Les autorités n’ont garanti la liberté d’expression que de manière sélective et ont réprimé la dissidence en restreignant illégalement les manifestations pacifiques et en faisant taire les critiques. Des défenseur·e·s des droits humains, notamment des étudiantes et étudiants, des universitaires, des journalistes et des artistes, ont été arrêtés arbitrairement, souvent sans être inculpés ni jugés ensuite. Bien que la Cour suprême ait ordonné de réduire la surpopulation carcérale afin de limiter la propagation du COVID-19, les autorités ont continué d’emprisonner de nombreuses personnes qui critiquaient le gouvernement. Les pouvoirs publics n’ont pas enquêté comme il se devait sur les affaires de violences fondées sur la caste ou le genre ni sanctionné les auteurs de ces actes, et ont orchestré des représailles contre des personnes qui dénonçaient des viols ou des infractions liées au système de castes. Les homicides et les agressions commis par des groupes d’autodéfense ou par la police à l’encontre de membres de minorités religieuses demeuraient généralement impunis et leurs auteurs étaient rarement inquiétés. Des restrictions extrêmes du droit de circuler librement ont été instaurées soudainement pour faire face à la pandémie, à la suite de quoi des milliers de travailleuses et travailleurs migrants se sont retrouvés bloqués, sans nourriture ni protection. D’autres restrictions liées à la pandémie menaçaient le droit au respect de la vie privée.
Contexte de la situation des droits humains en Inde
En décembre 2019 a été adoptée une Loi portant modification de la loi relative à la citoyenneté. Elle permettait aux personnes migrantes en situation irrégulière originaires d’Afghanistan, du Bangladesh et du Pakistan d’obtenir la nationalité indienne, à condition qu’elles ne soient pas musulmanes. Le caractère discriminatoire de ce texte a déclenché des manifestations pacifiques dans tout le pays, qui ont donné lieu à des arrestations et des détentions arbitraires ; les personnes qui manifestaient ont été largement diabolisées.
La stratégie des pouvoirs publics pour lutter contre le COVID-19 s’est traduite, entre autres, par un confinement punitif instauré pratiquement sans préavis, l’utilisation de fonds de secours sans aucune transparence, des atteintes à la vie privée et une diabolisation des minorités religieuses.
Arrestations et détentions arbitraires
Sept défenseurs des droits humains – Stan Swamy, Jyoti Raghoba Jagtap, Sagar Tatyaram Gorkhe, Ramesh Murlidhar Gaichor, Hany Babu, Gautam Navlakha et Anand Teltumbde – ont été arrêtés par l’Agence nationale d’enquêtes (NIA), principal organe public chargé de la lutte contre le terrorisme en Inde, pour leur participation présumée aux violences perpétrées lors de célébrations organisées à Bhima Koregaon, près de la ville de Pune, en 2018. Ils travaillaient auprès de groupes marginalisés, notamment des adivasis (aborigènes), et avaient critiqué les politiques gouvernementales. Les autorités les ont accusés d’avoir enfreint le Code pénal en lançant une « guerre contre l’État » et d’entretenir des relations avec le Parti communiste indien (maoïste), une formation politique interdite.
Parmi les militantes et militants incarcérés, beaucoup étaient âgés et en mauvaise santé. Malgré cela, ils étaient détenus dans des prisons surpeuplées, où plusieurs cas de COVID-19 et de décès liés à cette maladie ont été signalés. Varavara Rao, poète de 80 ans arrêté en 2018 dans le cadre de l’affaire de Bhima Koregaon, a été testé positif au coronavirus en prison au mois de juillet. Les tribunaux ont néanmoins continué de rejeter les demandes de libération sous caution formulées par ces personnes.
Au moins neuf étudiant·e·s qui manifestaient pacifiquement contre la Loi portant modification de la loi relative à la citoyenneté ont été arrêtés et incarcérés en vertu de la législation relative au terrorisme et à la sédition. De nombreuses autres personnes manifestant contre ce texte ont été victimes de manœuvres d’intimidation et d’un harcèlement intenses de la part de la police. En revanche, les autorités ont fermé les yeux sur les violences et les discours de haine des défenseurs du texte à l’encontre de celles et ceux qui protestaient contre la législation antiterroriste draconienne, notamment la Loi relative à la prévention des activités illégales et la Loi relative à la sécurité nationale. Safoora Zargar, chercheuse universitaire qui était enceinte de trois mois à l’époque, et Umar Khalid, ancien dirigeant d’un syndicat étudiant, figuraient parmi les personnes arrêtées. Safoora Zargar a par la suite été libérée sous caution.
Le 26 juin, la haute-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme a appelé l’Inde à libérer immédiatement les défenseur·e·s des droits humains qui avaient été arrêtés pour avoir manifesté contre la Loi portant modification de la loi relative à la citoyenneté. Cependant, la majorité de ces personnes se trouvaient toujours en détention à la fin de l’année.
En décembre, la police de l’Uttar Pradesh a arrêté arbitrairement et semble-t-il torturé 10 hommes musulmans en vertu d’une loi proposée par le gouvernement de l’État ciblant les mariages interreligieux consentis. Ce texte, surnommé loi sur le « djihad de l’amour » par les nationalistes et les principales figures politiques de droite, n’avait cependant pas été approuvé par le Parlement indien ni par le corps législatif de l’Uttar Pradesh.
Liberté d’expression et de réunion
Des nouvelles restrictions de la liberté d’expression et de réunion ont été instaurées face à la pandémie de COVID-19. Le 24 mars, le Premier ministre, Narendra Modi, a imposé un confinement national obligatoire en vertu de la Loi relative à la gestion des catastrophes, un texte draconien qui confère au gouvernement des pouvoirs étendus en période de catastrophe. Des personnes ont été arrêtées et placées en détention pour non-respect des mesures de confinement.
Même avant la pandémie, la liberté de réunion était restreinte. Les personnes qui manifestaient devaient notamment prendre en charge les frais liés à la réparation des biens publics endommagés lors de rassemblements ayant dégénéré.
Un an après que le gouvernement a retiré au Jammu-et-Cachemire son statut particulier et l’a scindé en deux territoires de l’Union indienne, la répression des libertés civiles et les restrictions relatives aux communications perduraient. Des dirigeant·e·s politiques tels que Farooq Abdullah, Omar Abdullah et Mehbooba Mufti, qui avaient été placés en détention administrative en 2019, ont été libérés en 2020. Cependant, le gouvernement de l’Union indienne a continué de réduire au silence les personnes qui demandaient des comptes et de museler sévèrement les médias.
Au Cachemire, au moins 18 journalistes ont été agressés physiquement par la police ou convoqués à un poste de police. La répression de la dissidence s’est encore intensifiée lorsqu’une nouvelle politique relative aux médias a été instaurée par les autorités du territoire de Jammu-et-Cachemire en vue d’élaborer « un discours médiatique cohérent sur le fonctionnement des pouvoirs publics » en traquant les « activités antinationales ».
Le 20 octobre, les autorités du territoire de Jammu-et-Cachemire ont fermé sans préavis les bureaux du Kashmir Times après que sa rédactrice en chef, Anuradha Bhasin, eut contesté devant la Cour suprême le blocage des communications. La NIA a mené des opérations dans les bureaux et au domicile de plusieurs militantes et militants de la société civile, dont Khurram Parvez et trois de ses associé·e·s, ainsi que Parveena Ahanger, qui dénonçaient fréquemment les atteintes aux droits humains commises au Cachemire. Elle a affirmé que ces personnes avaient levé des fonds pour « mener des activités sécessionnistes et séparatistes » dans le territoire de Jammu-et-Cachemire.
Lors du confinement national instauré après le début de la pandémie de COVID-19, plus d’une cinquantaine de journalistes ont été arrêtés ou inculpés en vertu de la législation d’exception pour « désinformation » et diffusion de « fausses informations ». Le 7 avril, la police de l’Uttar Pradesh a dressé un procès-verbal introductif à l’encontre du journaliste Prashant Kanojia, accusé d’avoir formulé des « commentaires répréhensibles » sur les réseaux sociaux à propos du Premier ministre de l’Inde, Narendra Modi, et du Premier ministre de l’Uttar Pradesh, Yogi Adityanath. Peu après, la police de l’Uttar Pradesh a dressé un autre procès-verbal introductif concernant The Wire, un site d’actualités, et son rédacteur en chef, Siddharth Varadarajan, qui avaient révélé que Yogi Adityanath avait participé à un rassemblement public à caractère religieux après l’annonce du confinement national.
Le 28 septembre, les autorités ont modifié la Loi relative à la réglementation des contributions étrangères de manière à interdire aux grandes ONG de transférer à des ONG locales des fonds obtenus auprès de donateurs étrangers. Parmi les modifications apportées figurait également l’obligation pour toutes les organisations à but non lucratif immatriculées au titre de ce texte de limiter leurs dépenses administratives à 20 % des dons (contre 50 % précédemment). L’objectif de ces nouvelles dispositions était probablement de contraindre les ONG à réduire leurs effectifs, ce qui était susceptible d’entraîner une diminution de leurs activités en faveur des droits humains.
Le 30 septembre, Amnesty International Inde a dû cesser ses activités après que l’État a gelé ses comptes bancaires sans préavis. Cette structure a été contrainte de licencier tout son personnel et de suspendre l’ensemble de son travail de campagne et de recherche. Quelque temps auparavant, elle avait publié des rapports dans lesquels elle demandait que la police de Delhi et les pouvoirs publics rendent des comptes au sujet des graves violations des droits humains commises par les forces de l’ordre lors des émeutes de Delhi ainsi que dans le territoire de Jammu-et-Cachemire.
À la suite de l’adoption en août, par le Parlement, de trois lois relatives à l’agriculture élaborées sans un minimum de consultation des personnes concernées, plus de 160 décès d’agriculteurs et agricultrices ont été à déplorer. Plusieurs se sont suicidés, et d’autres ont succombé à des crises cardiaques ou à des accidents de la route lors de manifestations. En novembre, alors que des agriculteurs et agricultrices marchaient sur Delhi pour protester contre ces lois, la police a utilisé des canons à eau et des grenades lacrymogènes, faisant plusieurs blessés.
Procès inéquitables
Les tribunaux, en particulier la Cour suprême, n’ont pas contrôlé en temps opportun la réponse du gouvernement à la crise du COVID-19.
Le 13 mars, avant même le début du confinement national, la Cour suprême a déclaré que les tribunaux fonctionneraient en capacité réduite pour des raisons de santé publique. Entre le 23 mars et le 4 juillet, elle n’a traité que les affaires « extrêmement urgentes », et les audiences se sont tenues exclusivement en visioconférence.
Aucun critère ou définition permettant d’établir le caractère d’« extrême urgence » n’a été établi, laissant la décision à l’entière discrétion des juges. Ainsi, de nombreuses affaires importantes concernant de graves violations des droits humains n’ont pas été examinées ou ont pris énormément de retard. Le 3 avril, alors qu’elle examinait une demande de libération sous caution, la haute cour de Mumbai (Bombay) a soutenu que le terme « urgent » était subjectif et ne s’appliquait pas, par exemple, au cas des personnes qui sollicitaient leur remise en liberté sous caution dans l’attente de leur jugement.
La Cour suprême a elle-même régulièrement mis à mal sa propre impartialité et son indépendance. En août, elle a déclaré coupable Prashant Bhushan, avocat et défenseur des droits humains, en vertu des dispositions obsolètes de la législation relative à l’outrage à magistrat. Cet homme critiquait le fonctionnement de la Cour sur Twitter depuis 2014.
Attaques et homicides illégaux
En février, des violences intercommunautaires ont éclaté à New Delhi, la capitale. Selon les chiffres publiés par les autorités, 53 personnes – de confession musulmane pour la plupart – ont trouvé la mort dans ces émeutes, et plus de 500 ont été blessées.
À l’approche des élections législatives qui devaient se tenir à Delhi le 8 février, plusieurs dirigeants politiques ont prononcé des discours de haine contre les manifestant·e·s hostiles à la Loi portant modification de la loi relative à la citoyenneté. Le 27 janvier, le ministre d’État aux Finances de l’Union indienne, Anurag Thakur, a encouragé la foule à scander « Abattons les traîtres à la nation ! », en référence aux personnes qui manifestaient à Shaheen Bagh, l’épicentre des sit-in pacifiques organisés dans le territoire de Delhi contre ce texte. Le 28 janvier, Parvesh Verma, député du Parti du peuple indien Bharatiya Janata (BJP), le parti au pouvoir, a affirmé que les manifestant·e·s de Shaheen Bagh allaient entrer dans les maisons pour « violer et tuer vos sœurs et vos filles ». Dans une autre allocution prononcée le même jour, il a promis de « ne pas laisser ne serait-ce qu’une [mosquée] debout » après la victoire du BJP à Delhi.
Ces discours ont déclenché des violences sur des campus universitaires contre les personnes qui manifestaient contre la Loi portant modification de la loi relative à la citoyenneté. Les discours de haine émanant de dirigeants politiques se sont poursuivis après les élections de Delhi et ont provoqué des violences généralisées dans le district nord-est de ce territoire.
Le 23 février, sur Twitter, Kapil Mishra, dirigeant du BJP, a appelé la population à se rassembler pour s’opposer à une manifestation conduite par des femmes à Jaffrabad (district nord-est de Delhi) afin d’« empêcher un nouveau Shaheen Bagh ». Lors de ce rassemblement, il a averti la police qu’elle subirait de lourdes conséquences si les personnes qui manifestaient n’évacuaient pas les lieux. Des violences intercommunautaires ont éclaté peu après son discours.
Recours excessif à la force
La police a eu recours illégalement à la force et a commis d’autres graves violations des droits humains, se servant abusivement de la loi pour tenter d’intimider des personnes et étouffer la dissidence au nom du gouvernement de l’Union indienne.
Lors des violences intercommunautaires qui ont eu lieu en février à Delhi, des membres des forces de police ont jeté des pierres aux côtés des émeutiers, ont torturé des personnes en garde à vue, ont dispersé des manifestations pacifiques et ne sont pas intervenus alors que des émeutiers attaquaient des manifestant·e·s pacifiques et détruisaient des biens publics et privés. Aucune enquête indépendante n’a été menée sur ces faits.
À mesure que la pandémie de COVID-19 s’est installée, l’application discriminatoire des restrictions liées au confinement par la police n’a fait qu’aggraver les inquiétudes en matière de droits humains. La majorité des personnes arrêtées pour ne pas avoir respecté les consignes relatives au confinement appartenaient à des groupes marginalisés, comme les castes et tribus répertoriées, les tribus anciennement répertoriées comme « criminelles » par les autorités coloniales britanniques, les personnes de confession musulmane et les travailleuses et travailleurs à faible revenu. En mars, la police de l’Uttar Pradesh a obligé des travailleurs migrants qui rentraient chez eux à ramper sur la route avec leurs bagages pour les punir d’avoir enfreint les consignes relatives au confinement. Le 18 avril, en Uttar Pradesh, Mohammed Rizwan, de confession musulmane, est décédé à l’hôpital deux jours après avoir été roué de coups de matraque par la police parce qu’il était sorti acheter des produits de première nécessité. Le 19 juin, P. Jayaraj et son fils J. Bennicks, tous deux travailleurs à faible revenu, ont été emmenés par la police de Thoothukudi (Tamil Nadu) pour être interrogés parce que leur échoppe était restée ouverte pendant le confinement. Ces deux hommes auraient été torturés à mort en garde à vue.
Impunité
Cette année encore, des homicides illégaux, dont certains constituaient des exécutions extrajudiciaires, ont été commis par la police en toute impunité. En juillet, au Cachemire, trois jeunes ouvriers agricoles travaillant dans une pommeraie ont été tués illégalement par des militaires. La Loi relative aux pouvoirs spéciaux des forces armées, qui encadre le recours à la force par les organes chargés de la sécurité au Cachemire, accordait une quasi-immunité de poursuites aux membres de ces forces en cas de violations présumées des droits humains. En juillet, Vikas Dubey aurait également été victime d’une exécution extrajudiciaire alors qu’il était escorté vers la ville de Kanpur, après avoir été arrêté par la police de l’Uttar Pradesh. Quatre de ses associés ont aussi été tués illégalement par la police de cet État. Celle-ci s’était targuée sur Twitter d’avoir tué 103 « criminels » et d’en avoir blessé 1 859 depuis 2017 lors de 5 178 « interventions policières » – euphémisme couramment utilisé par les acteurs étatiques dans les cas d’exécutions extrajudiciaires présumées.
Des crimes inspirés par la haine, notamment des violences à l’égard des dalits, des adivasis et de minorités religieuses, ont également été perpétrés en toute impunité. En septembre, une femme dalit aurait été violée et tuée par un groupe d’hommes d’une caste dominante dans le district de Hathras, en Uttar Pradesh, et incinérée par la police de l’État sans le consentement de sa famille. Les suspects n’ont été arrêtés qu’à la suite de manifestations nationales. Plus tard, la police de l’Uttar Pradesh a dressé plusieurs procès-verbaux introductifs à l’encontre de manifestants pour conspiration criminelle et sédition.
Droit à la santé et à des moyens de subsistance
La gestion de la pandémie de COVID-19 a mis au jour les faiblesses du système de santé publique. En outre, elle a amené les personnes dépourvues de protection sociale et économique, notamment les agent·e·s de santé locaux et les membres de minorités religieuses, à travailler dans des conditions déplorables, au péril de leur santé.
Les autorités ont accusé les membres de la minorité musulmane Tablighi Jamaat de propager le coronavirus et, de ce fait, des établissements de soins ont refusé les patient·e·s musulmans. En avril, certains hôpitaux ont même refoulé des femmes enceintes ou des personnes atteintes d’un cancer parce qu’elles étaient musulmanes. Dans les mois qui ont suivi le confinement national instauré en mars, les réseaux sociaux et des groupes WhatsApp ont été inondés d’appels au boycott social et économique des musulman·e·s, ainsi que de fausses nouvelles et d’autres éléments de désinformation.
La pandémie de COVID-19 a submergé le système de santé publique, et le personnel soignant travaillant en première ligne ne bénéficiait pratiquement d’aucune protection, que ce soit en termes d’équipements de sécurité ou de sécurité sociale (assurance-maladie et assurance-vie, par exemple). Il en était de même pour les travailleuses et travailleurs intervenant au plus près de la population, comme les travailleuses sociales agréées en santé publique et les agent·e·s des services d’assainissement.
La Cour suprême a reporté une audience dans une affaire d’intérêt public qui concernait le transport, l’alimentation et l’hébergement des travailleuses et travailleurs migrants bloqués depuis plus d’un mois en raison de l’instauration soudaine du confinement. Le 7 avril, alors que nombre d’entre eux tentaient de rentrer chez eux à pied malgré la distance, faute de transports publics ou financés par l’État, le président de la Cour suprême, Sharad Arvind Bobde, a déclaré, lors de l’examen de la requête, que la Cour suprême « ne souhaitait par s’ingérer dans les décisions gouvernementales durant les 10 à 15 prochains jours ». Au moins 200 travailleuses et travailleurs migrants ont été tués dans des accidents de la route pendant qu’ils tentaient de parcourir à pied les nombreux kilomètres qui les séparaient de leur domicile, situé dans un autre district ou un autre État, après le début du confinement. En mai, cédant à la forte pression exercée par l’opinion publique, les autorités ont commencé à faire circuler des trains spéciaux pour les travailleuses et travailleurs migrants. Cependant, nombre de ces personnes ont succombé au manque de nourriture et d’eau à bord des trains, notamment un enfant de quatre ans, mort de faim.
Pendant le confinement, les travailleuses et travailleurs du secteur informel – qui représentent plus des trois quarts de la main-d’œuvre en Inde – ont rencontré d’énormes difficultés car beaucoup avaient perdu leur emploi. Malgré cela, de nombreux États ont suspendu les garanties juridiques dont bénéficiaient normalement les travailleuses et travailleurs, comme la réglementation des heures de travail, le droit de se syndiquer et la sécurité au travail.
Le confinement a entraîné une progression des violences faites aux femmes, en particulier au sein du foyer. Les obstacles empêchant les femmes et les filles enceintes d’accéder aux soins médicaux se sont multipliés et le risque de mortalité et de morbidité maternelles a augmenté.
Droit au respect de la vie privée
En avril, les autorités ont lancé l’application mobile Aarogya Setu, officiellement pour accélérer le traçage des contacts et faire en sorte que la population ait accès rapidement aux services de santé essentiels et aux informations de santé publique. Elles n’ont toutefois pas précisé quels organes gouvernementaux auraient accès aux données ainsi collectées. Le code source de l’application n’a pas été rendu public, en violation de la politique gouvernementale en vigueur. Bien que le ministère de l’Électronique et des Technologies de l’information ait affirmé qu’il n’était pas obligatoire de télécharger l’application, de nombreuses administrations et entreprises privées, dont les autorités aéroportuaires nationales, ont obligé leur personnel à l’installer.