Italie |Rapport annuel 2019

Italie droits humains

République italienne
Chef de l’État : Sergio Mattarella
Chef du gouvernement : Giuseppe Conte

Le gouvernement a continué de mener un programme hostile à l’immigration en s’appuyant sur des lois et des politiques destinées à restreindre l’accès aux droits et à empêcher les personnes secourues en mer de débarquer en Italie. Il a tenté à maintes reprises de faire obstacle aux organisations non gouvernementales (ONG) venant en aide à des personnes en mer et de les poursuivre en justice. En outre, la coopération avec les autorités libyennes visant à retenir les personnes réfugiées ou migrantes en Libye s’est poursuivie, bien que de graves violations des droits humains soient encore commises dans ce pays. Des milliers de Roms vivaient toujours dans des camps réservés, où les conditions de logement étaient médiocres, et étaient exposés à des expulsions forcées.

CONTEXTE politique en Italie

En août, Matteo Salvini, alors vice-président du Conseil des ministres et ministre de l’Intérieur, a déposé une motion de censure contre le président du Conseil, Giuseppe Conte, qui a entraîné l’effondrement du gouvernement de coalition formé un peu plus d’un an auparavant. En septembre, Giuseppe Conte a été nommé de nouveau président du Conseil, cette fois pour diriger un gouvernement de coalition de centre-gauche. Son deuxième gouvernement a présenté un nouveau programme, dont on pouvait présumer qu’il reposerait sur des politiques et un discours moins populistes et moins hostiles à l’immigration que le précédent.

PERSONNES RÉFUGIÉES OU DEMANDEUSES D’ASILE

Les politiques et le discours hostiles à l’immigration du premier gouvernement de Giuseppe Conte empêchaient encore les personnes réfugiées, demandeuses d’asile ou migrantes de jouir de leurs droits dans le pays et à ses frontières.
Un peu plus d’un an après que le décret-loi 113/2018 a aboli la protection humanitaire, quelque 24 000 personnes étaient dépourvues de statut juridique, ce qui restreignait leur accès aux soins de santé, au logement, aux services sociaux, à l’éducation et au travail, et les laissait à la merci de l’exploitation et des violences. Les nouvelles dispositions ont aussi eu d’autres effets, notamment la dégradation des possibilités d’intégration des personnes demandeuses d’asile, qui étaient exclues du réseau de centres d’accueil des autorités locales, et la détention prolongée de ces personnes dans des centres de rapatriement, où les conditions n’étaient absolument pas conformes aux normes en vigueur et où les contacts avec leurs avocats et les membres de leur famille étaient limités.

En février, le Comité des droits de l’enfant des Nations unies s’est dit préoccupé quant à la protection accordée aux enfants réfugiés ou migrants et, en avril, le Comité sur les disparitions forcées [ONU] a fait part de ses inquiétudes au sujet des conditions de vie dans les centres de détention pour personnes migrantes.

LA POLITIQUE DES « PORTS FERMÉS »

L’Italie a poursuivi sa politique des « ports fermés », dont l’objectif était d’empêcher les personnes secourues en mer de débarquer sur le territoire. Entre mars et avril, le ministre de l’Intérieur a émis quatre directives visant les ONG menant des opérations de sauvetage, dans lesquelles il intimait aux autorités de surveillance des frontières maritimes l’ordre d’empêcher l’entrée dans les eaux italiennes et l’accostage en Italie des navires transportant des personnes secourues considérées comme une menace potentielle à l’ordre public et à la sécurité.

En mai, six procédures spéciales de l’ONU ont exprimé de profondes inquiétudes dans une lettre conjointe, estimant que les directives en question constituaient une incrimination des activités de la société civile sous-tendue par des motivations politiques, alimentaient un sentiment xénophobe et pouvaient décourager le sauvetage en mer. Elles ont exhorté l’Italie à ne pas adopter de loi entérinant la politique des « ports fermés ». Le gouvernement et le Parlement n’en ont pas tenu compte : le décret-loi 53/2019 a été publié en juin et a pris forme de loi sous le numéro 77/2019 en août. Aux termes de ce texte, le non-respect d’une interdiction d’entrée dans les eaux territoriales italiennes était passible d’une amende pouvant aller de 150 000 à un million d’euros pour le capitaine et l’armateur, outre la saisie et la mise en fourrière du navire.

Tout au long de l’année, des ONG menant des opérations de sauvetage de migrant·e·s ont été bloquées en mer sur des périodes prolongées, les personnes qu’elles avaient secourues étant ainsi soumises à des souffrances inutiles avant d’être autorisées à débarquer en Italie. Dans plusieurs cas, les navires ont été saisis, dans le cadre d’une enquête pénale ou pour de prétendues raisons de non-conformité. En juin, la capitaine du Sea Watch 3 a été arrêtée après avoir décidé de passer outre l’interdiction d’entrée et de faire accoster son navire dans le port de Lampedusa. En juillet, la juge dirigeant l’enquête préliminaire l’a remise en liberté, au motif qu’elle avait agi par nécessité et conformément à ses obligations au regard du droit international. Le Sea Watch 3 s’était vu refuser le droit de débarquer pendant plus de deux semaines après avoir secouru plus de 50 personnes.

À la suite du changement de gouvernement intervenu en septembre, l’Italie s’est jointe à un groupe de pays européens qui devaient convenir d’un mécanisme de débarquement « prévisible » en vue d’éviter le blocage en mer de navires de sauvetage alors que des personnes rescapées se trouvent à bord. Ce mécanisme n’avait pas encore été défini à la fin de l’année. Cependant, à partir du mois de septembre, les problèmes de débarquement étaient résolus plus rapidement et les propositions de relocalisation émanant d’autres pays européens étaient plus nombreuses.

En mars, le Sénat s’est prononcé contre la levée de l’immunité parlementaire du ministre de l’Intérieur de l’époque, bloquant ainsi toutes poursuites pénales à son encontre pour séquestration dans l’affaire du Diciotti, un navire des gardes-côtes italiens dont il avait retardé le débarquement en août 2018. Une enquête similaire a été ouverte à l’encontre de ce même ancien ministre en juillet pour le débarquement retardé du Gregoretti, un autre navire des gardes-côtes.

COOPÉRATION AVEC LA LIBYE POUR CONTRÔLER L’IMMIGRATION

Le nombre de traversées clandestines a poursuivi sa baisse amorcée en août 2017, du fait principalement de la coopération avec la Libye, destinée à décourager les départs. À la fin de l’année, 11 471 personnes en situation irrégulière avaient atteint l’Italie par la mer. Selon les estimations, 744 personnes seraient mortes ou auraient disparu en Méditerranée centrale. En outre, quelque 9 225 personnes auraient été interceptées en mer par les autorités libyennes et renvoyées en Libye, où elles ont pour la plupart été détenues arbitrairement dans des conditions inhumaines.

En dépit de l’intensification du conflit et des atteintes généralisées aux droits humains subies par les personnes réfugiées ou migrantes en Libye, l’Italie a continué de prêter un appui aux autorités maritimes libyennes, notamment, semble-t-il, en leur faisant don de 10 nouveaux hors-bords en novembre et en formant les équipages. Elle a également, cette année encore, aidé les autorités libyennes à coordonner les interceptions en mer, y compris en stationnant en permanence l’un des navires de la marine italienne à Tripoli.

En mars, les pays de l’Union européenne sont convenus de revoir à la baisse l’opération navale Sophia, sous commandement italien : ils ont décidé de retirer leurs navires de la Méditerranée centrale et de poursuivre la mission uniquement par une surveillance aérienne, cruciale pour informer les autorités libyennes de la position des embarcations à bord desquelles se trouvaient des personnes réfugiées ou migrantes.

En septembre sont apparus des éléments indiquant qu’un garde-côte libyen, soupçonné d’être également un passeur, avait fait partie d’une délégation officielle envoyée en Italie par la Libye en mai 2017 pour débattre de questions liées aux migrations.

En novembre, le protocole d’accord Italie-Libye définissant les conditions de la coopération entre les deux pays en matière de flux migratoires a été prolongé automatiquement de trois ans, à compter de février 2020. Sous la pression de député·e·s soucieux des conséquences de cet accord sur les droits humains, le gouvernement italien s’est engagé à le modifier mais ne l’avait pas encore fait à la fin de l’année.

La coopération avec la Libye a été au centre de plusieurs décisions de justice prises au cours de l’année, certaines favorables au gouvernement et d’autres non. Un tribunal de première instance du Latium a statué que l’utilisation par l’Italie de fonds d’assistance pour fournir des hors-bords à la Libye n’enfreignait pas le droit administratif italien. En revanche, une autre juridiction, siégeant à Rome, a estimé que 14 personnes demandeuses d’asile originaires d’Érythrée, renvoyées illégalement en Libye par la marine italienne en 2009, avaient le droit d’obtenir réparation et d’entrer en Italie pour y demander l’asile.

Par ailleurs, la coopération avec la Libye a fait l’objet de deux plaintes au niveau international.

En juin, la Cour européenne des droits de l’homme a ouvert le dossier S. S. et autres c. Italie. Elle avait été saisie par des personnes dont l’embarcation avait été interceptée par les gardes-côtes libyens en 2017 ; ces personnes estimaient que la coopération de l’Italie avec la Libye avait joué un rôle central dans cette opération et allait à l’encontre des obligations de l’Italie dans le domaine des droits humains.

En décembre, un Sud-Soudanais de 20 ans a déposé une plainte contre l’Italie devant le Comité des droits de l’homme [ONU]. Il faisait partie d’un groupe de 93 personnes secourues en mer par le navire marchand Nivin en 2018, puis débarquées en Libye et soumises à des violences dans ce pays. La plainte contestait la légalité de la pratique des autorités italiennes consistant à transférer aux autorités libyennes la coordination des opérations de sauvetage.

DROITS EN MATIÈRE DE LOGEMENT ET EXPULSIONS FORCÉES

Les autorités ont continué à bafouer le droit des Roms à un logement convenable, et ce, de multiples manières. Des milliers de Roms vivaient toujours dans des camps réservés, généralement dans des logements médiocres. Il était particulièrement difficile pour des Roms de bénéficier de logements sociaux.

En mai, un groupe de quelque 450 personnes, dont environ 150 mineurs, des femmes enceintes et des personnes âgées, qui vivait dans un campement situé dans la municipalité de Giugliano (près de Naples), en Campanie, s’est retrouvé à la rue après avoir été expulsé de force par les autorités. Les pouvoirs publics ne lui ont pas proposé de solution de relogement ni de plan d’accueil d’urgence.

En juillet, le Comité européen des droits sociaux a déclaré recevable une réclamation déposée par Amnesty International contre l’Italie pour violations du droit des Roms à un logement convenable, et a demandé à ce pays de prendre des mesures immédiates pour éliminer le risque de dommages graves et irréparables causés aux personnes à la suite d’une expulsion.

TORTURE ET AUTRES MAUVAIS TRAITEMENTS

Cette année encore, des mauvais traitements en détention ont été signalés.
En septembre, 15 surveillants pénitentiaires ont fait l’objet d’une enquête pour plusieurs infractions, notamment pour actes de torture aggravés, à la suite de l’agression d’un détenu à la prison de San Gimignano (province de Sienne) en 2018. Quatre des surveillants ont été suspendus par le juge de l’enquête préliminaire. Une semaine après l’annonce de l’enquête, le ministre de l’Intérieur de l’époque s’est rendu à la prison et a apparemment exprimé son soutien inconditionnel aux mis en cause, discréditant ainsi les efforts déployés par le pouvoir judiciaire et l’administration pénitentiaire pour que les auteurs présumés de graves violations des droits humains répondent de leurs actes. L’enquête n’était pas terminée à la fin de l’année.

MORT EN DÉTENTION

En novembre, à l’issue de 10 ans de bataille judiciaire, deux policiers ont été déclarés coupables d’homicide involontaire pour la mort en détention de Stefano Cucchi, en 2009. Ils ont été condamnés à 12 années d’emprisonnement pour coups et blessures ayant entraîné la mort sans intention de la donner. Un troisième policier a été acquitté du chef d’homicide ; il a été condamné, ainsi qu’un quatrième policier, à une peine d’emprisonnement pour fausses déclarations.

COMMERCE DES ARMES

En juillet, sous l’effet d’une campagne de la société civile dénonçant les violations des droits humains commises dans le contexte du conflit au Yémen, l’État italien a mis fin aux ventes et aux transferts de bombes et de missiles aériens à l’Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis.

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