Côte d’Ivoire - Rapport annuel 2020

carte Côte d'Ivoire rapport annuel amnesty

République de Côte d’Ivoire
Chef de l’État : Alassane Dramane Ouattara
Chef du gouvernement : Hamed Bakayoko (a remplacé Amadou Gon Coulibaly en juillet)

Des militant·e·s politiques, des représentant·e·s de la société civile, des journalistes et d’autres dissident·e·s ont été arrêtés arbitrairement. Les autorités ont interdit les manifestations publiques. Des dizaines de personnes ont été tuées et des centaines d’autres ont été blessées lors de manifestations et d’affrontements dans le contexte de l’élection présidentielle, qui a suscité des contestations. Des violations des droits humains commises par le passé demeuraient impunies.

Contexte de la situation des droits humains en Côte d’Ivoire

Le 6 août, le président Alassane Ouattara a annoncé qu’il briguerait un nouveau mandat. En septembre, le Conseil constitutionnel a accepté sa candidature mais a rejeté celles de 40 autres personnes, dont l’ancien président Laurent Gbagbo et l’ancien Premier ministre Guillaume Soro, notamment parce que ceux-ci n’étaient pas inscrits sur les listes électorales. En avril, Guillaume Soro a été condamné par contumace à 20 ans de réclusion pour fraude.

Plusieurs partis d’opposition ont boycotté l’élection présidentielle du 31 octobre et appelé à la désobéissance civile, au motif que la Constitution de 2016 n’autorisait pas le président en exercice à briguer un troisième mandat. Alassane Ouattara a néanmoins été réélu. Le 2 novembre, l’opposition a annoncé la création de son Conseil national de transition, dont l’objectif était d’établir un gouvernement de transition. Des dizaines de membres de l’opposition ont été arrêtés, dont le candidat à l’élection présidentielle Pascal Affi N’Guessan, inculpé notamment de complot contre l’autorité de l’État. Celui-ci a été libéré et placé sous contrôle judiciaire le 30 décembre.

Liberté d’expression

Des militant·e·s politiques, des journalistes et d’autres dissident·e·s ont été harcelés et arrêtés arbitrairement.

Selon Reporters sans frontières, Yacouba Gbané et Barthélémy Téhin, du journal Le Temps, ont été condamnés le 4 mars à une amende de cinq millions de francs CFA (9 200 dollars des États-Unis) pour avoir publié un article qui critiquait la manière dont les autorités géraient les affaires publiques. Le 31 mars, Vamara Coulibaly et Paul Koffi, des journaux Soir info et Nouveau Réveil respectivement, ont été condamnés à une amende de 2,5 millions de francs CFA (4 600 dollars des États-Unis), pour « diffusion de fausses nouvelles » ; ils avaient publié une lettre des avocat·e·s du parlementaire Alain Lobognon au sujet des rudes conditions de détention de leur client.

En août, des militant·e·s politiques, des représentant·e·s de la société civile et d’autres personnes ayant appelé à manifester ou participé à des manifestations pacifiques contre la candidature du président de la République ont été arrêtés arbitrairement. Pulchérie Edith Gbalet, coordonnatrice de l’ONG en faveur de la démocratie Alternatives citoyennes, a été arrêtée dans un hôtel d’Abidjan avec deux de ses collaborateurs. Tous trois ont été inculpés de troubles à l’ordre public et de participation à un mouvement insurrectionnel, entre autres. Cinq femmes membres du parti d’opposition Générations et peuples solidaires (GPS) ont également été arrêtées alors qu’elles se rendaient à une manifestation pacifique. Elles étaient toutes détenues à la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (MACA) à la fin de l’année.

Plusieurs personnalités de l’opposition ont été assignées à résidence de fait en novembre, après avoir créé le Conseil national de transition.

Le 3 décembre, deux chanteurs connus sous le nom de Yodé et Siro ont été déclarés coupables de diffusion d’informations mensongères à relent tribaliste et raciste dans l’intention de soulever une communauté contre une autre, outrage à magistrat, et discrédit de l’institution judiciaire et de son fonctionnement. Lors d’un concert, ils avaient remis en cause l’impartialité du procureur de la République dans l’enquête sur les violences commises dans le contexte des élections et appelé au retour des opposants politiques dans le pays. Ils ont été condamnés à une amende de cinq millions de francs CFA (9 200 dollars des États-Unis) et à une peine d’un an d’emprisonnement avec sursis.

Liberté de réunion

En août, plusieurs manifestations organisées par l’opposition ont été réprimées.

Le 13 août, dans le quartier de Yopougon, à Abidjan, la police a semble-t-il laissé des groupes d’hommes, dont certains étaient armés de machettes et de bâtons, agresser des manifestant·e·s.

Le ministre de la Sécurité et de la Protection civile a déclaré que, entre le 10 et le 14 août, cinq personnes étaient mortes, 104 avaient été blessées et 68 avaient été arrêtées pour « troubles à l’ordre public, incitation à la révolte, violence sur les forces de l’ordre et destruction de biens d’autrui » lors de manifestations.

Le 19 août, le Conseil des ministres a suspendu toutes les manifestations publiques. Cette interdiction a été renouvelée à plusieurs reprises jusqu’au 15 décembre. Cependant, les meetings électoraux ont été autorisés.

Des femmes ont défilé le 21 août en dépit de l’interdiction, mais elles ont été dispersées violemment par des jeunes qui participaient à des contre-manifestations dans les villes de Divo et de Bonoua, respectivement dans le sud et le sud-est du pays.

Homicides illégaux

En août, de violents affrontements ont opposé des sympathisant·e·s du parti au pouvoir et des partisan·e·s de l’opposition. Selon les chiffres officiels, 85 personnes sont mortes et 484 ont été blessées lors de ces échauffourées, avant, pendant et après l’élection tenue fin octobre.

Entre le 21 et le 22 août, des violences ont éclaté à Divo et Bonoua entre des sympathisant·e·s d’Alassane Ouattara et de partis d’opposition après la dispersion des défilés de femmes (voir Liberté de réunion). Sept personnes ont été tuées et des biens ont été détruits. Entre le 19 et le 21 octobre, au moins 16 personnes ont trouvé la mort et des dizaines d’autres ont été blessées à Dabou, selon le ministre de la Sécurité et de la Protection civile. Au cours des 10 jours qui ont suivi l’élection du 31 octobre, le Conseil national des droits de l’homme a dénombré 55 morts et 282 blessés, ainsi que des milliers de personnes déplacées du fait des violences, notamment dans les localités de Yamoussoukro, Téhiri, Tiébissou, Bongouanou, Daoukro et Toumodi.

Torture et autres mauvais traitements

François Ebiba Yapo, cybermilitant également connu sous le nom de Serge Koffi, dit « le drone », a déclaré avoir été torturé aux mains de l’Unité de lutte contre le grand banditisme (ULGB) entre le 7 et le 11 mai. Il a déclaré que des agents lui avaient donné des coups de machette sur la plante des pieds et dans le dos, et des coups de poing et de pied au visage et au ventre. En raison de ses publications sur les réseaux sociaux, il a été inculpé, entre autres, d’atteinte à la défense nationale, troubles à l’ordre public, diffamation et outrage sur les réseaux sociaux. Ses allégations de torture n’ont donné lieu à aucune enquête.

Droit à la santé

Le 29 mars, la Plateforme des syndicats de la santé a appelé les pouvoirs publics à prendre des mesures de toute urgence pour protéger le personnel soignant du coronavirus. Elle a déclaré qu’il n’y avait pas suffisamment de matériel médical et a exhorté les autorités à fournir des équipements de protection individuelle et du matériel de stérilisation. En avril, l’État a commencé à recevoir des dons de matériel médical d’entités privées et publiques, y compris de l’OMS. Le 8 avril, les autorités ont libéré plus de 2 000 prisonnières et prisonniers afin de décongestionner les centres de détention et, partant, de limiter la propagation du COVID-19 dans ces établissements.

Droit à la vérité, à la justice et à des réparations

En avril, l’État a retiré la possibilité aux personnes physiques et aux ONG de saisir directement la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples. Une semaine plus tôt, la Cour avait statué que le mandat d’arrêt décerné par la justice ivoirienne à l’encontre de Guillaume Soro devait être suspendu et avait demandé aux autorités de libérer à titre provisoire 19 membres de la famille et sympathisants de cet homme qui étaient détenus depuis décembre 2019.

Il n’avait pas encore été statué sur l’appel formé contre l’acquittement par la CPI, en 2019, de Laurent Gbagbo et de l’ancien ministre Charles Blé Goudé.

La Cour suprême n’avait pas encore statué sur la requête présentée en 2019 par des organisations de défense des droits humains demandant l’abrogation d’une loi d’amnistie adoptée en 2018, dont avaient bénéficié des centaines de personnes accusées ou reconnues coupables d’infractions commises en 2010 et 2011.

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