Argentine - Rapport annuel 2020

carte Argentine rapport annuel amnesty

République argentine
Chef de l’État et du gouvernement : Alberto Fernández

La pandémie de COVID-19 a exacerbé la crise économique à laquelle le pays était en proie. Les mesures imposées pour enrayer la propagation du virus ont entraîné une hausse des violences liées au genre. Les populations indigènes ont été touchées de manière disproportionnée par la pandémie. Des disparitions forcées et des cas de recours excessif à la force imputables à la police ont été signalés. L’avortement a été dépénalisé et autorisé jusqu’à 14 semaines de grossesse.

Contexte de la situation des droits humains en Argentine

L’Argentine subissait toujours une profonde crise économique et sociale. Selon des chiffres officiels prenant en compte la situation jusqu’au mois de juin, 40,9 % de la population vivait dans la pauvreté et le taux de chômage s’établissait à 13,1 %. Les problèmes liés au remboursement de la dette ont persisté, une autre source de préoccupation étant la protection des droits économiques et sociaux, à laquelle les États étaient tenus, pendant la pandémie et la période de relance.

Afin de ralentir la propagation du COVID-19, les autorités ont pris en mars le décret 297/20 instaurant un confinement national et limitant le droit de circuler librement.

Du fait des sévères restrictions pesant sur les déplacements entre les provinces, des centaines de personnes se sont retrouvées bloquées à la frontière provinciale, sans accès à des mesures d’hygiène et à des soins de santé appropriés et, dans certains cas, sans pouvoir rejoindre les membres de leur famille. En novembre, la Cour suprême a ordonné à la province de Formosa de permettre le retour chez elles de 8 300 personnes soumises depuis huit mois à des mesures restrictives. La décision n’avait pas été pleinement mise à exécution à la fin de l’année.

Le ministère de la Sécurité a adopté un nouveau protocole pour la police prévoyant la possibilité de recourir au renseignement de sources ouvertes pendant l’état d’urgence sanitaire, ce qui a soulevé des inquiétudes concernant une possible surveillance de masse en ligne.

Le personnel de santé et des autres secteurs essentiels a joué un rôle central dans la lutte contre la pandémie de COVID-19. Au 18 décembre, 64 958 professionnel·le·s de santé avaient été contaminés par le virus.

Droits des femmes

La pandémie a mis en relief les inégalités existantes liées au genre, et les a aggravées. Des statistiques ont montré que les activités domestiques et les activités de soin non rémunérées représenteraient 16 % du PIB si elles étaient payées. Les femmes effectuaient plus de 75 % des tâches domestiques et des activités de soin dans le pays.

Violences faites aux femmes et aux filles

Une hausse des violences à l’égard des femmes a été constatée pendant la pandémie ; d’après les chiffres de novembre, les appels aux lignes téléphoniques des services d’urgence et d’assistance avaient depuis le début de l’année augmenté de plus de 18 % en moyenne par rapport à l’année 2019.

Selon des organisations de la société civile qui surveillaient la situation en la matière, 298 féminicides au moins ont été commis en 2020.

Les mesures de confinement ayant entraîné une augmentation des activités en ligne, les femmes ont été la cible d’abus et de violences sur les réseaux sociaux, en particulier lorsqu’elles s’efforçaient de défendre les droits des femmes.

Droits sexuels et reproductifs

En décembre, le Congrès a fait franchir au pays un pas historique en dépénalisant l’avortement, qui a été autorisé jusqu’à 14 semaines de grossesse. Au-delà de ce délai, l’avortement ne pouvait être pratiqué que si la grossesse mettait en danger la vie ou la santé de la personne enceinte ou si elle résultait d’un viol. Le « Plan des mille jours », dont l’objectif était de renforcer la prise en charge sanitaire globale des femmes et des enfants pendant les premières années de leur vie, a été approuvé à l’unanimité par le Sénat en décembre.

Selon des statistiques officielles, un enfant naissait toutes les quatre heures en Argentine d’une mère âgée de moins de 15 ans. La plupart de ces jeunes filles avaient été contraintes de mener à terme une grossesse résultant de violences sexuelles.

Les obstacles à l’accès à l’avortement légal se sont multipliés pendant la pandémie. En outre, des femmes et des adolescentes ont interrompu leur contraception par crainte de s’exposer au COVID-19 dans un établissement de santé.

Droits des peuples autochtones

Alors que le droit des peuples autochtones à disposer de leurs territoires ancestraux était inscrit dans la Constitution, les droits fonciers d’un certain nombre de communautés indigènes n’étaient toujours pas juridiquement reconnus.

Des initiatives d’accaparement de terres ancestrales des populations indigènes ont été menées cette année encore par des particuliers ou des forces étatiques. Des communautés ont été soumises à des violences, à des limitations de leur droit de circuler librement et à des restrictions de l’approvisionnement en nourriture ; elles ont également pâti d’un accès insuffisant à l’eau salubre et de mauvaises conditions d’hygiène et sanitaires.

Des préoccupations ont été soulevées concernant les conséquences de la pandémie de COVID-19 sur les populations indigènes, qui continuaient de rencontrer des difficultés pour bénéficier des prestations sociales.

Le gouvernement fédéral a classé le secteur minier parmi les activités essentielles pendant la pandémie. Les craintes persistaient concernant des projets d’extraction de lithium sur les terres de populations indigènes, qui risquaient d’être menés sans qu’une étude complète des répercussions possibles sur les ressources naturelles n’ait été menée et sans que le consentement libre et éclairé des communautés indigènes concernées n’ait été préalablement recueilli. Les communautés indigènes du salar de Salinas Grandes ont continué de réclamer des informations sur les conséquences que pouvaient avoir les activités minières sur leurs ressources en eau.

Impunité

Les procès engagés devant des tribunaux civils de droit commun pour juger les crimes contre l’humanité perpétrés sous le régime militaire entre 1976 et 1983 se sont poursuivis. Entre 2006 et décembre 2020, 250 jugements ont été rendus, portant à 1 013 le nombre total de condamnations et à 164 celui des acquittements.

Dans l’affaire de l’attentat à la bombe commis en juillet 1994 à Buenos Aires contre le bâtiment de l’Association mutuelle israélite argentine (AMIA), la Commission interaméricaine des droits de l’homme a estimé en septembre que l’État argentin était responsable de violations des droits à la vie et à l’intégrité physique des victimes, et qu’il avait en outre couvert des faits et entraîné ainsi une impunité.

L’enquête sur la disparition et la mort de Santiago Maldonado se poursuivait à la fin de l’année. Le corps de cet homme avait été retrouvé en 2017 dans une rivière du territoire mapuche de la province de Chubut, 78 jours après une intervention des forces de sécurité dans le secteur.

Recours excessif à la force et disparitions forcées

De nombreux cas d’utilisation excessive de la force dans le contexte de l’application des mesures de confinement liées à la pandémie de COVID-19 ont été recensés. Luis Espinoza a été tué par des fonctionnaires de police dans la province de Tucumán en mai ; son corps n’a été découvert qu’une semaine après sa mort.

En mai, les forces de sécurité ont fait irruption avec violence chez des membres de la communauté indigène qom à Fontana, dans la province du Chaco, et ont emmené et placé en détention trois hommes et une jeune fille âgée de 16 ans. Ces personnes ont déclaré avoir subi des tortures et d’autres mauvais traitements – y compris des violences sexuelles en ce qui concerne l’adolescente.

Le corps de Facundo Astudillo Castro a été découvert 107 jours après que la disparition de cet homme, vu pour la dernière fois à un poste de contrôle de la police dans la province de Buenos Aires, eut été signalée, fin avril. L’autopsie a conclu à la mort par asphyxie. Un certain nombre d’éléments, notamment les contradictions apparues dans les récits des fonctionnaires de police, tendaient à indiquer que la police de Buenos Aires était peut-être responsable de la disparition et de la mort de Facundo Astudillo Castro.

L’absence de politique publique institutionnelle en matière de recherche des personnes disparues et d’enquête sur les disparitions forcées était toujours source de préoccupation.

Droits des personnes réfugiées, migrantes ou demandeuses d’asile

Le décret 70/2017, qui a modifié la Loi sur la migration et mis en place des mesures très restrictives concernant les droits des migrant·e·s, est demeuré en vigueur, alors même que plusieurs mécanismes des droits humains l’avaient jugé contraire à la Constitution.

Les personnes migrantes, réfugiées ou demandeuses d’asile rencontraient des obstacles dans leurs démarches pour obtenir un titre de séjour et bénéficier des programmes d’aide sociale. Ne pouvant accéder que de manière limitée au marché du travail légal et à un logement convenable, ces hommes et ces femmes comptaient parmi les personnes les plus durement touchées par la crise du COVID-19. La fermeture des frontières a eu un impact sur la réinstallation des réfugié·e·s dans le cadre du programme argentin de parrainage citoyen baptisé Programa Siria. La réinstallation de neuf familles syriennes qui avaient été acceptées dans le pays a été bloquée, et les nouvelles demandes de parrainage citoyen ont été suspendues.

Lutte contre le changement climatique

L’Argentine a ratifié l’Accord régional sur l’accès à l’information, la participation publique et l’accès à la justice à propos des questions environnementales en Amérique latine et dans les Caraïbes (Accord d’Escazú).

Plus de 120 000 hectares de forêt, dans 11 provinces, ont été touchés par des feux liés dans de nombreux cas à la déforestation.

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