Des projets de loi limitant les droits à la liberté d’expression et au respect de la vie privée étaient toujours en cours d’examen. Les forces de sécurité ont arrêté des personnes pour avoir « diffusé de fausses informations » et critiqué le gouvernement pendant la pandémie de COVID-19. Des manifestant·e·s ont fait l’objet d’arrestations et les forces de sécurité ont continué d’avoir recours à une force excessive pour disperser des manifestations et faire respecter les mesures de confinement. Les efforts visant à garantir la vérité, la justice et des réparations pour les crimes de droit international et les violations des droits humains perpétrés lors du conflit de 1996-2006 demeuraient largement insuffisants. Des familles autochtones ont été expulsées de chez elles par la force et leurs logements ont été détruits. Des violences sexuelles et liées au genre ont encore été commises en toute impunité. La discrimination liée au genre n’avait pas disparu, ni dans la loi ni dans la pratique. Des dizaines d’atteintes aux droits humains des dalits ont été signalées et elles sont souvent restées impunies. L’État n’a pas pris les mesures nécessaires pour protéger les travailleuses et travailleurs migrants népalais qui se sont retrouvés bloqués à l’étranger ou autrement affectés par la pandémie.
Contexte de la situation des droits humains au Népal
Sur fond de désaccords au sein du parti au pouvoir, la présidente Bidya Devi Bhandari a dissous en décembre la chambre basse du Parlement (la Chambre des représentant·e·s) sur recommandation du gouvernement mené par le Premier ministre Khadga Prasad Sharma Oli. Plusieurs recours contre cette décision étaient en instance devant la Cour suprême à la fin de l’année.
Droit au respect de la vie privée
Un projet de loi relatif aux services spéciaux était en attente d’examen par la Chambre des représentant·e·s après avoir été approuvé par l’Assemblée nationale, la chambre haute du Parlement, en mai. Ce projet de loi comprenait des dispositions formulées en des termes vagues et trop généraux permettant une intrusion dans la vie privée sans autorisation judiciaire. Le ministère de l’Information et de la Communication a rédigé un projet de loi sur les télécommunications accordant aux autorités de vastes pouvoirs pour surveiller des personnes et des organisations et collecter et conserver des informations à leur sujet sans garanties juridiques suffisantes.
Liberté d’expression et de réunion
Plusieurs projets de loi menaçant de restreindre considérablement la liberté d’expression étaient en attente d’examen par le Parlement, notamment le projet de loi sur le Conseil des médias, celui sur la communication de masse et celui sur les technologies de l’information. Des dizaines de personnes, dont des journalistes, ont été arrêtées pour avoir « diffusé de fausses informations » ou critiqué le gouvernement dans le contexte de la pandémie de COVID-19. Le Conseil de la presse népalais a fermé plus de 30 nouveaux sites Internet pour « publication de fausses nouvelles inventées de toutes pièces ».
Cette année encore, les forces de sécurité ont arrêté des militant·e·s et fréquemment recouru à une force excessive pour disperser des manifestations pacifiques. En janvier, la police a appréhendé des militant·e·s des droits humains qui manifestaient pacifiquement afin d’obtenir justice pour les crimes commis pendant le conflit de 1996-2006. En juillet, les forces de sécurité ont projeté du gaz lacrymogène sur des personnes qui manifestaient pour qu’une enquête soit ouverte sur la mort de dalits dans le district de Dhanusha et que les responsables soient amenés à rendre des comptes. En novembre, dans le district de Mahottari, un homme est mort et deux autres ont été gravement blessés par balle lorsque les forces de sécurité ont ouvert le feu sur une manifestation dénonçant le viol et le meurtre d’une fillette de six ans. Les forces de sécurité ont souvent eu recours à une force excessive pour faire appliquer le confinement imposé face à la pandémie.
Droit à la vérité, à la justice et à des réparations
L’État n’a pas établi la vérité, rendu justice ni accordé de réparations aux milliers de victimes de crimes de droit international et de violations des droits humains perpétrés lors du conflit armé de 1996-2006. La Commission vérité et réconciliation et la Commission d’enquête sur les disparitions forcées, qui avaient reçu à elles deux plus de 63 000 plaintes concernant des crimes commis par des membres des forces de sécurité et des groupes d’opposition armés, n’ont pas mené d’enquêtes indépendantes efficaces. Le gouvernement n’a pas modifié la Loi de 2014 relative à la Commission d’enquête sur les disparitions forcées et la Commission vérité et réconciliation pour la mettre en conformité avec le droit international relatif aux droits humains et les normes en la matière, comme l’avait pourtant ordonné à plusieurs reprises la Cour suprême. En janvier, le gouvernement a achevé la nomination des nouveaux membres des deux commissions sans avoir suffisamment consulté les victimes du conflit et sans avoir modifié la loi autorisant les amnisties pour des crimes graves relevant du droit international.
De plus, le parti au pouvoir a encore nommé à des postes de pouvoir des personnes impliquées dans des crimes à l’époque du conflit sans avoir mené d’enquêtes approfondies et indépendantes. En octobre, la Commission nationale des droits humains a révélé l’identité de 286 personnes présumées coupables de crimes et souligné le manque de détermination du gouvernement à appliquer ses recommandations et à amener les responsables à rendre compte de leurs actes devant la justice.
Droits des travailleuses et travailleurs migrants
L’État n’a pas protégé les droits des centaines de milliers de travailleuses et travailleurs migrants népalais bloqués à l’étranger lors de l’entrée en vigueur des mesures de confinement liées à la pandémie de COVID-19. Il n’a pas fait appel au Fonds de prévoyance pour l’emploi à l’étranger en vue de leur offrir une protection et un rapatriement abordable. Les autorités n’ont pas non plus veillé à ce que les travailleuses et travailleurs migrants revenus au Népal et placés dans des centres de quarantaine bénéficient de conditions de vie satisfaisantes et que leur santé et leur sécurité soient protégées. En juin, une migrante de retour au pays a été violée dans un centre de quarantaine du district de Kailali.
Expulsions forcées
En juillet, les autorités du Parc national de Chitwan ont expulsé de force et sans notification préalable dix familles autochtones chepangs. Elles ont mis le feu à deux maisons et en ont détruit huit autres en se servant d’éléphants. D’autres personnes vivant dans des quartiers informels à travers le pays étaient exposées au risque d’expulsion forcée.
Discrimination
L’État a tardé à nommer les membres de plusieurs commissions constitutionnelles, ce qui a gravement affecté leur capacité à protéger et promouvoir les droits des femmes et des groupes marginalisés, notamment des populations autochtones, des dalits, des Madhesis, des Tharus et des musulman·e·s.
La discrimination liée au genre n’avait pas disparu et l’État n’a pas corrigé les failles constitutionnelles qui ne permettaient pas aux femmes de bénéficier des mêmes droits que les hommes en matière de citoyenneté. Plus de 2 100 cas de viol et de violences sexuelles ont été signalés à la police. Des enfants et des dalits en ont notamment été victimes. Les délais de prescription rigides prévus pour le viol dans le Code pénal entretenaient l’impunité.
En septembre, le gouvernement a pris deux ordonnances visant à mettre un terme aux attaques à l’acide perpétrées contre les femmes et les filles.
Malgré les dispositions juridiques et réglementaires visant à combattre la discrimination fondée sur la caste, de nombreux cas de discrimination, de mise à l’index, d’homicides et de violences sexuelles perpétrés contre des dalits ont été signalés. En mai, des personnes qui s’opposaient à une relation intercastes ont tué six hommes, dont quatre dalits, dans le district de Rukum-Ouest. Toujours en mai, dans le district de Rupandehi, une fillette dalit de 12 ans aurait été violée et tuée après avoir été mariée de force à son violeur présumé, qui appartenait à une caste dominante. En septembre, une autre fillette dalit de 12 ans a été violée et tuée dans le district de Bajhang. Son agresseur présumé n’avait pas été poursuivi en justice pour avoir violé une adolescente de 14 ans un mois plus tôt.
Torture et autres mauvais traitements
La torture et d’autres formes de mauvais traitements étaient monnaie courante en détention provisoire pour extorquer des « aveux » et intimider les personnes incarcérées. Bien que le Code pénal de 2017 eût érigé la torture et d’autres formes de mauvais traitements en infraction, personne n’avait encore été déclaré coupable en vertu de ces dispositions à la fin de l’année.
Plusieurs allégations de mort sous la torture ont été signalées. La plupart des victimes étaient des dalits ou des autochtones. Un autochtone, Raj Kumar Chepang, est mort en juillet. Il aurait été torturé par des militaires népalais stationnés dans le parc national de Chitwan. Un membre de l’armée a été placé en détention et inculpé de meurtre.
Les autorités n’ont pas mené d’enquêtes indépendantes et crédibles sur plusieurs morts survenues en détention, notamment de jeunes dalits, qui semblaient être dues à des actes de torture. En août, Bijay Mahara est mort en garde à vue après avoir, selon certaines informations, été torturé lors d’interrogatoires. Trois policiers ont été suspendus pendant six mois, mais ils n’ont pas été inculpés pour torture ou meurtre. Shambhu Sada est mort en garde à vue en juin dans le district de Dhanusha et Roshan B. K. en septembre dans le district de Kailali. D’après la police, les deux hommes se seraient suicidés, mais leurs familles soutiennent qu’ils ont été torturés à mort.