Des groupes armés ont continué de commettre des crimes de guerre et d’autres atteintes aux droits humains. Les violences sexuelles demeuraient courantes. La justice a fait des progrès importants mais limités en termes de lutte contre l’impunité pour les crimes de droit international. Le droit à la santé était fortement restreint. Des entreprises étrangères étaient responsables de dégradations de l’environnement qui touchaient les terres et l’eau utilisées par la population locale.
Contexte de la situation des droits humains en République centrafricaine
Même après l’Accord de paix de Khartoum, conclu entre l’État et 14 groupes armés en février 2019, la situation en matière de sécurité est demeurée précaire. Des groupes armés, notamment des groupes issus de la Séléka et les anti-balaka, contrôlaient toujours la majeure partie du territoire. En juillet, le Conseil de sécurité de l’ONU a prolongé d’un an son embargo sur les armes à destination du pays. Le mandat de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA) a également été reconduit pour une année en novembre.
Le 3 décembre, la Cour constitutionnelle a rejeté plusieurs candidatures à l’élection présidentielle du 27 décembre, dont celle de l’ancien président François Bozizé. Plusieurs groupes armés ont formé le 17 décembre la Coalition des patriotes pour le changement en vue de s’opposer à l’élection présidentielle ; ils ont lancé plusieurs attaques dans l’ouest et le sud du pays.
Exactions perpétrées par des groupes armés
Des groupes armés se sont rendus coupables de crimes de guerre et d’autres atteintes aux droits humains, dont des homicides et des violences sexuelles contre la population civile, ainsi que des attaques visant des travailleuses et travailleurs humanitaires. Les principaux auteurs de ces exactions étaient notamment le Front populaire pour la renaissance de la Centrafrique (FPRC), le Mouvement patriotique pour la Centrafrique (MPC), Retour, réclamation et réhabilitation (3R), l’Unité pour la paix en Centrafrique (UPC) et les anti-balaka.
Selon le Conseil de sécurité de l’ONU, 18 civils ont été tués à Ndélé, dans le nord-est du pays, lors d’une attaque menée par des groupes armés en mars. Le secrétaire général de l’ONU a signalé que 271 cas d’atteintes aux droits humains, notamment des homicides, des viols et des pillages, avaient été recensés entre juin et octobre. Au cours de la même période, les Nations unies ont enregistré 60 cas de violences sexuelles commises dans le contexte du conflit, dont 55 viols ou tentatives de viol – l’une de ces agressions ayant entraîné la mort de la victime –, quatre mariages forcés et un cas d’esclavage sexuel. Le pays demeurait l’un des plus dangereux pour le personnel des organisations humanitaires. Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires [ONU] a dénombré 424 attaques contre des travailleuses et travailleurs humanitaires et leurs installations, principalement des vols simples ou qualifiés et des menaces, dont 59 en décembre. Trois employé·e·s d’organisations humanitaires ont été tués et 29 blessés. Des travailleuses et travailleurs humanitaires ont été enlevés et les barrages routiers dressés par des groupes armés empêchaient fréquemment l’acheminement de l’aide.
Selon un rapport présenté en juin par le Groupe d’experts sur la République centrafricaine [ONU], des groupes armés continuaient de tirer profit de l’essor de la production aurifère. Dans les préfectures de la Nana-Mambéré et de la Mambéré-Kadéï, par exemple, le groupe armé 3R prélevait des taxes auprès des mineurs. Par ailleurs, le Groupe d’experts s’est dit préoccupé par les signalements indiquant que des réseaux de trafic international finançaient et approvisionnaient des groupes armés.
Droit à la vérité, à la justice et à des réparations
L’impunité demeurait la règle pour les crimes de droit international. Plusieurs dirigeants de groupes armés occupaient des fonctions au sein du gouvernement alors même que leurs groupes commettaient des atteintes aux droits humains.
En février, la cour criminelle de Bangui a déclaré cinq dirigeants des anti-balaka coupables de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité dans l’affaire de l’attaque perpétrée à Bangassou en 2017, qui avait entraîné la mort d’au moins 62 personnes parmi la population civile et de 10 soldats de maintien de la paix de l’ONU. Il s’agissait de la première condamnation pour des crimes de droit international depuis le début du conflit. Cependant, de graves inquiétudes ont vu le jour pendant le procès quant au droit des accusés à un procès équitable et quant à la protection des victimes et des témoins. Le travail des juridictions pénales a été entravé à partir du mois de mars, la pandémie de COVID-19 ayant empêché la tenue des audiences jusqu’à la fin de l’année.
La Cour pénale spéciale (CPS), une juridiction hybride soutenue par les Nations unies et chargée des enquêtes et des poursuites concernant les crimes de droit international et les autres graves atteintes aux droits humains perpétrés dans le pays depuis 2003, a confirmé en septembre que 10 affaires étaient en cours d’investigation. Au moins 21 personnes ont été arrêtées dans le cadre d’enquêtes en 2019 et 2020 et se trouvaient en détention provisoire à la fin de l’année 2020. Toutefois, les procédures ont manqué de transparence et l’identité des personnes arrêtées n’a pas été révélée publiquement. En outre, le recrutement des juges internationaux et la mise en place du système d’assistance judiciaire de la CPS ont accusé un certain retard.
Alfred Yekatom et Patrice-Édouard Ngaïssona, deux dirigeants des anti-balaka, étaient toujours dans l’attente de leur procès, qui devait s’ouvrir devant la CPI en février 2021. Arrêtés pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité, ils avaient été transférés à La Haye en 2018 et 2019, respectivement.
Violences fondées sur le genre
Entre avril et juin, le Système de gestion des informations sur la violence basée sur le genre (IMSVBG) a enregistré 2 904 cas de violences fondées sur le genre, dont 668 cas de violences sexuelles, contre 1 299 cas au total entre janvier et mars. Dans 92 % des cas, la victime était une femme ou une fille ; 52 % des agressions avaient lieu au domicile de la victime et, dans 63 % des affaires, la victime connaissait son ou ses agresseur(s). Cependant, certaines victimes ne signalaient pas les faits de crainte des représailles ou de la réprobation sociale.
En avril, le Comité des droits de l’homme [ONU] a publié ses observations finales sur le troisième rapport périodique de la République centrafricaine. Il y a fait part de ses inquiétudes quant à plusieurs dispositions du Code pénal, notamment l’article 105, « au titre duquel l’auteur d’un enlèvement peut épouser sa victime, la privant d’un droit de recours contre lui ». Il a recommandé que les pouvoirs publics abrogent cet article et adoptent une loi générale de lutte contre la discrimination.
Droit à la santé
Selon l’OMS, 70 % des services de santé étaient assurés par des organisations humanitaires, et le pays était l’un des moins bien préparés pour faire face à la pandémie de COVID-19. En octobre, l’organisation a indiqué que les équipements de protection individuelle fournis au personnel soignant représentaient moins d’un tiers des besoins estimés et qu’il n’y avait que deux respirateurs disponibles dans tout le pays. En outre, il n’existait que quatre centres affectés au traitement des malades atteints du coronavirus, qui se trouvaient tous à Bangui, la capitale. Dans le reste du pays, sept centres s’occupaient des cas plus légers et disposaient de lieux de mise en quarantaine.
Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires, 2,6 millions de personnes – soit plus de la moitié de la population – avaient besoin d’une aide et d’une protection humanitaires, notamment les 660 000 personnes déplacées du fait des violences (recensement au 31 juillet). Les enfants étaient les premières victimes de la situation humanitaire désastreuse. Un enfant sur 18 présentait un risque élevé de mourir de malnutrition aiguë sévère, et un sur 10 seulement disposait d’installations sanitaires ; les deux tiers de la population n’avaient pas accès à l’eau potable.
Dégradations de l’environnement
En avril, sept personnes sont mortes en une semaine aux environs de Bozoum à cause, semble-t-il, des dommages environnementaux considérables causés par quatre entreprises qui ont abandonné, fin avril, les mines d’or qu’elles exploitaient.
En 2018, ces entreprises avaient abattu des arbres, dévié le cours de l’Ouham et creusé son lit, laissant un champ de ruines. L’analyse d’échantillons d’eau a mis en évidence la présence de mercure en quantité largement supérieure aux normes internationales de sécurité sanitaire. La population locale a signalé que l’eau de la rivière était insalubre et que les stocks de poisson avaient diminué. Les villageois·e·s de Boyélé devaient parcourir 10 kilomètres pour trouver de l’eau potable. Selon des habitant·e·s de la zone, des éruptions cutanées se sont déclarées chez certaines personnes. Par ailleurs, il a été signalé que le taux de fausses couches était particulièrement élevé et que plusieurs bébés étaient nés avec des malformations physiques.
La population locale a affirmé qu’elle n’avait pas été consultée au sujet du projet minier et qu’aucune étude sur l’impact environnemental et social de ce projet n’avait été réalisée avant le début des opérations d’excavation, en violation de l’article 34 du Code de l’environnement. Il n’existait aucun mécanisme permettant aux habitant·e·s de demander une indemnisation pour les terres que les entreprises s’étaient appropriées.