La population civile a été victime de crimes de droit international, de violations des droits humains et de violences en raison du conflit persistant, qui a fait des milliers de morts et de blessés et a contraint des centaines de milliers de personnes à quitter leur foyer. La Cour pénale internationale (CPI) a décidé de ne pas ouvrir d’enquête sur les crimes contre l’humanité et les crimes de guerre qui ont pu être commis, mais cette décision faisait l’objet d’un appel.
Des défenseur-e-s des droits humains ont été la cible de menaces et de manœuvres d’intimidation ; certains ont été arrêtés, d’autres ont été tués. Des États européens et des pays voisins de l’Afghanistan ont continué de renvoyer de force des personnes réfugiées ou demandeuses d’asile afghanes dans leur pays.
Les violences liées au genre à l’égard des femmes et des filles se sont poursuivies, du fait de la fragilité de l’état de droit et de l’existence de pratiques culturelles et traditionnelles néfastes. Les journalistes avaient de plus en plus de mal à travailler et étaient en butte à des représailles perpétrées par des groupes armés, des responsables publics et les forces de sécurité. Cinq journalistes au moins ont été tués par les talibans et d’autres groupes armés.
Conflit armé
Au cours des neuf premiers mois de l’année, 2 563 civils ont été tués et 5 676 autres ont été blessés, selon la Mission d’assistance des Nations unies en Afghanistan (MANUA). Le mois de juillet a été le plus meurtrier du conflit depuis 10 ans. Ce sont les attaques perpétrées à l’aide d’engins explosifs par des « éléments antigouvernementaux » qui ont fait le plus grand nombre de victimes civiles en 2019. Le nombre de personnes tuées ou blessées dans des opérations aériennes ou de ratissage menées par les forces « progouvernementales » s’est accru.
Crimes de droit international et exactions perpétrés par des groupes armés
Les talibans ont tué ou blessé illégalement des civils, notamment dans le cadre d’attaques menées sans discrimination ; l’État islamique-Province du Khorassan (EI-K) a délibérément pris pour cible des civils dans des attaques contre des communautés chiites et hazaras (groupe ethnique majoritairement chiite).
En août, l’EI-K a perpétré un attentat-suicide à la bombe dans un mariage à Kaboul, qui a fait au moins 63 morts et plus de 200 blessés parmi la population civile. Quatorze personnes au moins – pour l’essentiel des civils – ont été tuées, et 145 autres ont été blessées dans un attentat-suicide à la bombe devant un poste de police d’un quartier à prédominance chiite de l’ouest de Kaboul, qui a été revendiqué par les talibans.
Crimes de droit international et exactions perpétrés par les forces progouvernementales
Selon les chiffres de la MANUA, 1 149 civils ont été tués et 1 199 ont été blessés par les forces progouvernementales pendant les neuf premiers mois de l’année. Les informations selon lesquelles des homicides illégaux délibérés, y compris de possibles exécutions extrajudiciaires, auraient été commis par des forces spéciales opérant sous la responsabilité de la Direction nationale de la sécurité et par des milices afghanes entraînées par l’Agence centrale du renseignement des États-Unis (CIA), n’avaient toujours pas donné lieu à une enquête. Les attaques aériennes ont été les plus meurtrières pour la population civile.
Justice internationale
La Chambre préliminaire de la CPI a décidé en avril de ne pas autoriser l’ouverture d’une enquête sur les crimes de droit international qui ont pu être commis depuis 18 ans. Cette décision est intervenue après que les États-Unis eurent annulé, également en avril, le visa de la procureure de la CPI. Elle devait se rendre dans ce pays pour enquêter sur les crimes perpétrés en Afghanistan, dans lesquels, dans certains cas, les forces américaines pourraient être impliquées. Les juges de la CPI ont fait valoir que la perspective d’avoir à mener des investigations très difficiles, l’absence de volonté des États de coopérer et des problèmes budgétaires avaient pesé sur leur décision. Le 17 septembre, la Chambre préliminaire II a autorisé la procureure de la CPI à faire appel de la décision de ne pas enquêter.
Défenseur-es des droits humains
Les défenseur·e·s des droits humains étaient pris pour cible à la fois par des agents de l’État et par des acteurs non étatiques. Ils étaient en butte à des manœuvres d’intimidation, des actes de harcèlement et des arrestations, et certains ont trouvé la mort. Ils ne bénéficiaient pas de mesures de protection suffisantes et les actes perpétrés contre eux faisaient rarement l’objet d’une enquête. En septembre, les talibans ont enlevé et tué par balle Abdul Samad Amiri, de la Commission indépendante des droits de l’homme en Afghanistan.
À la fin de l’année, personne n’avait été amené à rendre des comptes pour cet homicide, qui était constitutif de crime de guerre. Deux défenseurs des droits humains bien connus ont été arrêtés arbitrairement en novembre par la Direction nationale de la sécurité parce qu’ils avaient révélé l’existence d’un réseau pédophile dans la province du Logar et rendu publiques plus de 100 vidéos des agressions qui auraient été commises . Dans tout le pays, les militantes des droits humains continuaient d’être particulièrement exposées au risque d’être harcelées et intimidées par des agents de l’État comme par des acteurs non étatiques.
En juillet, le gouvernement a renouvelé le mandat de la Commission indépendante des droits de l’homme en Afghanistan et nommé neuf nouveaux commissaires, dont des femmes, y compris à la présidence.
Personnes réfugiées ou déplacées
Selon les chiffres de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), quelque 500 000 Afghanes et Afghans ont été rapatriés de force depuis les pays voisins en 2019 – dont plus de 476 000 depuis l’Iran. Des milliers d’hommes et de femmes en quête d’asile ont en outre été renvoyés contre leur gré depuis l’Europe, soit dans le cadre de l’accord « Action conjointe pour le futur sur les questions migratoires UE-Afghanistan », soit en vertu d’accords bilatéraux spécifiques. La Turquie a quant à elle expulsé 19 000 personnes vers l’Afghanistan entre janvier et septembre. Un certain nombre d’informations ont circulé sur les mauvaises conditions dans lesquelles étaient placés les demandeuses et demandeurs d’asile afghans dans les centres de rétention de ce pays.
Un grand nombre des personnes renvoyées étaient de nouveau exposées à des menaces et violences de la part des milices et des groupes armés auxquels elles avaient tenté d’échapper.
En mai, le vice-ministre iranien des Affaires étrangères a menacé de renvoyer de force tous les réfugié·e·s afghans si les États-Unis continuaient d’imposer des sanctions économiques à l’Iran.
Violences faites aux femmes et aux filles
Les femmes et les filles afghanes étaient toujours en butte à des violences liées au genre, dans tout le pays et en particulier dans les zones contrôlées par les talibans. On estimait que le nombre de cas signalés était très faible par rapport à la réalité. Pour les cas signalés, il n’était pas rare qu’aucune enquête ne soit menée sur les faits, ou que des pressions soient exercées sur les victimes pour les pousser à retirer leur plainte, ou encore que l’on utilise la médiation pour résoudre l’affaire en dehors du cadre juridique et sans que les protections en matière de droits humains s’appliquent. Les auteurs de ces actes (coups, homicides, tortures et autres mauvais traitements, châtiments corporels infligés aux femmes adultères, entre autres violences) bénéficiaient toujours de l’impunité.
Dans les zones qu’ils contrôlaient, les talibans continuaient d’appliquer contre les femmes et les filles des châtiments dignes du Moyen Âge, comme la lapidation à mort ; ils procédaient aussi à des exécutions par balle. Le gouvernement n’a pour sa part pas mis en place, dans l’ensemble des 34 provinces, des tribunaux chargés de juger les affaires de violences à l’égard des femmes ni des unités judiciaires spécifiques.
Les femmes représentaient 27 % des membres de la chambre basse du Parlement. Elles étaient aussi présentes au gouvernement et dans les conseils provinciaux. Elles demeuraient cependant exclues dans une large mesure de la scène politique à l’échelon infranational. Aucune femme ne figurait parmi les 18 candidats à l’élection présidentielle de septembre.
Liberté d’expression et d’association
Le droit à la liberté d’expression et d’association faisait l’objet d’importantes restrictions. Il était de plus en plus difficile pour les journalistes de travailler librement et sans subir de représailles. Des dizaines d’entre eux ont été attaqués par les forces de sécurité et des groupes armés. Au cours de l’année, 10 ont été abattus par des inconnus ; plusieurs ont été enlevés par des groupes armés. Javid Noori a été attaqué et tué par des talibans en janvier ; en février, deux autres journalistes ont été abattus par des hommes armés dans les locaux d’une station de radio de la province du Takhar. D’autres ont été frappés, menacés, intimidés ou harcelés par des responsables publics, les forces de sécurité ou des groupes armés.
Les menaces et les violences visant les journalistes ne faisaient que rarement l’objet d’investigations de la part des autorités. En avril, deux hommes ont été condamnés à mort pour le meurtre, commis en 2018, du journaliste de Kabul News Abdul Manan Arghand.
En juin, les talibans ont déclaré que les journalistes et les autres professionnels des médias constituaient une cible militaire légitime dans la mesure où ils n’obtempéraient pas à l’ordre donné par le groupe de cesser de diffuser des messages anti-talibans. En août, ils ont publié sur le site web « La voix du djihad » une déclaration dans laquelle ils enjoignaient aux Afghans de ne pas participer aux rassemblements organisés à l’occasion de la campagne pour l’élection présidentielle et menaçaient de perpétrer des violences contre toute personne qui désobéirait .
Droits des enfants
Malgré l’entrée en vigueur en 2018 du Code pénal révisé, qui érigeait en infractions pénales le recrutement et l’utilisation d’enfants par les forces armées ainsi que le bacha bazi, une pratique néfaste par laquelle des garçons sont soumis à des abus sexuels, des éléments montraient que les forces de sécurité continuaient de recruter des enfants soldats et que le gouvernement ne protégeait pas les victimes du bacha bazi. Aucune mesure n’a été prise en vue d’éradiquer le mariage des enfants. Sans famille, plongés dans la pauvreté ou contraints de travailler pour nourrir tous leurs proches, des enfants travaillaient dans la rue à Kaboul et dans d’autres grandes villes. Le gouvernement ne leur apportait pas une protection et une aide suffisantes.
Accès aux services, pauvreté et justice traditionnelle
Environ 55 % de la population vivait au-dessous du seuil de pauvreté et les gens n’avaient qu’un accès limité aux services élémentaires et indispensables de santé, à l’éducation et à l’eau potable. En dépit de l’accès restreint de la population aux services médicaux de base, les talibans ont brutalement décrété en avril l’« interdiction » des activités du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) et de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dans les zones qu’ils contrôlaient. Le groupe a toutefois annulé cette interdiction en septembre. Des formes de justice traditionnelle ou non officielle continuaient d’être appliquées dans le pays, au mépris du principe de l’état de droit, des normes relatives aux droits humains et de la législation afghane.