capitale applicable dans les affaires d’enlèvement et d’appartenance à un culte, en adoptant une version modifiée de la Loi n° 6 de l’État de Rivers relative à l’interdiction des cultes secrets et activités similaires, et en modifiant également, pour la deuxième fois, la Loi n° 7 de l’État de Rivers relative à l’interdiction des enlèvements.
DROITS DES LESBIENNES, DES GAYS ET DES PERSONNES BISEXUELLES, TRANSGENRES OU INTERSEXES
Des organisations de défense des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles, transgenres ou intersexes (LGBTI) ont signalé que de nombreuses personnes gays, lesbiennes ou bisexuelles avaient été arrêtées par des agents des forces de sécurité. Des gays ont aussi été la cible de chantage et d’extorsion de la part de groupes ou d’individus isolés.
En décembre, 47 hommes ont été jugés à Lagos pour avoir manifesté publiquement de l’affection pour une personne de même sexe. Ils faisaient partie des 57 hommes et garçons arrêtés dans un hôtel à Lagos en août 2018. Ils ont été humiliés publiquement et accusés d’être homosexuels.
Le Nigeria n’avait toujours pas abrogé la loi de 2013 interdisant le mariage entre personnes de même sexe, qui prévoyait des peines allant jusqu’à 14 ans d’emprisonnement.