Les forces de sécurité ont fait usage d’une force excessive contre des manifestant·e·s. Des dispositions de la Loi relative à l’ordre public invoquées pour ériger en infraction la liberté d’expression ont été abrogées. L’interdiction faite aux jeunes filles enceintes d’aller à l’école et de passer des examens a été levée. La discrimination visant les femmes et les personnes LGBTI était toujours une réalité, et les violences sexuelles infligées aux femmes et aux filles demeuraient très répandues. Le personnel soignant et les personnes en détention risquaient tout particulièrement de contracter le COVID-19.
Contexte de la situation des droits humains en Sierra Leone
Les tensions politiques entre le Parti du peuple de Sierra Leone (SLPP), au pouvoir, et le Congrès du peuple réuni (APC), principal parti d’opposition, ont persisté. Les mesures prises pour combattre la pandémie de COVID-19 ont donné lieu à des violations des droits économiques, sociaux, civils et politiques.
Liberté d’expression
En mai, Sylvia Blyden, rédactrice en chef du Awareness Times et membre de premier plan de l’APC, a été arrêtée et inculpée, entre autres, de diffamation séditieuse, de collusion en vue d’égarer la justice et de publication de fausses informations après avoir fait état sur les réseaux sociaux de mauvais traitements qu’aurait subis l’ex-ministre de la Défense, Alfred Paolo Conteh, en détention. Un tribunal de première instance et la Haute Cour ont été saisis de l’affaire, les mêmes chefs d’inculpation ayant été invoqués devant les deux juridictions. En juillet, la Haute Cour a prononcé un non-lieu, faute d’éléments à charge suffisants.
En juillet, le Parlement a abrogé la partie V de la Loi de 1965 relative à l’ordre public, qui permettait d’engager des poursuites pour diffamation et sédition contre des personnes qui avaient exercé leur droit à la liberté d’expression. Par conséquent, toutes les charges invoquées contre Sylvia Blyden devant le tribunal de première instance ont été abandonnées en novembre.
Le 9 décembre, 17 défenseur·e·s de l’environnement et militant·e·s du droit à la terre, membres de l’Association des propriétaires et utilisateurs de terres lésés de Malen (MALOA), ont été déclarés non coupables à l’issue d’un long procès. Ils avaient été arrêtés début 2019 après une manifestation pour le respect de leur droit à la terre.
Recours excessif à la force
Le maintien de l’ordre public par les forces de sécurité continuait de susciter des préoccupations.
En avril, pendant le confinement décrété pour endiguer la propagation de la maladie COVID-19, les réseaux sociaux ont relayé de nombreuses accusations de violences policières, à l’encontre en particulier de personnes sorties pour se procurer des produits de première nécessité, tels que de la nourriture et de l’eau.
D’après le rapport du centre correctionnel de Freetown publié en juillet, 30 détenus et un agent pénitentiaire ont été tués, et plusieurs dizaines d’autres blessés, lors d’une émeute qui a éclaté le 29 avril dans la prison de Pademba Road, située à Freetown, la capitale sierra-léonaise. Les prisonniers dénonçaient la surpopulation carcérale et les restrictions imposées en lien avec la pandémie. Le rapport a conclu que l’armée avait fait usage d’une force raisonnable pour maîtriser l’émeute, tandis que des ONG ont réclamé une enquête indépendante sur les faits.
Les 17 et 18 juillet, les forces de sécurité ont utilisé une force excessive lors d’une manifestation qui avait lieu à Makeni, dans la province du Nord, et qui a dégénéré. Les manifestant·e·s protestaient contre la décision du gouvernement de déménager une centrale électrique dans une autre ville. D’après les informations communiquées par des ONG, six manifestants ont été tués.
Droits des femmes et des filles
Les violences sexuelles perduraient avec la même intensité. L’ONG Rainbo Initiative a indiqué que plus d’un millier de cas d’agressions sexuelles lui avaient été signalés entre janvier et mai. Les victimes de violences sexuelles avaient toujours difficilement accès à la justice, à des soins de santé, à une assistance juridique et à une prise en charge psychologique. En juillet a été instituée la première juridiction modèle pour les infractions sexuelles, destinée à accélérer le traitement des affaires de violences sexuelles par la justice et à réduire le nombre d’affaires en attente. Un centre unique d’aide aux victimes de violences sexuelles, offrant à la fois des soins médicaux et une aide psychosociale, a été créé.
Le 30 mars, le ministère de l’Éducation primaire et secondaire a annoncé que l’interdiction faite aux jeunes filles enceintes d’aller à l’école et de passer leurs examens était levée, avec effet immédiat. La Cour de justice de la CEDEAO avait rendu en 2019 une décision appelant à mettre fin à cette interdiction.
En décembre, le président a lancé la première Politique en faveur de l’égalité des genres et du renforcement du pouvoir d’action des femmes, notamment pour rétablir l’équilibre entre les genres dans le processus politique.
Droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles, transgenres ou intersexes
Les relations sexuelles consenties entre hommes étaient toujours réprimées pénalement au titre de la Loi relative aux crimes et aux délits contre les personnes, et passibles d’une peine pouvant aller jusqu’à la réclusion à perpétuité. Les personnes LGBTI ont, cette année encore, été victimes de discrimination et de stigmatisation.
Droit à la santé
Droits des soignant·e·s
Le gouvernement s’est engagé en avril à ce que les salaires versés aux soignant·e·s soient en adéquation avec les risques pour leur santé découlant de leur exposition à la maladie à coronavirus 2019. Selon les chiffres communiqués par l’UNICEF, les professionnel·le·s de santé représentaient 10,2 % des cas de contamination au mois de juillet. Le 2 juillet, des médecins ont cessé de soigner les patient·e·s atteints par le coronavirus, au motif qu’ils n’avaient pas reçu d’indemnisation compensatrice ni d’équipements de protection individuelle. Le 28 juillet, le gouvernement a annoncé que les soignant·e·s seraient couverts par un régime d’assurance maladie, et que les familles de celles et ceux décédés des suites de cette maladie percevraient une indemnité financière.
Conditions de détention
Les lieux de détention présentaient une surpopulation chronique, et les risques pour la santé des détenu·e·s ont été exacerbés par la pandémie de COVID-19. Le 27 avril, le président a annoncé que 235 personnes incarcérées sur l’ensemble du territoire seraient graciées afin de désengorger les prisons et de réduire le risque de transmission de la maladie. L’émeute qui a éclaté à la prison de Pademba Road deux jours plus tard a retardé l’application de cette décision mais, le 21 juillet, 153 personnes ont été libérées.
Droit à un procès équitable
Le 19 mars, l’ancien ministre Alfred Paolo Conteh a été arrêté après être entré au siège de la présidence, à Freetown, muni d’une arme à feu. Deux autres hommes ont également été arrêtés. Ils ont été placés en détention à la prison de Pademba Road mais, le 29 avril, à la suite de l’émeute qui y a éclaté, ils ont été transférés dans un lieu inconnu, sans possibilité d’entrer en contact avec leurs avocats pendant plusieurs jours. En juillet, Alfred Paolo Conteh a été acquitté du chef de trahison, mais déclaré coupable de deux chefs de détention d’armes et condamné à 24 mois d’emprisonnement par la Haute Cour à Freetown. Il a fait appel de sa condamnation, mais son recours n’avait pas encore été examiné à la fin de l’année.