Hongrie | Rapport annuel 2019

Hongrie
Chef de l’État : János Áder
Chef du gouvernement : Viktor Orbán

Le gouvernement a étendu son contrôle sur le pouvoir judiciaire. Des lois restrictives visant les ONG étaient toujours en vigueur, ce qui avait un effet paralysant sur la société civile. L’accès au territoire hongrois demeurait sévèrement limité pour les personnes réfugiées ou demandeuses d’asile.

ÉVOLUTIONS LÉGISLATIVES, CONSTITUTIONNELLES OU INSTITUTIONNELLES

Continuant de revenir en arrière sur les droits humains et de ne pas se conformer au droit de l’Union européenne (UE), le gouvernement s’est heurté cette année encore à une résistance sur le plan intérieur et faisait toujours l’objet d’une surveillance de la part de la communauté internationale.
L’adoption, en décembre 2018, d’une loi autorisant les employeurs à augmenter le nombre d’heures supplémentaires exigibles de leurs salariés, tout en différant éventuellement leur paiement pendant une période pouvant aller jusqu’à trois ans, avait donné lieu à des manifestations, qui se sont poursuivies en janvier. Cette loi a été surnommée « loi de l’esclavage » par les manifestant·e·s et les médias.

En mai, l’Association européenne des magistrats et la Commission européenne se sont inquiétées de l’affaiblissement des mécanismes de contrôle au sein des tribunaux de droit commun, compromettant davantage encore leur indépendance. En juin, le Parlement a remis à une date ultérieure non précisée la mise en place d’un système distinct de juridictions administratives. Bien que la Cour constitutionnelle ait estimé ce projet conforme à la Loi fondamentale de la Hongrie (la Constitution hongroise), celui-ci avait été très critiqué, y compris par la Commission de Venise du Conseil de l’Europe, qui avait dénoncé les risques d’ingérence politique qu’il comportait. En décembre, le Parlement a adopté un projet de loi général qui, entre autres modifications, autorisait les pouvoirs publics à contester les décisions rendues par les tribunaux de droit commun dans des affaires politiquement sensibles par la saisine de la Cour constitutionnelle – juridiction dont les membres sont désignés par la majorité au pouvoir au Parlement.

À la fin de l’année, la Hongrie faisait toujours l’objet d’une procédure engagée en 2018 par le Parlement européen en vertu de l’article 7(1) du Traité sur l’UE et invitant le Conseil européen à constater ce que le Parlement considérait comme « un risque clair de violation grave par un État membre des valeurs sur lesquelles l’Union est fondée ».

LIBERTÉ D’EXPRESSION ET D’ASSOCIATION

Le gouvernement a continué de s’en prendre aux défenseur·e·s des droits humains et aux organisations de la société civile, notamment en les discréditant.

Toujours en vigueur, les lois restrictives visant les ONG et les militant·e·s défendant les droits des personnes réfugiées, migrantes ou demandeuses d’asile avaient un effet paralysant sur la société civile. La Cour constitutionnelle a estimé en février que l’infraction pénale consistant à « faciliter l’immigration illégale », introduite par la loi dite « Stop Soros », n’était pas contraire à la Constitution. Considérant que ce texte enfreignait plusieurs directives européennes, la Commission européenne a saisi la Cour de justice de l’UE en juin. Un autre recours introduit en décembre 2017 par la Commission européenne auprès de cette même Cour à propos de la loi qui stigmatisait les ONG recevant des fonds de l’étranger était toujours en instance.

Le gouvernement hongrois a poursuivi sa politique de restriction de la liberté académique. Une loi adoptée en juillet renforçait l’influence de l’exécutif sur les instituts de recherche de l’Académie des sciences de Hongrie, suscitant une certaine inquiétude quant à l’indépendance de la recherche universitaire à l’avenir. Un recours introduit auprès de la Cour constitutionnelle par le président de l’Académie des sciences était en instance à la fin de l’année.
Au lendemain de la mise en place, en novembre 2018, d’un groupe de presse favorable au gouvernement qui contrôle désormais environ 80 % du marché des médias d’information (en termes de revenus), la place des avis critiques à l’égard du régime s’est réduite, les médias d’État faisant la part belle aux personnalités et aux opinions favorables aux autorités, au détriment de celles de l’opposition.

DISCRIMINATION – LES ROMS

En mai, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale [ONU] s’est dit alarmé par la fréquence des propos haineux à connotation raciste, tenus notamment par des responsables politiques, au plus haut niveau, et visant les personnes migrantes, réfugiées ou demandeuses d’asile, ainsi que les Roms et d’autres minorités. Il a également exprimé sa préoccupation face au nombre élevé de crimes de haine commis contre des Roms, sans que les autorités enquêtent sérieusement sur ces actes ni ne fournissent une protection suffisante aux membres de cette communauté.

Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale a également constaté qu’une discrimination de nature systémique à l’égard des Roms perdurait dans de nombreux secteurs, tels que la santé, l’éducation, le logement ou l’emploi. Nombre d’entre eux restaient confrontés à une situation d’extrême pauvreté, vivant dans des quartiers séparés, dépourvus de services et d’infrastructures adaptés.

Lorsqu’il a modifié la Loi sur l’enseignement public, au mois de juillet, le gouvernement n’a pas profité de l’occasion pour traiter le problème de la ségrégation dont sont victimes les enfants roms dans le système scolaire – problème qui n’a cessé de s’aggraver. La procédure d’infraction engagée en 2016 par la Commission européenne à ce sujet était toujours en cours à la fin de l’année.

DROITS DES LESBIENNES, DES GAYS ET DES PERSONNES BISEXUELLES, TRANSGENRES OU INTERSEXES

Les lesbiennes, les gays et les personnes bisexuelles, transgenres ou intersexes (LGBTI) ont de plus en plus été la cible de propos homophobes et discriminatoires de la part de responsables politiques, dont le président du Parlement, et de personnalités publiques.
À partir du mois de juillet, des groupes d’extrême droite s’en sont pris verbalement et physiquement à des personnes qui organisaient ou participaient à des manifestations dans le cadre du mois des fiertés de Budapest, ainsi qu’à des ateliers animés par des organisations de défense des personnes LGBTI. Selon des ONG et les médias, la police n’aurait pas toujours assuré une protection satisfaisante contre ces attaques.

DROITS EN MATIÈRE DE LOGEMENT ET EXPULSIONS FORCÉES

De nouvelles mesures destinées à ériger en infraction le fait de se retrouver sans domicile ont été prises. Malgré les vives critiques qu’elles ont suscitées sur la scène internationale comme dans le pays, les modifications apportées en 2018 à la Loi fondamentale, qui interdisaient aux personnes de vivre dans des lieux publics, ont été jugées conformes à la Constitution en juin par la Cour constitutionnelle.

En juin également, le Parlement a rejeté une proposition de loi visant à obliger les municipalités à fournir un hébergement de substitution adéquat aux familles avec enfants expulsées de force de leur logement. Cette obligation est pourtant prévue par le droit international.

DROITS DES FEMMES

Après avoir effectué une visite dans le pays en février, la commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a estimé que la Hongrie était en train de régresser en matière d’égalité des genres et de droits des femmes, lui reprochant notamment de ne pas avoir préparé de nouvelle stratégie nationale relative à l’égalité des genres et d’appliquer des politiques dans ce domaine n’associant les femmes qu’aux seules affaires familiales.

Le gouvernement a lancé en février 2019 un plan d’action pour la protection de la famille, comportant des mesures destinées à aider les gens à concilier vie professionnelle et vie familiale et à renforcer l’aide aux familles. Le Groupe de travail des Nations unies sur la question de la discrimination contre les femmes en droit et dans la pratique, ainsi que plusieurs groupes de défense des droits des femmes, l’ont cependant critiqué, au motif qu’il favorisait manifestement les foyers à revenus moyens et élevés par rapport aux familles à revenus modestes.

La prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes restaient très largement insuffisantes. Les poursuites engagées contre les auteurs de tels actes étaient toujours aussi rares et les victimes étaient fréquemment stigmatisées. Les forces de l’ordre et les magistrats traitaient souvent celles-ci sans ménagement, rejetant la faute sur elles et faisant preuve de partialité dans les décisions rendues. Le gouvernement a continué d’ignorer la pression de la société civile qui lui enjoignait de ratifier la Convention d’Istanbul, qualifiant ce texte de « simagrées politiques ».

PERSONNES RÉFUGIÉES OU DEMANDEUSES D’ASILE

La Hongrie a continué de restreindre fortement l’accès de son territoire aux personnes réfugiées ou demandeuses d’asile. L’admission pouvait uniquement se faire dans deux « zones de transit » situées à la frontière avec la Serbie. Depuis l’adoption en 2018 de nouveaux motifs d’irrecevabilité, pratiquement toutes les demandes d’asile déposées par des personnes arrivant d’un « pays de transit sûr », comme la Serbie, ont été rejetées.

Les personnes dont le dossier était en cours de traitement étaient détenues dans les deux « zones de transit », tandis que celles qui avaient été déboutées et étaient en attente d’expulsion étaient privées de nourriture par les autorités. À la fin de l’année, avec l’aide du Comité Helsinki de Hongrie, 27 personnes avaient saisi la Cour européenne des droits de l’homme pour que celle-ci prenne des mesures provisoires obligeant la Hongrie à leur procurer à manger. En juin, la Commission européenne a de nouveau entamé une procédure d’infraction contre le pays pour refus de fournir de la nourriture aux personnes déboutées en attente d’expulsion.

Des organisations se sont dites préoccupées par des informations faisant état du recours par les forces de l’ordre à une force excessive et à des violences contre des personnes migrantes, réfugiées ou demandeuses d’asile, dont des enfants, lors de renvois forcés illégaux (push-backs) vers la Serbie. Ces opérations auraient souvent fait des blessés.

Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale a exprimé sa profonde inquiétude au sujet d’informations selon lesquelles l’interdiction faite par le droit international de renvoyer une personne dans un pays où elle risque d’être persécutée ou victime d’autres graves violations des droits humains (principe de « non-refoulement ») ne serait pleinement respectée ni en droit ni dans la pratique.

Dans un arrêt rendu en novembre dans l’affaire Ilias et Ahmed c. Hongrie, la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme a confirmé que les autorités hongroises n’avaient pas dûment apprécié les risques que les demandeurs d’asile encouraient en cas de renvoi vers la Serbie. Elle n’a toutefois pas confirmé son précédent jugement selon lequel la rétention des requérants dans une zone de transit, en l’absence de garanties juridiques ou de décision officielle, était constitutive d’une privation arbitraire de liberté.

LUTTE CONTRE LE TERRORISME ET SÉCURITÉ

En septembre, le gouvernement a prolongé de six mois la « situation de crise causée par une immigration massive », invoquée depuis 2015 et dans le cadre de laquelle la police et l’armée disposent de pouvoirs d’exception. Après sa visite sur place, en juillet, le rapporteur spécial des Nations unies sur les droits de l’homme des migrants a appelé le gouvernement hongrois à cesser immédiatement de se dire confronté à une « situation de crise » et à protéger les droits des personnes en quête d’asile.

Les pouvoirs publics ont installé des milliers de caméras de surveillance dans tout Budapest. Celles-ci étaient associées à des systèmes vidéo privés et reliées à une base de données appartenant à l’État, faisant craindre une violation du droit au respect de la vie privée et une absence de protection contre la surveillance de masse. Le Parlement a adopté en décembre une loi autorisant les forces de police à utiliser des logiciels de reconnaissance faciale pour identifier les personnes lors des contrôles d’identité.

Ahmed H., un ressortissant syrien injustement condamné, a bénéficié en janvier d’une libération conditionnelle et a finalement pu rejoindre sa famille, à Chypre, en septembre. Il avait fait l’objet de poursuites engagées au titre de la législation hongroise relative à la lutte contre le terrorisme, dont les dispositions sont extrêmement sévères, et avait passé trois ans et demi en prison. Il avait également été visé par une campagne de dénigrement lancée par les pouvoirs publics .

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