Des groupes armés se sont rendus coupables de graves atteintes aux droits humains, notamment d’homicides illégaux, de violences sexuelles et de prélèvement illégal d’impôts. Ils ont continué à tirer profit de l’exploitation illégale des ressources naturelles. L’impunité avait toujours cours, en dépit des efforts importants déployés aux niveaux national et international. Les autorités ont bafoué la liberté de réunion.
Contexte politique en République centrafricaine
Le 6 février 2019, l’État et 14 groupes armés ont signé un accord politique pour la paix et la réconciliation (ci-après « l’accord de paix ») en vue de mettre fin à un conflit plongeant la population dans une grande insécurité. Conformément à cet accord, un gouvernement d’inclusion comprenant des chefs de groupes armés a été formé le 3 mars. Néanmoins, certains groupes armés, dont l’ex-Séléka et les anti-balaka, ont continué de commettre des crimes et de graves atteintes aux droits humains contre des civils et 80 % du territoire était toujours contrôlé par des groupes armés.
EXACTIONS PERPETREES PAR DES GROUPES ARMES
Plusieurs groupes armés, y compris des signataires de l’accord de paix, ont continué de se livrer à de graves exactions contre les civils ; ils ont notamment tué illégalement des personnes, perpétré des violences sexuelles et prélevé des impôts en toute illégalité.
Entre février et octobre, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA) a recensé environ 600 cas de violations du droit international humanitaire et relatif aux droits humains, touchant au moins un millier de personnes. L’une des atteintes à la sécurité les plus graves a été commise par des membres du groupe armé Retour, réclamation et réhabilitation (3R), qui ont tué au moins 40 personnes le 21 mai dans plusieurs villages (Lemouna, Koundjiki et Bohong) de la préfecture de l’Ouham Pendé. Plus de 30 personnes ont été tuées le 25 décembre, lorsque des affrontements ont éclaté dans le quartier PK5 de Bangui entre des combattants armés et des commerçants.
Les Nations unies ont continué de faire état de nombreux cas de violences sexuelles, commises en grande majorité par des membres de groupes armés.
La République centrafricaine demeurait l’un des pays les plus dangereux pour le personnel humanitaire. Dans son rapport d’octobre au Conseil de sécurité [ONU], le secrétaire général des Nations unies a recensé 188 attaques contre le personnel, les locaux ou les biens d’organisations humanitaires entre janvier et août. Sur la même période, trois personnes travaillant pour ces organisations ont été tuées.
IMPUNITE
Des efforts considérables ont été déployés dans le pays comme à l’international pour lutter contre l’impunité chronique dont bénéficiaient les responsables présumés de graves atteintes aux droits humains commises dans le cadre des conflits qui se sont succédé depuis 2003.
En dépit du manque de moyens et de capacités du système judiciaire centrafricain, les tribunaux de droit commun de Bangui et de Bouar ont tenu des sessions criminelles et examiné des affaires mettant en cause des groupes armés pour des violations des droits humains. Ainsi, le colonel Abdoulaye Alkali-Saïd, un membre de premier plan du Mouvement patriotique pour la Centrafrique (MPC), un groupe armé issu de la Séléka, a été condamné le 23 septembre, lors d’une session criminelle tenue à Bangui, à six ans d’emprisonnement pour association de malfaiteurs ; les charges de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité ont été abandonnées faute de preuves. De sérieux doutes planaient cependant sur la régularité et l’équité de ces procédures.
La Cour pénale spéciale (CPS) a fait des progrès notables dans la mise en œuvre de ses activités. Dans une déclaration de juin, elle a indiqué avoir enregistré 27 plaintes, ouvert des enquêtes préliminaires sur quatre « incidents » et reçu trois dossiers dont s’étaient dessaisis des tribunaux de droit commun et qui étaient en cours d’examen par les cabinets d’instruction. En août, le dossier concernant les homicides du 21 mai a également été transféré à la CPS. Créée par une loi de juin 2015 et inaugurée officiellement en octobre 2018, cette juridiction « hybride » était composée à la fois de juges et de personnels de justice centrafricains et internationaux. Elle était investie d’un mandat initial de cinq ans pour enquêter sur des crimes de droit international et engager des poursuites le cas échéant.
La Cour pénale internationale (CPI) a elle aussi été saisie d’affaires en lien avec la situation en République centrafricaine. Le 23 janvier, Patrice-Édouard Ngaïssona, chef d’une faction anti-balaka, a été déféré à la CPI pour des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre qui auraient été commis en 2013 et 2014. L’affaire a été jointe le 20 février à celle d’Alfred Yekatom, également chef d’un groupe armé anti-balaka, inculpé de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Le 11 décembre, la CPI a rendu une décision confirmant en partie les charges retenues contre les deux hommes. Saisie en 2014 par l’État, la CPI était compétente pour enquêter sur les crimes de droit international commis depuis 2012 en République centrafricaine et pour engager des poursuites le cas échéant, en complémentarité et en coordination avec la CPS.
En outre, conformément à l’accord de paix, un décret présidentiel du 8 février a créé une commission inclusive composée de représentants des groupes armés ayant signé l’accord et des autorités nationales, qui était chargée de formuler des recommandations à l’intention de la future Commission vérité, justice, réparation et réconciliation (CVJRR). Elle a tenu sa session inaugurale le 28 mai. Le 20 juin, des consultations nationales ont été lancées aux fins de l’élaboration d’une nouvelle loi portant création de la CVJRR.
PERSONNES DEPLACEES
Il demeurait extrêmement difficile pour les organisations humanitaires d’intervenir dans le pays du fait de l’insécurité. Au 31 octobre, il y avait environ 600 000 personnes déplacées.
LIBERTE D’EXPRESSION ET DE REUNION
Le 10 avril, le Groupe de travail de la société civile (GTSC) a appelé à manifester le 15 avril contre la nomination de représentants de groupes armés au gouvernement. À la veille de la manifestation, qui n’a finalement pas eu lieu, Paul Créscent Béninga, porte-parole du GTSC, a été arrêté pour atteinte à la sûreté de l’État. Il a été remis en liberté le 21 avril.
En mai, quelques jours après les graves atteintes aux droits humains perpétrées par des membres du groupe armé 3R dans les localités de Lemouna, Koundjiki et Bohong (préfecture de l’Ouham Pendé), le Front uni pour la défense de la nation, une coalition de personnalités politiques de l’opposition et de représentant·e·s d’organisations de la société civile, a appelé à manifester les 15, 22 et 29 juin pour dénoncer l’inclusion de représentants de groupes armés dans le gouvernement et l’inefficacité de cette mesure pour ce qui est de la paix et de la sécurité. Le ministre de l’Intérieur a publié un communiqué dans lequel il évoquait le risque que des terroristes soient présents lors de ces rassemblements, qu’il a par conséquent interdits. Malgré cette décision, une centaine de personnes ont manifesté le 15 juin et ont été dispersées par les forces de sécurité.
EXPLOITATION ILLEGALE DES RESSOURCES
L’exportation de diamants bruts en provenance d’une grande partie du territoire demeurait suspendue, selon le Processus de Kimberley. Néanmoins, des groupes armés continuaient de tirer profit de l’exploitation illégale des ressources naturelles. Les affrontements entre groupes armés pour le contrôle des mines se sont poursuivis.
Le 13 juillet, un rapport parlementaire a dénoncé un désastre écologique et la pollution de la rivière Ouham, dans la région de Bozoum, au nord-ouest de Bangui, accusant des compagnies minières chinoises d’être responsables. Il recommandait l’ouverture d’une information judiciaire sur les éventuelles implications frauduleuses de responsables politiques et hauts fonct