Corée du Nord - Rapport annuel 2020

carte Corée du Nord rapport annuel amnesty

République populaire démocratique de Corée
Chef de l’État : Kim Jong-un
Chef du gouvernement : Kim Tok-hun (a remplacé Kim Jae-ryong en août)

En réaction à la pandémie de COVID-19, les autorités ont restreint encore plus sévèrement le droit de circuler librement et la liberté d’expression. Une part importante de la population souffrait de pénuries alimentaires et d’un manque de soins médicaux. Le gouvernement refusait toujours d’autoriser la venue du rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits de l’homme en République populaire démocratique de Corée. De nombreux cas de détentions arbitraires et de violences liées au genre ont été signalés.

Contexte de la situation des droits humains en Corée du Nord

Les autorités n’ont signalé aucun cas de COVID-19 durant l’année. Le 24 juillet, elles ont ordonné un confinement de la ville de Kaesong, à la frontière avec la Corée du Sud, après une suspicion de contamination par le coronavirus chez un homme de retour de Corée du Sud. Le test de dépistage pratiqué sur cet homme s’est finalement avéré négatif. Le confinement a été levé le 14 août.

Les relations avec la Corée du Sud se sont détériorées. Le bureau de liaison intercoréen, situé à Kaesong, a été fermé le 30 janvier pour éviter la propagation du COVID-19. En juin, les autorités ont averti qu’elles allaient détruire ce bureau, tout en reprochant à leurs homologues sud-coréennes de ne pas faire le nécessaire pour empêcher les militant·e·s nord-coréens vivant en Corée du Sud d’envoyer des tracts politiquement sensibles de l’autre côté de la frontière au moyen de ballons et de drones. Elles ont procédé à la destruction du bâtiment le 16 juin.

Droit de circuler librement

Le 22 janvier, les autorités ont fermé toutes les frontières et interdit toute entrée ou sortie de personnes et de marchandises, afin d’empêcher la propagation du COVID-19. Auparavant, les habitant·e·s de Corée du Nord avaient déjà besoin d’une autorisation du gouvernement pour se rendre à l’étranger. En raison du renforcement des mesures de sécurité aux frontières, seules 195 personnes ont quitté le pays pour aller s’installer en Corée du Sud entre le 1er janvier et le 30 septembre – le chiffre le plus bas enregistré depuis que ces statistiques sont disponibles (2003).

Exécutions extrajudiciaires

Le 22 septembre, l’armée a abattu un fonctionnaire civil sud-coréen qui se trouvait sur un objet flottant dans les eaux territoriales nord-coréennes, après l’avoir interrogé à distance. Trois jours plus tard, le gouvernement s’est excusé publiquement auprès du président sud-coréen, mais sans préciser si une enquête ou une procédure judiciaire avait été lancée à propos de cet homicide. Plus tôt dans le mois, des médias étrangers avaient indiqué que le ministère de la Sécurité de la société avait autorisé les gardes-frontières à tirer sur les personnes qui s’approcheraient à moins d’un kilomètre de la frontière entre la Corée du Nord et la Chine, dans le cadre du renforcement des mesures de sécurité aux frontières visant à empêcher toute contamination par le coronavirus.

Violences faites aux femmes et aux filles

Plus de 70 % des personnes qui ont quitté le pays pour s’installer en Corée du Sud depuis 2003 étaient des femmes et des filles. Certaines de ces Nord-Coréennes ont indiqué à Amnesty International que les violences, notamment sexuelles, contre les femmes et les filles étaient monnaie courante dans leur pays d’origine, mais que le sujet était tabou et que les gens rejetaient souvent la faute sur la victime. La plupart des femmes gardaient le silence sur ces violences, même lorsqu’elles subissaient des traitements similaires après leur départ de Corée du Nord.

Des témoignages de femmes nord-coréennes victimes d’abus sexuels de la part de représentants de l’État après leur arrivée en Corée du Sud ont mis au jour un phénomène plus large, révélant que les femmes et les filles étaient confrontées à des violences tout au long de leur voyage. Elles étaient ainsi victimes de viol et d’autres formes de violences liées au genre aux mains des passeurs qui les aidaient à sortir du pays. Une fois entrées illégalement en Chine, comme elles couraient un risque élevé d’être arrêtées et renvoyées de force en Corée du Nord, des trafiquants d’êtres humains pouvaient les contraindre à se livrer au travail du sexe ou les soumettre à des mariages forcés. Selon les Nations unies, des femmes qui avaient été arrêtées en Chine, renvoyées de force dans leur pays et incarcérées ont subi des violences physiques et des fouilles au corps injustifiées et intrusives, ou d’autres formes de mauvais traitements, aux mains des autorités nord-coréennes.

Droit à la santé

En raison du manque de matériel et de produits médicaux, exacerbé par les sanctions imposées par l’ONU depuis 2017, le pays était mal préparé à faire face à des urgences de santé publique, telles que la pandémie de COVID-19. Selon des professionnelles de la santé nord-coréennes, la pénurie de moyens était telle que la classe moyenne émergente se procurait des médicaments et des services médicaux par des voies informelles, aussi appelées « marché gris ». Un système de soins payants pour les personnes en mesure de se les offrir s’est donc développé en parallèle du système de santé officiel, en théorie gratuit1. La fermeture des frontières et le renforcement des mesures de sécurité ont en outre interrompu l’aide humanitaire, les importations légales et la contrebande, provoquant une pénurie de médicaments sur les marchés.

De nombreuses organisations humanitaires ont suspendu temporairement leurs opérations pour des raisons de santé et de sécurité pendant la pandémie de COVID-19. Plusieurs organismes des Nations unies et ONG ont toutefois pu obtenir des dérogations aux sanctions de l’ONU et sont parvenus à livrer du matériel en Corée du Nord, notamment des médicaments et des équipements de protection individuelle.

Droits à l’alimentation, à l’eau et à l’assainissement

Selon les estimations de l’ONU, la moitié des écoles et des établissements de santé du pays n’avaient pas accès à l’eau potable, à l’assainissement et à l’hygiène. On estimait que 10 millions de personnes souffraient d’insécurité alimentaire et avaient besoin d’une aide alimentaire d’urgence. Quatre-vingt-dix pour cent des enfants étaient en situation de malnutrition chronique, liée également aux maladies provoquées par la consommation d’eau insalubre et le manque d’installations sanitaires.

La fermeture des frontières a considérablement réduit les importations de nourriture, déclenchant une flambée des prix des denrées alimentaires sur le marché gris et créant une difficulté supplémentaire pour la population pauvre, qui se procurait la majeure partie de sa nourriture sur ce marché. Les fortes pluies et les typhons d’août et de septembre ont endommagé des infrastructures et des terres agricoles, notamment dans des zones où se concentrait la production de nourriture, ce qui a aggravé les risques de pénurie alimentaire.

Liberté d’expression

Aucune amélioration n’a été constatée quant à la possibilité pour les Nord-Coréen·ne·s d’échanger des informations avec l’étranger. Toutes les communications demeuraient strictement contrôlées, et seul·e·s quelques membres de l’élite dirigeante triés sur le volet avaient accès à Internet ou aux services internationaux de téléphonie mobile. La population utilisait des téléphones mobiles et des cartes SIM importés disponibles sur le marché gris pour appeler à l’étranger. Selon des personnes originaires de Corée du Nord interrogées par Amnesty International, les autorités surveillaient étroitement les communications sur ce type de téléphones et brouillaient les signaux. Les personnes prises en train d’utiliser des téléphones importés pour communiquer avec l’étranger, en particulier au sujet du COVID-19, pouvaient être inculpées de crimes tels que l’espionnage, et risquaient d’être arrêtées, incarcérées et condamnées à de lourdes peines.

Arrestations et détentions arbitraires

Les autorités continuaient de nier l’existence des quatre camps de prisonniers et prisonnières politiques connus. Jusqu’à 120 000 personnes étaient toujours détenues et soumises à la torture, à des travaux forcés et à d’autres mauvais traitements dans ces camps, où les conditions de vie étaient éprouvantes et la nourriture insuffisante. La plupart n’avaient été déclarées coupables d’aucune infraction reconnue par le droit international et étaient détenues de façon arbitraire uniquement parce que certains de leurs proches étaient considérés comme une menace pour les pouvoirs publics, ou au titre de la « culpabilité par association ». D’autres étaient détenues pour avoir exercé leurs droits, notamment celui de quitter leur propre pays.

Au moins six ressortissants sud-coréens étaient en détention. Trois d’entre eux étaient des missionnaires qui purgeaient des peines de réclusion à perpétuité, et trois autres des Nord-Coréens qui étaient partis s’installer en Corée du Sud. Ils étaient privés de leur droit d’entrer en contact avec des diplomates sud-coréens, les avocats de leur choix et leur famille.

1« Aucun cas de COVID-19 en Corée du Nord ? Deux professionnelles de santé livrent leur récit » (nouvelle, 9 juillet)

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