Myanmar | Rapport annuel 2019

Myanmar armée Rohingyas

République de l’Union du Myanmar
Chef de l’État et du gouvernement : Win Myint

L’armée a commis de graves violations des droits humains, dont des crimes de guerre, dans les États kachin, chan et d’Arakan. Le gouvernement n’a rien fait pour instaurer des conditions favorables au retour volontaire, en toute sécurité et dans la dignité, des 740 000 femmes, hommes et enfants rohingyas qui ont fui au Bangladesh à partir d’août 2017. Les Rohingyas qui vivaient toujours dans l’État d’Arakan étaient soumis à un système s’apparentant à un régime d’apartheid. Les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique restaient soumis à des restrictions. Cette année encore, les autorités ont arrêté et détenu de façon arbitraire des défenseur·e·s des droits humains et d’autres militant·e·s pacifiques. L’impunité persistait pour les responsables de violations des droits humains et de crimes de droit international.

Contexte

L’armée disposait toujours de larges pouvoirs dans les domaines économique et politique. En février, le gouvernement, dirigé par la Ligue nationale pour la démocratie (NLD), a annoncé la mise en place d’une nouvelle commission chargée de rédiger des modifications de la Constitution de 2008 ; aucune avancée n’avait cependant été notée en la matière à la fin de l’année. Le processus de paix chancelant engagé au niveau national était toujours dans l’impasse. Le 27 septembre, le Myanmar a ratifié le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés.

Conflit armé interne dans l’État d’Arakan et Chan

À partir du mois de janvier, dans l’État d’Arakan, les affrontements armés se sont fortement intensifiés entre l’armée myanmar et l’Armée d’Arakan, un groupe armé rakhine. Lors de ces opérations, les militaires ont commis de graves violations contre la population civile, telles que des attaques illégales, des arrestations arbitraires, des actes de torture et d’autres mauvais traitements, des disparitions forcées, des exécutions extrajudiciaires et le recours au travail forcé. Nombre de ces agissements constituaient des crimes de guerre. L’Armée d’Arakan s’est elle aussi rendue responsable d’atteintes aux droits humains, notamment en soumettant des civil·e·s à des privations arbitraires de liberté, à des menaces et à des intimidations. En juin, les autorités ont bloqué l’accès à Internet dans neuf régions touchées par le conflit dans les États chin et d’Arakan, ce qui a suscité de graves inquiétudes quant à la sécurité de la population civile. Cette mesure a en partie été levée dans certains secteurs au mois d’août, mais l’accès à Internet était toujours coupé dans d’autres secteurs à la fin de l’année.

Dans le nord de l’État chan également, les civils ont été les principales victimes du conflit en cours. L’armée s’est rendue responsable de crimes de guerre et d’autres graves violations, notamment d’arrestations arbitraires, de détentions au secret dans des bases militaires, d’actes de torture et d’autres formes de mauvais traitements, ainsi que d’attaques illégales. Des groupes armés ethniques ont commis de graves exactions, recourant notamment aux enlèvements, à des actes de torture et à d’autres formes de mauvais traitements, au travail forcé et à l’extorsion. En août, les affrontements se sont fortement intensifiés à la suite d’attaques menées par des groupes armés contre des installations militaires, entre autres. Cette escalade de la violence a conduit à de nouveaux déplacements de civils et à d’autres graves violations perpétrées par toutes les parties au conflit . Dans l’État kachin, qui n’a pas été le théâtre d’importants combats, des civil·e·s ont pourtant été soumis par l’armée à des arrestations arbitraires, à la torture et à d’autres formes de mauvais traitements.

La situation des Rohingyas

Des crimes contre l’humanité ont été commis cette année encore contre les 600 000 Rohingyas, selon les estimations, qui vivaient toujours dans l’État d’Arakan. Leurs droits à l’égalité de traitement, à la nationalité, à l’accès à des soins de santé adéquats, à l’éducation et à l’emploi, ainsi que leur droit de circuler librement, étaient régulièrement bafoués. Sept ans après avoir été contraintes de s’enfuir de chez elles, quelque 128 000 personnes – essentiellement des Rohingyas – étaient toujours enfermées dans des camps de détention dans l’État d’Arakan, où les conditions de vie étaient misérables et où leur survie dépendait de l’aide humanitaire.

Le gouvernement n’a pas pris de mesures significatives en vue de rétablir des conditions favorables au retour des centaines de milliers de Rohingyas qui ont fui le Myanmar à partir de 2017 et durant les précédentes vagues de violence. Malgré ses affirmations, aucun progrès n’a été observé quant à la mise en œuvre des recommandations de la Commission consultative sur l’État d’Arakan. Les autorités ont fortement restreint l’accès des travailleurs et travailleuses humanitaires et des journalistes indépendants.

Personnes déplacées et accès à l’aide humanitaire

Des dizaines de milliers de civils ont été déplacés à cause du conflit. Dans l’État d’Arakan, les affrontements entre l’armée du Myanmar et l’Armée d’Arakan ont contraint plus de 30 000 personnes à s’enfuir de chez elles. Dans le nord de l’État chan, les combats ont provoqué le déplacement de plusieurs milliers de personnes. De nombreuses personnes ont dû se déplacer plusieurs fois, souvent pour de courtes périodes, ce qui les a empêchés de trouver des moyens de subsistance et a mis en péril leur sécurité alimentaire à court et à long terme. Les personnes âgées ont particulièrement pâti du conflit et de ces déplacements, en particulier en ce qui concerne leurs droits à la santé et aux moyens de subsistance . Les autorités tant civiles que militaires ont continué de restreindre l’accès à l’aide humanitaire dans tout le pays.

Liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique au Myanmar

Cette année encore, les autorités ont arrêté et incarcéré des personnes qui n’avaient fait qu’exercer pacifiquement leurs droits humains, notamment des militant·e·s politiques, des professionnel·le·s des médias et des défenseur·e·s des droits humains. Les autorités militaires s’en sont prises à des militants politiques et à des détracteurs au moyen de poursuites pénales. En août, le cinéaste Min Htin Ko Gyi a été condamné à un an d’emprisonnement. Il avait été arrêté au mois d’avril et inculpé pour avoir critiqué, sur les réseaux sociaux, le rôle de l’armée dans la vie politique . En avril et en mai, sept jeunes gens, membres d’une troupe de poésie satirique, ont été arrêtés et inculpés pour avoir donné des représentations dans lesquelles ils critiquaient l’armée. Six de ces personnes ont par la suite été condamnées à des peines allant d’un an et demi à deux ans et demi d’emprisonnement. À la fin de l’année, elles ont toutes les sept été inculpées d’autres infractions.

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Les autorités ont utilisé des lois vagues et générales pour réprimer l’opposition et restreindre les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique. Elles ont notamment recouru à l’article 66(d) de la Loi relative aux télécommunications, à la Loi relative à la protection de la vie privée, à la Loi relative aux rassemblements et aux défilés pacifiques, et à certaines dispositions du Code pénal. Alors qu’il détenait une très large majorité des sièges au Parlement, le gouvernement du NLD n’a ni révisé ni modifié les lois restreignant ces droits.

En mai, les journalistes de l’agence Reuters Wa Lone et Kyaw Soe Oo ont été remis en liberté à la faveur d’une grâce collective accordée à un certain nombre de prisonniers . Les deux hommes avaient été condamnés à sept ans d’emprisonnement pour avoir rendu compte des atrocités commises contre les Rohingyas dans l’État d’Arakan. Malgré ces libérations, les journalistes du pays continuaient d’être confrontés à des arrestations arbitraires, des poursuites judiciaires et des manœuvres de harcèlement en raison de leur travail.

Une impunité généralisée pour les plus graves crimes

L’impunité persistait pour les graves atteintes aux droits humains, dont des crimes de droit international. Le gouvernement a refusé de coopérer avec les mécanismes d’enquête internationaux. La commission d’enquête indépendante mise en place par le gouvernement pour mener des investigations sur les atteintes aux droits humains commises dans l’État d’Arakan à partir d’août 2017 n’était pas suffisamment compétente, indépendante et impartiale. La présentation de son rapport final, qui était prévue pour la fin du mois d’août, a été reportée en janvier 2020. En février, l’armée a annoncé la création d’une «  juridiction d’instruction  » chargée d’examiner les allégations d’atteintes aux droits humains commises dans l’État d’Arakan. Cette juridiction, dans le cadre de laquelle des militaires enquêteraient sur des violations commises par l’armée, n’était manifestement ni indépendante ni impartiale. Les violations perpétrées de façon persistante dans d’autres régions du pays faisaient rarement l’objet d’enquêtes, et les auteurs présumés de ces agissements n’étaient guère amenés à rendre des comptes.

Malgré l’absence de justice au Myanmar, le Conseil de sécurité des Nations unies n’a pas saisi la Cour pénale internationale (CPI) de la situation dans ce pays.

Surveillance internationale

Les autorités ont pour la deuxième année consécutive refusé de laisser entrer dans le pays la rapporteuse spéciale des Nations unies sur la situation des droits de l’homme au Myanmar. En septembre, la Mission internationale indépendante d’établissement des faits sur le Myanmar [ONU] a présenté son rapport final sur les violations graves et persistantes commises dans le pays. Le gouvernement a rejeté ce rapport, tout comme il avait rejeté les autres rapports publiés par cette instance au cours de l’année, affirmant qu’ils étaient sans fondement et qu’ils ne s’appuyaient sur aucun élément de preuve.

L’ONU a publié en mai les résultats d’un audit interne de ses opérations menées au Myanmar depuis 2011, concluant que le système des Nations unies présentait des « dysfonctionnements systémiques ». Le rapport formulait plusieurs recommandations visant à améliorer la communication et la coopération. Cependant, aucune information n’a été rendue publique concernant leur mise en œuvre.

En novembre, la CPI a officiellement ouvert une enquête sur la déportation de Rohingyas à la frontière entre le Myanmar et le Bangladesh et sur d’autres crimes connexes, dont un ou plusieurs éléments ont été commis sur le territoire du Bangladesh. En juillet et en décembre, le gouvernement des États-Unis a imposé des sanctions contre le général Min Aung Hlaing, chef d’état-major de l’armée myanmar, et trois autres hauts responsables de l’armée, en raison de leur rôle dans les atrocités commises contre les Rohingyas.

Le mécanisme d’enquête indépendant pour le Myanmar, chargé de recueillir et de préserver les preuves des crimes graves commis au Myanmar et de constituer des dossiers en vue de poursuites pénales, est devenu opérationnel en septembre. En novembre, le gouvernement gambien a intenté une action judiciaire contre le Myanmar pour génocide devant la Cour internationale de justice (CIJ). En décembre, lors d’une audience portant sur des mesures conservatoires, une délégation menée par Aung San Suu Kyi a rejeté les accusations selon lesquelles le Myanmar aurait violé ses obligations au titre de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.

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