Sénégal |Rapport annuel 2019

République du Sénégal
Chef de l’État et du gouvernement : Macky Sall

Les autorités ont continué à réprimer les droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique. L’impunité était toujours de mise dans les cas de recours excessif à la force par la police contre des manifestant·e·s. Les conditions de détention demeuraient éprouvantes, et des décès en détention ont de nouveau été signalés.

Contexte politique au Sénégal

Le président Macky Sall a été réélu en mars pour un second mandat. Lors de rassemblements organisés pendant la campagne présidentielle, deux personnes ont été tuées et de nombreuses autres, dont des journalistes, ont été blessées dans de violentes échauffourées opposant les partisans des différents candidats en lice.

Khalifa Sall, ancien maire de Dakar, et Karim Wade, le fils de l’ex-président Abdoulaye Wade, ont été exclus de l’élection présidentielle de 2019. Condamné en 2018 à cinq années d’emprisonnement pour escroquerie portant sur les deniers publics, Khalifa Sall a été remis en liberté le 29 septembre, à la faveur d’une grâce présidentielle. Deux des personnes jugées en même temps que lui ont elles aussi été libérées.

ÉVOLUTIONS LEGISLATIVES, CONSTITUTIONNELLES OU INSTITUTIONNELLES

En décembre, l’Assemblée nationale a voté à l’unanimité en faveur d’un projet de loi alourdissant les peines dont sont passibles les auteurs de viol et ceux de violences sexuelles commises sur des personnes mineures. Toutefois, les définitions contenues dans ce texte n’étaient pas conformes aux normes internationales, et ses dispositions risquaient d’être utilisées contre des adolescent·e·s de moins de 16 ans ayant des relations sexuelles consenties.

LIBERTE D’EXPRESSION

Les autorités ont continué de restreindre abusivement le droit à la liberté d’expression en poursuivant et plaçant en détention les personnes qui exprimaient des opinions dissidentes.

Le rappeur et militant Abdou Karim Gueye a été arrêté le 25 février après avoir diffusé en direct sur les réseaux sociaux une vidéo qui encourageait la population à se joindre à lui pour une manifestation pacifique, après l’annonce officieuse des résultats du scrutin présidentiel. Il a été inculpé d’« appel à une manifestation non autorisée sans armes » et d’« injures par voie de presse ». Le 4 mars, il a été condamné à un mois d’emprisonnement avec sursis et à une amende de 50 000 francs CFA (76 euros).

Au lendemain de l’élection présidentielle, au moins 17 sympathisant·e·s de l’opposition ont été arrêtés pour « troubles à l’ordre public et incitation à la révolte ».

Le 16 juillet, le militant Guy Marius Sagna a été arrêté et interrogé au sujet de ses messages sur Facebook concernant le manque de structures médicales convenables au Sénégal, ainsi que d’une publication diffusée sur ce même réseau social à propos de la présence militaire française en Afrique. Le 5 août, il a été inculpé de « fausse alerte au terrorisme » et incarcéré à la maison d’arrêt de Rebeuss, à Dakar. Il a été libéré sous caution le 16 août.
Le journaliste Adama Gaye a été arrêté le 29 juillet après avoir publié sur Facebook des messages dans lesquels il critiquait le président Macky Sall. Inculpé d’« offense au chef de l’État » et d’« atteinte à la sûreté de l’État », il a été remis en liberté sous caution le 20 septembre.

Oudy Diallo, défenseur de l’environnement, a été interpellé et incarcéré à la prison de Kédougou le 22 novembre, après avoir publié sur Facebook un message dans lequel il dénonçait les quotas de terrains attribués aux autorités administratives. Il a été condamné à deux mois d’emprisonnement avec sursis et remis en liberté le 2 décembre.

LIBERTE DE REUNION

La législation en vigueur continuait de limiter le droit à la liberté de réunion pacifique. L’arrêté de 2011 proscrivant tout rassemblement dans les zones du centre-ville de Dakar imposait toujours une interdiction totale des manifestations pacifiques. Amnesty International a été déboutée du recours qu’elle avait formé contre ce décret devant la Cour suprême.

Le 14 juin, les autorités ont interdit une manifestation organisée à Dakar par des partis d’opposition et des organisations de la société civile pour dénoncer des pratiques de corruption présumées impliquant le maire de Guédiawaye – par ailleurs frère du président – en lien avec des projets d’exploitation pétrolière et gazière dans le pays. Au moins 20 manifestants ont été arrêtés.
Guy Marius Sagna, le professeur Babacar Diop et sept autres militants ont été arrêtés le 29 novembre alors qu’ils manifestaient pacifiquement. Ils ont été inculpés de « participation à une manifestation non autorisée ». Guy Marius Sagna, en liberté sous caution depuis son arrestation en juillet à la suite de publications sur Facebook, a été également inculpé de « provocation à un attroupement non autorisé » et de « rébellion ». Babacar Diop et quatre autres personnes ont été remis en liberté sous caution le 20 décembre.

CONDITIONS CARCERALES ET MORTS EN DETENTION

Les conditions sanitaires dans les établissements pénitentiaires demeuraient déplorables, et la surpopulation carcérale persistait. Selon les statistiques officielles publiées en septembre, on dénombrait 11 547 personnes incarcérées dans les 37 prisons sénégalaises, pour une capacité totale de 4 224 détenus.
Louis Dieng, qui était en détention provisoire à la prison de Mbour, est mort le 20 février. Il serait décédé des suites d’une crise d’asthme alors qu’il partageait sa cellule avec 87 autres détenus.

Serigne Fallou Ka (24 ans) est mort le 2 mai à la maison d’arrêt et de correction de Diourbel. Trois policiers et un agent de sécurité de Mbacké ont été arrêtés et inculpés pour « coups et blessures ayant entraîné la mort sans intention de la donner ».

Le 29 août, deux hommes incarcérés à la maison d’arrêt de Rebeuss, Babacar Mané et Cheikh Ndiaye, sont morts d’un arrêt cardiocirculatoire par électrocution à la suite du dysfonctionnement d’un ventilateur, d’après une déclaration du ministre de la Justice.

CONFLIT ARME INTERNE

À la suite du meurtre, le 7 janvier 2018, de 14 personnes dans la forêt de Boffa-Bayotte, en Casamance, dans le sud du Sénégal, 25 personnes se trouvaient toujours en détention. Seize d’entre elles ont été incarcérées à Dakar, loin de leur famille, et l’autorisation d’un juge de Ziguinchor (principale ville de Casamance) était obligatoire pour leur rendre visite. Elles ont finalement été transférées à Ziguinchor le 26 décembre. Une personne est morte en détention.

Abdou Elinkine Diatta, chef de file du Mouvement des forces démocratiques de la Casamance (MFDC), a été abattu le 27 octobre. Trois autres personnes ont été blessées, dont l’une est morte des suites de ses blessures. Les autorités ont annoncé l’ouverture d’une enquête.

DROITS DES LESBIENNES, DES GAYS ET DES PERSONNES BISEXUELLES, TRANSGENRES OU INTERSEXES

Le Sénégal a réaffirmé devant le Comité contre la torture [ONU] qu’il ne dépénaliserait pas les « actes contre nature ». Au moins 11 personnes ont été arrêtées en raison de leur identité de genre ou de leur orientation sexuelle, réelle ou présumée. Neuf d’entre elles ont été condamnées à des peines allant de six mois à cinq ans d’emprisonnement.

Les défenseur·e·s des droits humains qui se mobilisaient en faveur des droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles, transgenres ou intersexes (LGBTI) étaient victimes de campagnes de dénigrement et de menaces de mort. Craignant pour leur sécurité, plusieurs ont dû fuir le pays.

DROITS DES ENFANTS

En dépit d’un solide cadre législatif national prohibant les mauvais traitements infligés aux enfants, le Sénégal n’a pas mis en place de système coordonné de prise en charge visant à protéger de l’exploitation et des sévices les enfants contraints à la mendicité.

Le 6 avril, un garçon de 12 ans est mort des suites, semble-t-il, des coups qu’il a reçus. Son maître d’école coranique a été arrêté.

Le 23 novembre, cinq garçons ont été retrouvés enchaînés dans une école coranique. Six personnes soupçonnées d’être responsables, dont leurs parents et un enseignant, ont été interpellées. Elles ont été remises en liberté le 4 décembre après avoir été condamnées à deux ans d’emprisonnement avec sursis pour mise en danger de la vie d’autrui, « violences et voies de fait sur mineur » et « complicité ».

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