Des militants politiques et des membres de la société civile, dont des défenseurs des droits humains, ont cette année encore été victimes d’actes d’intimidation, de harcèlement et de détention arbitraire. Les droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique ont fait l’objet de restrictions, en particulier dans le contexte de la pandémie de COVID-19. Faute de matériel adapté dans les établissements de santé, le droit à la santé n’a pas été pleinement réalisé. Les populations autochtones étaient toujours en butte à des discriminations, auxquelles venaient s’ajouter pour les femmes des niveaux élevés de violence liée au genre.
Contexte de la situation des droits humains au Congo
Le président Denis Sassou-Nguesso a de nouveau été désigné candidat à l’élection présidentielle de 2021 par le parti au pouvoir. Il était à la tête du Congo depuis 1997 et avait également été président entre 1979 et 1992.
Le 30 mars, le gouvernement a décrété l’état d’urgence, qui s’est accompagné de mesures destinées à lutter contre la pandémie de COVID-19, dont l’instauration de couvre-feux, la fermeture des frontières et le port obligatoire du masque. À la fin de l’année, un couvre-feu demeurait en vigueur dans la capitale, Brazzaville, et à Pointe-Noire, de 23 heures à cinq heures les jours ouvrés et de 20 heures à cinq heures le week-end.
En raison de la baisse des revenus pétroliers pendant la pandémie, les autorités ont sollicité une aide économique d’urgence auprès du Fonds monétaire international (FMI), en dépit de leur incapacité à mettre en œuvre les conditions d’obtention d’un prêt négocié avec cette même organisation financière en 2019, pour un montant de plus de 400 millions de dollars des États-Unis.
Détention arbitraire
Des opposants politiques, des défenseurs des droits humains et des militants ont été intimidés, harcelés et détenus arbitrairement.
En mars, Hallel Bouesse, membre de Ras-le-bol, un mouvement en faveur de la démocratie, a été arrêté à l’aéroport international Maya-Maya, à Brazzaville, la capitale congolaise, alors qu’il était sur le point d’embarquer pour le Sénégal afin de participer à une formation. Après avoir été interrogé par des agents de sûreté aéroportuaire sur les motifs de son voyage, il a été conduit à la Direction générale de la surveillance du territoire, où il a de nouveau subi un interrogatoire au sujet de son voyage, et de ses liens avec le mouvement Ras-le-bol ainsi qu’avec l’Observatoire congolais des droits de l’homme. Il a été remis en liberté le jour même sans avoir été inculpé. Son passeport lui a été confisqué pendant deux jours.
En juin, le ministère public a fait appel de la décision rendue en mars par le tribunal de grande instance de Brazzaville en faveur de la libération à titre provisoire de Parfait Mabiala Hojeij, Franck Donald Saboukoulou, Guil Ossebi Miangué et Rolf Meldry Dissavouloud, tous sympathisants du mouvement d’opposition Incarner l’espoir, dont le chef avait annoncé en juin 2019 sa candidature à l’élection présidentielle de 2021. Le ministère public avait toutefois dépassé le délai autorisé pour interjeter appel d’une décision au titre de l’article 171 du Code de procédure pénale, à savoir 24 heures à compter du jour de ladite décision. Les quatre hommes avaient été arrêtés entre novembre et décembre 2019, et inculpés d’atteinte à la sûreté de l’État. Ils ont été maintenus en détention arbitraire à Brazzaville jusqu’au 4 décembre, date à laquelle la Cour d’appel de Brazzaville a statué que l’appel du ministère public était irrecevable et que les quatre hommes devaient être libérés dans l’attente de leur procès.
En juillet, Jean-Marie Michel Mokoko (73 ans) a été envoyé pendant un mois en Turquie pour y être soigné à la suite d’une détérioration de son état de santé dans la prison de Brazzaville. Incarcéré en juin 2016 après s’être présenté cette même année à l’élection présidentielle, il était maintenu en détention depuis lors. En 2018, il a été condamné à une peine de 20 ans de réclusion après avoir été déclaré coupable d’« atteinte à la sûreté de l’État » et de « détention illégale d’armes et de munitions de guerre ». Toujours en 2018, le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire avait jugé que cet homme était détenu arbitrairement.
Liberté d’expression et de réunion
Les droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique ont été mis à mal dans le contexte de l’action engagée par les autorités face à la pandémie de COVID-19.
Rocil Otouna, présentateur du journal sur la chaîne publique nationale Télé Congo, a été informé par son supérieur qu’il avait été suspendu de son poste après avoir animé un débat consacré au discours du président sur la pandémie de COVID-19, le 30 avril. Pendant ce débat, il a interrogé le ministre de la Justice et un médecin, membre du comité d’experts au sein du Comité technique national de riposte à la pandémie de coronavirus, au sujet de l’absence de données chiffrées sur les personnes infectées ou rétablies, ainsi que des conséquences sociales des restrictions mises en place par le gouvernement. Selon Reporters sans frontières, le ministère de la Communication et des Médias a nié le 3 mai que le présentateur ait été suspendu. Parallèlement à cette affaire, Rocil Otouna a été relevé de ses fonctions d’attaché de presse auprès de ce ministère. Le 12 mai, le Conseil supérieur de la liberté de communication, l’autorité de régulation des médias, a confirmé la suspension du présentateur de la chaîne Télé Congo et demandé l’annulation de cette décision.
En juillet, le secrétaire général du département de Brazzaville a interdit une manifestation organisée en faveur de l’évacuation sanitaire de Jean-Marie Michel Mokoko à l’étranger, affirmant avoir pris cette mesure pour limiter les risques associés au COVID-19.
Droit à la santé
Les établissements de santé prodiguant des soins essentiels n’étaient pas correctement équipés, ce qui a empêché les Congolais·e·s de jouir pleinement de leur droit à la santé.
Personnel soignant
Les soignant·e·s se sont plaints du manque d’équipements de protection individuelle mis à leur disposition pour les protéger du COVID-19.
En janvier, des syndicats ont dénoncé la situation régnant au Centre hospitalier universitaire de Brazzaville, et notamment les coupures d’eau, la fermeture de certains services spécialisés, les salles non stériles, les armoires vides de la pharmacie et le matériel d’imagerie médicale en panne.
Le 3 avril, au début de la pandémie, une section syndicale représentant le personnel de l’hôpital Édith Lucie Bongo Ondimba, à Oyo, a envoyé un cahier de réclamations au sous-préfet de la ville. Y étaient principalement déplorés le fait que le bloc opératoire d’urgence soit hors d’usage et le matériel d’imagerie médicale en panne, ainsi que le manque de produits pharmaceutiques et de bouteilles d’oxygène. Le personnel soignant réclamait également le paiement d’une partie de ses arriérés de salaire.
Le 30 juillet, réunis à l’occasion d’une assemblée générale extraordinaire à l’hôpital Adolphe Sicé, à Pointe-Noire, des soignant·e·s ont dénoncé le matériel technique inadapté et obsolète de l’établissement, et se sont dits inquiets des pénuries d’équipements de protection individuelle, qui accroissaient le risque de contamination par le coronavirus pour eux-mêmes et pour leurs patient·e·s. Ils ont également tiré la sonnette d’alarme au sujet de la hausse des cas positifs parmi le personnel hospitalier (plus d’une dizaine de personnes lors de la tenue de l’assemblée générale) et des capacités réduites pour soigner les patient·e·s. Ils se sont plaints de ne pas avoir été payés depuis huit mois et ont réclamé le versement de trois mois d’arriérés de salaire.
En septembre, le personnel soignant en charge des patients COVID-19 à la clinique municipale Albert Leyono, à Brazzaville, a demandé au président d’assumer la responsabilité de la santé des travailleuses et travailleurs en première ligne. D’après les médias, la clinique était privée de blanchisserie depuis six mois, ce qui signifiait qu’il n’était pas possible de garantir des normes d’hygiène satisfaisantes.
Droits des peuples autochtones
Selon le rapport de la rapporteuse spéciale sur les droits des peuples autochtones [ONU] publié en juillet, en dépit de lois progressistes adoptées ces dernières années, et notamment en 2011 d’un texte visant à promouvoir les droits des peuples autochtones, des communautés continuaient de subir de fortes discriminations dans les zones rurales comme urbaines, et le processus de délimitation des terres et de distribution des titres fonciers n’avait pas progressé. L’analphabétisme restait très répandu, et l’accès à la justice et à un emploi assorti d’un salaire décent laissait toujours particulièrement à désirer. Les femmes autochtones indiquaient avoir un accès limité aux soins de santé sexuelle et reproductive. Elles étaient victimes de violences liées au genre, dont le viol et le mariage précoce, affichaient des taux élevés de mortalité maternelle et infantile, et souffraient d’insécurité alimentaire.