Des femmes et des personnes transgenres ont cette année encore été victimes de discrimination dans la législation et dans la pratique. Des personnes demandeuses d’asile se sont vu refuser le droit d’entrer sur le territoire de manière sûre et ont été expulsées. Les modifications apportées à la législation pour lutter contre la pandémie de COVID-19 ont restreint la liberté d’expression et de réunion pacifique. Le gouvernement a continué son travail de sape contre l’indépendance de la justice, affaiblissant toujours plus la confiance de la population dans le système judiciaire.
Contexte de la situation des droits humains en Hongrie
Le Parlement a adopté en mars la Loi sur la protection contre la pandémie de COVID-19. Ce texte renforçait le pouvoir de l’exécutif de gouverner par décrets, en se dispensant de tout contrôle parlementaire. Il ne précisait pas la date à laquelle les nouvelles mesures devaient prendre fin. Bien que ce texte ait été remplacé à la mi-juin, le gouvernement a continué d’exercer une série de pouvoirs de transition l’autorisant à limiter certains droits humains, tels que le droit à la liberté de réunion pacifique, et restreignant l’exercice du droit d’asile.
La Commission européenne a publié en septembre son premier Rapport sur l’état de droit, dans lequel elle faisait part de préoccupations majeures concernant la Hongrie.
L’indépendance de la justice restait menacée par les attaques de membres éminents du gouvernement, qui ont contesté certaines de ses décisions dans le cadre de déclarations officielles et dans la presse, n’hésitant pas à retarder leur application. Rien n’a été fait pour mettre fin à l’érosion progressive de l’indépendance structurelle interne du système judiciaire, certain·e·s juges craignant toujours de faire l’objet de représailles de la part de l’exécutif [1] .
Discrimination
Les Lesbiennes, les gays et les personnes bisexuelles, transgenres ou intersexes
Le Parlement a interdit en mai la reconnaissance de l’identité de genre à l’état civil des personnes transgenres et intersexes, exigeant que les individus soient déclarés en fonction de leur sexe à la naissance sur la foi de leurs marqueurs biologiques et de leurs chromosomes, et que ces données ne puissent pas être modifiées par la suite. Cela signifiait que les personnes transgenres ne pouvaient plus changer la mention de leur sexe figurant sur les documents et certificats officiels pour que ceux-ci reflètent leur identité de genre [2] .
La Cour européenne des droits de l’homme a estimé en juillet que la Hongrie avait violé le droit au respect de la vie privée et familiale d’un homme transgenre originaire d’Iran. Ce dernier s’était vu octroyer le statut de réfugié en Hongrie en raison des persécutions dont il était victime dans son pays du fait de son identité de genre, mais les autorités hongroises ont néanmoins refusé de reconnaître officiellement son genre et son nom.
Le Parlement a adopté une loi en décembre qui privait les personnes LGBTI de leur droit à l’adoption. Il a également approuvé des modifications de la Constitution qui étaient discriminatoires : celles-ci disposaient que « la mère est une femme et le père est un homme », et que la Hongrie « protège l’identité des enfants par rapport à la déclaration du sexe à la naissance » [3] .
Les femmes
La Cour suprême de Hongrie (Kúria) a confirmé en mai que le service de maternité d’un hôpital de Miskolc s’était rendu coupable de discrimination à l’égard de femmes enceintes d’origine rom ou appartenant à un milieu modeste ou défavorisé, en exigeant des personnes qui les accompagnaient pour l’accouchement qu’elles achètent et qu’elles portent une « tenue de maternité » pour des raisons d’hygiène. Du fait de cette mesure, un certain nombre de femmes roms ont été contraintes d’accoucher sans être accompagnées par des proches. La Cour a ordonné qu’il soit mis fin à cette pratique.
La discrimination liée au genre sur le lieu de travail et en matière d’embauche touchait plus particulièrement les femmes enceintes ou les mères de jeunes enfants souhaitant retrouver un emploi [4] . Les femmes victimes de licenciement abusif n’avaient pas toujours accès à des recours efficaces.
Violences faites aux femmes et aux filles
Le Parlement a adopté en mai une déclaration politique, dans laquelle il appelait le gouvernement à ne pas ratifier la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul), pourtant signée par la Hongrie en 2014.
Droit à l’éducation
Le gouvernement a lancé en janvier une campagne de presse et de communication concertée visant à jeter le discrédit sur 63 ancien·ne·s élèves d’une école élémentaire de Gyöngyöspata, qui avaient porté plainte pour ségrégation et enseignement de qualité inférieure et qui avaient eu gain de cause. Malgré cette campagne des autorités, la Cour suprême a confirmé en mai que les indemnisations qui avaient été accordées aux jeunes plaignant·e·s devaient leur être versées intégralement et sans délai.
Le Comité des droits de l’enfant [ONU] a vivement déploré en mars la ségrégation dont continuaient d’être victimes les enfants roms placés dans des programmes d’éducation spécialisée, l’écart accru constaté entre les résultats scolaires des jeunes roms et des autres enfants, et le manque d’informations concernant les jeunes roms scolarisés.
Un nouveau programme scolaire national a été adopté et mis en place dans les établissements primaires et secondaires en septembre, en l’absence de toute réelle consultation publique et malgré les très nombreuses protestations des professionnel·le·s de l’enseignement.
Entre septembre et novembre, des étudiant·e·s de l’Université d’art dramatique et cinématographique de Budapest ont occupé les locaux de leur établissement pour protester contre la restructuration, sous la houlette du gouvernement, de l’actionnariat et de la direction de l’institution, au détriment de la liberté académique. Plusieurs enseignant·e·s de premier plan ont démissionné.
En octobre, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a jugé que les modifications apportées en 2017 à la Loi sur l’enseignement supérieur, qui avaient contraint l’Université d’Europe centrale à quitter le pays, étaient contraires au droit de l’UE et enfreignaient la liberté académique.
Liberté d’expression, d’association et de réunion
Une loi adoptée en mars a alourdi les sanctions applicables en cas de « diffusion ou de propagation de fausses informations » en lien avec la pandémie de COVID-19 et avec les mesures prises par le gouvernement pour y répondre. Cette loi érigeait également en infraction le fait de s’opposer à l’application d’une mesure de confinement ou d’isolement [5] .
Des dispositions provisoires ont été adoptées à la mi-juin, modifiant les règles applicables en cas d’« état d’urgence sanitaire » et donnant la possibilité au gouvernement de limiter arbitrairement le droit de circuler librement et de se réunir pacifiquement.
Toujours au mois de juin, la CJUE a estimé que les restrictions imposées par la Loi relative à la transparence des organisations financées par des capitaux étrangers, sur le financement des organisations de la société civile par des donateurs étrangers, étaient contraires au droit de l’UE.
L’équipe de la rédaction d’Index, le site d’informations en ligne indépendant le plus important de Hongrie, ainsi que près d’une centaine de journalistes qui contribuaient au site ont démissionné en juillet, en réaction au limogeage du rédacteur en chef de la plateforme. La rédaction avait publiquement annoncé que son indépendance était menacée depuis la reprise du département publicité du site par un professionnel des médias proche du gouvernement.
Droit de solliciter l’asile
Le gouvernement a perdu trois procès concernant des manquements à ses obligations internationales. La CJUE a estimé en avril que la Hongrie n’avait pas rempli ses obligations au regard du droit communautaire, en refusant d’accueillir des personnes demandeuses d’asile conformément au programme obligatoire de relocalisation mis en place par l’UE en solidarité avec l’Italie et la Grèce.
En mai, la Cour a jugé que le placement automatique en détention par la Hongrie de personnes demandeuses d’asile dans des centres situés aux frontières du pays, dits « zones de transit », était contraire au droit communautaire, car ces mesures de détention étaient disproportionnées, avaient une durée supérieure à la durée maximum autorisée et ne pouvaient pas être contestées devant un tribunal. Après avoir dans un premier temps protesté contre ce jugement, le gouvernement hongrois a finalement évacué le même mois ces « zones de transit ».
De nouvelles règles limitant fortement l’accès à l’asile ont été adoptées en juin. Ces mesures transitoires, dénoncées par le HCR, ne permettaient plus aux demandeurs et demandeuses d’asile d’effectuer leur demande sur le territoire hongrois et les obligeaient à soumettre au préalable une « déclaration d’intention » auprès de certaines ambassades situées à l’étranger. À la fin de l’année, très peu de déclarations avaient été enregistrées, et une seule famille avait obtenu l’autorisation d’entrer en Hongrie pour effectuer une demande d’asile. En octobre, la Commission européenne a engagé une procédure d’infraction, estimant que ces restrictions étaient illégales.
Celles et ceux qui tentaient de passer clandestinement les frontières, la plupart du temps depuis la Serbie, étaient expulsés, souvent de manière collective. À la fin de l’année, la police avait procédé au renvoi forcé illégal (push-back) de plus de 30 000 personnes vers l’autre côté de la clôture installée sur la frontière, en violation de l’obligation qu’avait la Hongrie d’examiner pour chaque personne le risque que celle-ci soit renvoyée de force dans un pays où elle pouvait être victime de graves atteintes aux droits humains. La CJUE a jugé en décembre que ces renvois étaient contraires au droit de l’UE.