Le gouvernement a continué de s’en prendre aux personnes qui le critiquaient en les soumettant à des manœuvres d’intimidation et de harcèlement, et à des arrestations et détentions arbitraires. Les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique des membres de l’opposition politique, des journalistes, des défenseur·e·s des droits humains et des étudiant·e·s ont fait l’objet de restrictions. Les violations du droit au logement et les expulsions forcées étaient monnaie courante dans de nombreux districts. Les homicides, les violences et les discriminations basés sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre étaient très répandus. Un ministre a menacé de proposer de nouveau un « projet de loi relatif à l’homosexualité » visant à punir de mort, dans certains cas, les relations sexuelles entre personnes du même sexe.
DROITS EN MATIÈRE DE LOGEMENT ET EXPULSIONS FORCÉES en ouganda
En janvier, la Haute Cour de Kampala, la capitale du pays, a jugé que le gouvernement avait violé les droits à la vie, à la dignité et à la propriété inscrits dans la Constitution ougandaise en ne mettant pas en place de cadre juridique complet ni de procédures exhaustives permettant de protéger les personnes en cas d’expulsion. Entre janvier et avril, des gardes forestiers de l’Autorité de la flore et de la faune sauvage d’Ouganda (UWA) ont procédé à des expulsions forcées dans le secteur d’Apaa, situé dans le nord du pays. Ils ont incendié des habitations, volé des biens et agressé des villageoises et villageois. Plusieurs centaines de personnes se sont retrouvées sans logement et un plus grand nombre encore risquaient toujours d’être expulsées contre leur gré. Ces attaques ont eu lieu malgré la présence des Forces de défense populaires de l’Ouganda (UPDF), qui avaient été déployées dans ce secteur en février afin d’y protéger la population.
Plusieurs centaines de membres de la communauté autochtone benet vivant dans des villages proches du parc national du mont Elgon, dans l’est du pays, expulsés de leurs terres ancestrales de nombreuses fois entre 1983 et 2008, ont affirmé que depuis qu’ils se trouvaient dans une situation de vulnérabilité due aux expulsions forcées et à un retard dans la mise en œuvre des mesures d’indemnisation et de réinstallation, des agents de l’UWA s’en prenaient continuellement à eux en procédant à des arrestations arbitraires et en commettant des actes de torture, y compris de viols, ainsi que des meurtres.
Ces personnes ont également été privées d’autres droits fondamentaux tels que les droits à la nourriture, au logement, à l’éducation, à la santé, au travail et à la sécurité de leur personne, d’une part parce que l’UWA les empêchait d’avoir accès à certaines ressources dans la forêt, et d’autre part en raison de l’absence d’indemnisation et de réinstallation.
Des expulsions forcées ont également eu lieu dans d’autres secteurs, notamment dans les districts d’Hoima et de Mubende, situés respectivement dans la région de l’Ouest et dans la région du Centre.
LIBERTÉ D’EXPRESSION, D’ASSOCIATION ET DE RÉUNION
En mai, la Commission ougandaise des communications (UCC, organe gouvernemental) a décidé de suspendre les directeurs de l’information, producteurs et responsables de la programmation de 13 radios et chaînes de télévision indépendantes, les accusant d’« incitation » et de « présentation erronée de l’information ». Ces suspensions sont intervenues après que ces médias ont fait état de l’arrestation arbitraire de Bobi Wine, musicien et représentant politique de l’opposition dont le vrai nom est Robert Kyagulanyi.
Cet homme avait été arrêté le 29 avril – puis détenu pendant trois jours – alors qu’il se rendait à la Direction de la police judiciaire, où il avait été convoqué parce qu’il lui était reproché d’avoir organisé à Kampala, en 2018, des mouvements de protestation dans la rue contre le projet de taxe sur l’utilisation des réseaux sociaux. L’UCC a ordonné aux médias ayant rendu compte de l’arrestation de Bobi Wine de lui remettre sous trois jours les enregistrements des émissions en direct et des bulletins d’information diffusés ce jour-là. Cinq jours avant son arrestation, Bobi Wine avait été soumis à une mesure d’assignation à résidence, qui l’avait empêché de donner un concert au motif que ce concert aurait représenté un danger pour la sécurité publique au regard de la Loi de 2013 relative à la gestion de l’ordre public. En août, les autorités l’ont inculpé de « volonté d’inquiéter, d’importuner ou de ridiculiser le président » en raison d’un épisode datant d’août 2018 durant lequel des membres de l’opposition auraient jeté des pierres sur le cortège présidentiel pendant la campagne électorale organisée à l’occasion d’une élection législative partielle dans la municipalité d’Arua, dans le nord de l’Ouganda. La Haute Cour n’avait pas encore rendu de décision dans cette affaire à la fin de l’année.
Les autorités ont continué d’utiliser la Loi de 2011 relative à l’utilisation abusive de l’informatique pour harceler, intimider et réprimer les opposants au gouvernement. En août, Stella Nyanzi, une universitaire féministe arrêtée et maintenue en détention depuis novembre 2018 dans la prison de Luzira, a été condamnée à 18 mois d’emprisonnement au titre de cette loi ; elle a été déclarée coupable de cyberharcèlement pour avoir critiqué le président sur Facebook. Avant son arrestation en 2018, elle avait été harcelée, arrêtée et détenue de façon arbitraire à de multiples reprises.
En octobre et novembre, les forces de sécurité, notamment la police et les UPDF, ont mené des opérations de répression contre les étudiant·e·s de l’université de Makerere, à Kampala, qui protestaient contre une augmentation « illogique » des frais d’inscription dans les établissements d’enseignement publics. Elles ont recouru à une force excessive pour disperser les étudiants, ainsi que les journalistes qui couvraient les manifestations, et ont arrêté et maintenu en détention pendant plusieurs jours sans inculpation plus de 30 d’entre eux.
En octobre, l’inspecteur général de la police a annulé un concert de Bobi Wine qui devait avoir lieu à Kampala, au motif que la police n’était pas en mesure d’assurer la sécurité de façon adéquate lors de cet événement car elle était déjà affectée aux célébrations de la journée de l’indépendance nationale.
En décembre, la police a empêché Kizza Besigye, dirigeant du Forum pour un changement démocratique (FDC), le principal parti d’opposition, de mener une marche contre la corruption qui coïncidait avec un événement présidentiel. La police l’a arrêté et a empêché le FDC de tenir une conférence de presse à Kampala. Il a été remis en liberté le jour même sans avoir été inculpé.
ARRESTATIONS ET DÉTENTIONS ARBITRAIRES
De nombreuses personnes, y compris des dirigeant·e·s et sympathisant·e·s de l’opposition, des militant·e·s, des journalistes et des étudiant·e·s, ont signalé avoir été arrêtées de façon arbitraire lors de manifestations pacifiques ou pour avoir critiqué le gouvernement. Beaucoup d’entre elles ont été soumises à une détention prolongée sans inculpation.
Le 9 janvier, Stella Nyanzi a expliqué à un juge de la Haute Cour qu’elle avait fait une fausse couche en prison. Elle était alors en détention provisoire dans la prison de Luzira.
Plusieurs sympathisant·e·s du FDC ont été arrêtés le 4 novembre et relâchés sans inculpation au bout de plusieurs heures. Ainsi, à Kampala, la police a utilisé un canon à eau pour forcer Kizza Besigye à sortir de sa voiture avant de l’arrêter parce qu’il avait désobéi aux ordres de la police, qui l’avait convoqué dans son antenne du stade national Mandela, et qu’il n’avait pas respecté les dispositions de la Loi relative à la gestion de l’ordre public. Plusieurs journalistes ont été arrêtés le même jour pour avoir participé, à Kampala, à une manifestation contre le traitement inique réservé à la presse par les forces de sécurité, en particulier dans le cadre des événements qui ont eu lieu à l’université de Makerere (voir plus haut). Ils ont été libérés au bout de plusieurs heures.
DÉFENSEURES ET DÉFENSEURS DES DROITS HUMAINS
Les associations locales et les défenseur·e·s des droits humains qui critiquaient les industries extractives ou s’opposaient à des activités minières dégradant l’environnement ou violant les droits humains étaient de plus en plus en butte à des restrictions de leurs droits à la liberté de réunion pacifique, d’association et d’expression. Les autorités recouraient contre eux à l’intimidation, notamment en menaçant de fermer leurs organisations. Dans des régions comme l’Albertine, dans l’ouest du pays, des défenseur·e·s des droits humains ont indiqué que les autorités continuaient de les harceler, de les intimider et de les arrêter de façon arbitraire.
En avril, des policiers ont agressé Annette Nana Namata (également connue sous le nom de Nana Mwafrika Mbarikiwa), qui s’était rendue au poste de police de Naguru afin de dénoncer la force excessive utilisée par la police pour disperser des rassemblements du FDC. Elle a dû être hospitalisée à la suite de cette agression et, en juillet, elle a dit à des journalistes qu’elle avait dû subir une hystérectomie en raison de saignements excessifs lors de son accouchement, causés par les blessures qui lui ont été infligées pendant cette agression.
Des défenseures des droits humains ont été harcelées et arrêtées en raison de leurs activités de défense de groupes vulnérables, comme les enfants et les femmes, contre l’accaparement de terres par les autorités locales. En octobre, Annette Nana Namata a été arrêtée lors d’une manifestation pacifique qu’elle avait organisée à Kampala pour protester contre les violences policières et les violations des droits humains.
En décembre, Jelousy Mugisha a été arrêté de façon arbitraire par des agents des services de l’immigration à l’aéroport d’Entebbe et interrogé ; il a été remis en liberté sans inculpation plus de neuf heures après. Il revenait de Paris, où il avait témoigné devant le tribunal de grande instance contre la société pétrolière française Total, accusée d’avoir porté atteinte aux droits humains et causé des dégradations de l’environnement du fait de ses activités en Ouganda. Il a été interrogé au sujet de son intervention lors de l’audience.
DROITS DES LESBIENNES, DES GAYS ET DES PERSONNES BISEXUELLES, TRANSGENRES OU INTERSEXES
En mai, agissant sur ordre du ministre d’État pour l’Éthique et l’Intégrité, la police a mené une opération pour empêcher un événement qui avait été organisé par les ONG Chapter Four Uganda et Sexual Minorities Uganda afin de célébrer la Journée internationale contre l’homophobie et la transphobie.
Entre juillet et octobre, quatre personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transgenres ou intersexes (LGBTI) ont été tuées dans le cadre d’une recrudescence de l’hostilité à l’égard de ces personnes qui s’est illustrée dans des propos tenus par des responsables politiques.
Parmi les personnes tuées figurait Brian Wassa, un assistant juridique gay mort le 5 octobre des suites d’une hémorragie cérébrale causée par des blessures à la tête qui lui avaient été infligées la veille par des agresseurs non identifiés à son domicile, dans la ville de Jinja, dans la région de l’Est. Les autorités ougandaises chargées de l’enquête n’ont pas rendu publiques leurs observations au sujet de ce meurtre. Dans la région du Centre, une femme transgenre du district de Gomba et un homme gay du district de Kayunga ont également été tués lors d’agressions dont les auteurs n’ont pas été identifiés.
En octobre, la police a arrêté 16 militants LGBTI et les a contraints à subir un examen anal après que le ministre d’État pour l’Éthique et l’Intégrité eut annoncé l’intention du gouvernement d’imposer la peine de mort pour les relations sexuelles librement consenties entre personnes du même sexe, qui étaient déjà punies d’une peine de réclusion à perpétuité.
En novembre, la police a inculpé de « nuisance publique », une infraction passible d’une peine allant jusqu’à un an d’emprisonnement, 67 des 125 personnes arrêtées dans un bar fréquenté par des personnes LGBTI. La procédure judiciaire était en cours à la fin de l’année. Les personnes inculpées étaient maintenues en liberté sous caution et devaient se présenter au poste de police toutes les semaines au titre du contrôle judiciaire.