Italie - Rapport annuel 2020

carte Italie rapport annuel amnesty

République italienne
Chef de l’État : Sergio Mattarella
Chef du gouvernement : Giuseppe Conte

Certaines décisions prises par les autorités ont augmenté le risque pour les personnes âgées vivant dans des établissements spécialisés de contracter le COVID-19, entraînant des décès qui auraient pu être évités. L’accès des personnes réfugiées et migrantes au territoire italien a été limité et leurs droits ont été restreints pendant le confinement. Le pays a poursuivi sa coopération avec les autorités libyennes en matière de migration. Des ONG menant des opérations de sauvetage ont cette année encore été visées par des procédures pénales. De nombreux décès et actes de torture ont été signalés dans des lieux de détention. Pendant le confinement, des personnes pauvres ou sans abri n’ont pas bénéficié d’un hébergement convenable et le nombre de cas de violence domestique a augmenté.

Contexte de la situation des droits humains en Italie

Des cas de COVID-19 se sont déclarés dès le début de l’année, en particulier dans le nord du pays, qui a été le plus touché. Fin mars, le système de santé et le système funéraire de la région de Lombardie étaient submergés. Des mesures sans précédent ont été mises en place pour isoler certaines villes, puis toutes les régions du nord, avant l’extension du confinement au reste du pays le 9 mars. Des mesures d’urgence ont été prises par décret à partir de février pour limiter les déplacements et les rassemblements. Le gouvernement a commencé à lever les restrictions liées au confinement national le 3 mai, mais de nouvelles mesures restrictives ont été imposées au niveau régional et national vers la fin de l’année.

Droit à la santé

À la fin de l’année, la pandémie de COVID-19 avait fait plus de 74 159 morts, dont 85,7 % de personnes âgées.

La pandémie a eu des répercussions très variables en fonction des régions ; les personnes âgées qui vivaient dans les établissements spécialisés du nord du pays ont été particulièrement touchées. Certaines décisions prises à l’échelle nationale et locale, ainsi que l’absence de systèmes de protection adaptés, ont augmenté le risque d’exposition des pensionnaires au coronavirus. Certaines autorités gouvernementales et sanitaires régionales ont autorisé le retour en maison de retraite de personnes infectées ou potentiellement infectées qui avaient été hospitalisées, sans veiller à ce que des mécanismes adéquats soient en place pour les prendre en charge. Des données et informations cruciales concernant l’impact du COVID-19 dans les établissements accueillant des personnes âgées n’ont pas été rendues publiques par les autorités sanitaires nationales, régionales et locales.

Le personnel travaillant dans ces établissements manquait d’équipements de protection individuelle et de moyens de dépistage, et était de ce fait exposé à un risque accru de contamination par le coronavirus.

Personnes réfugiées, demandeuses d’asile ou migrantes

À la fin de l’année, 34 154 personnes, dont 4 631 mineur·e·s non accompagnés, étaient entrées clandestinement dans le pays par voie maritime.

Le 7 avril, l’Italie a interdit les débarquements dans ses ports et a déclaré que, en raison de la pandémie, le pays n’était pas un lieu sûr dans le cadre des opérations de sauvetage menées par des navires étrangers en dehors de la zone italienne de recherche et de sauvetage. Cette mesure visait selon toute apparence les navires d’ONG, qui restaient souvent en mer pendant des jours sans recevoir d’instructions après les sauvetages. Lorsque le transfert vers l’Italie était autorisé, les personnes secourues étaient généralement placées en quarantaine sur de grands bateaux pendant deux semaines avant de pouvoir débarquer. Des centaines de réfugié·e·s et de migrant·e·s sont arrivés par leurs propres moyens, principalement sur l’île de Lampedusa, ce qui a entraîné une forte surpopulation au sein du centre d’accueil local. Il était difficile pour ces personnes de respecter la distanciation physique ; à chaque nouvelle arrivée, leur période de quarantaine redémarrait.

En octobre, un mineur non accompagné de 15 ans originaire de Côte d’Ivoire est décédé dans un hôpital de Palerme, en Sicile, après avoir été maintenu en quarantaine sur un navire. Les médecins qui se trouvaient à bord avaient demandé un débarquement anticipé en raison de la dégradation de son état de santé. Selon les informations recueillies, il présentait des marques de torture subie en Libye.

En décembre, le Parlement a modifié les deux lois relatives à la sécurité, dites « décrets sécurité », qui avaient été adoptées en 2018 et 2019. La nouvelle loi 173/2020 a rétabli la protection humanitaire, dont l’abolition en 2018 avait privé environ 37 000 personnes de situation régulière. Elle a également réduit de 180 à 90 jours la durée maximale des séjours en centre de rétention en cas de rapatriement. Des structures plus petites ont de nouveau pu accueillir les personnes demandeuses d’asile et leur fournir une assistance dans de meilleures conditions, facilitant leur intégration.

Criminalisation de la solidarité

Les autorités ont continué de sanctionner les ONG pour leurs activités de sauvetage en mer. Des navires ont été inspectés et saisis, et de nombreuses amendes ont été imposées [1] .

La situation des ONG qui opéraient des sauvetages a aussi connu quelques évolutions positives. En février, la Cour de cassation siégeant à Rome, la capitale, a jugé que l’arrestation en juin 2019 de la capitaine du Sea Watch 3, Carola Rackete, était illégale. Celle-ci était entrée dans les eaux territoriales, passant outre l’interdiction des autorités. La Cour a estimé qu’elle faisait son devoir en portant secours à des personnes en mer et qu’une opération de sauvetage devait s’achever par un débarquement en lieu sûr. En novembre, le tribunal de Ragusa, en Sicile, a abandonné les charges d’aide à l’immigration clandestine, notamment, qui avaient été retenues contre deux membres de l’équipage de l’ONG Proactiva Open Arms en lien avec un sauvetage en 2018, reconnaissant qu’ils avaient agi en « état de nécessité ».

Les 10 membres de l’équipage du navire de sauvetage Iuventa attendaient toujours la clôture d’une enquête pour aide à l’immigration clandestine ouverte en 2017 par le parquet de Trapani, en Sicile.

La loi 173/2020, adoptée en décembre, a aboli l’interdiction d’entrer dans les eaux territoriales qui était faite aux navires de sauvetage, ainsi que les lourdes amendes administratives qui y étaient associées, à condition que leurs opérations soient menées en conformité avec le droit international, qu’elles soient coordonnées par les autorités maritimes compétentes et que le pavillon du navire soit indiqué. Cependant, les infractions à ces règles restaient passibles de peines allant jusqu’à 50 000 euros d’amende et deux ans de prison. Le ministre de l’Intérieur pouvait toujours interdire l’entrée dans les eaux territoriales pour des motifs relatifs à l’ordre public et à la sécurité et en cas de traite d’êtres humains.

Coopération avec la Libye

L’Italie a continué de coopérer avec la Libye en matière de contrôle des frontières. Ainsi, plus de 11 265 personnes ont été interceptées par les autorités libyennes puis débarquées en Libye, où les réfugié·e·s et les migrant·e·s continuaient de subir des actes de torture et d’autres mauvais traitements systématiques (voir Libye).

En janvier, la commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a demandé à l’Italie de suspendre les activités de coopération qui entraînaient, directement ou indirectement, le retour en Libye des personnes interceptées en mer. Pourtant, le protocole d’accord signé avec la Libye en 2017, qui servait de fondement à la collaboration entre les deux pays pour le contrôle des frontières, a été automatiquement reconduit pour trois années supplémentaires. En février, le gouvernement italien, soulignant la nécessité d’améliorer les garanties relatives aux droits humains des personnes réfugiées et migrantes, a proposé certaines légères modifications, qui n’ont pas été acceptées par le gouvernement libyen d’entente nationale. Cela n’a pas empêché l’Italie de continuer d’apporter son aide aux autorités maritimes libyennes, notamment en augmentant le nombre de militaires italiens déployés en Libye.

En mai, le tribunal de Messine, en Sicile, a condamné en première instance trois étrangers à 20 ans de prison pour torture sur des personnes réfugiées ou migrantes dans un centre de détention de Zaouïa, en Libye.

En août, cinq demandeurs d’asile érythréens ont atterri à Rome, en possession de visas accordés par les autorités italiennes qui leur permettaient de solliciter l’asile en Italie. La délivrance de ces visas avait été ordonnée en 2019 par un tribunal italien, qui avait jugé que ce groupe avait été victime d’un renvoi forcé illégal (push-back) en Libye 10 ans plus tôt.

Le procès de l’ancien ministre de l’Intérieur pour avoir illégalement privé de liberté plus de 100 personnes secourues en mer puis maintenues à bord d’un navire des gardes-côtes italiens, le Gregoretti, en juillet 2019, s’est ouvert en octobre devant le tribunal de Catane, en Sicile.

Droit à la vie

De nombreux décès en détention ont été enregistrés dans des prisons et des centres de rapatriement. En raison de la pandémie de COVID-19, les détenu·e·s étaient encore davantage isolés de la société et la fourniture de services a été réduite, notamment en matière de santé mentale. En mars, 13 décès ont été décomptés à la suite de troubles dans des prisons. Plusieurs morts étaient dues à des overdoses, car les détenu·e·s avaient pu accéder aux produits pharmaceutiques des infirmeries.

Un Géorgien et un Albanais sont morts respectivement en janvier et en juillet dans le centre de rapatriement de Gradisca d’Isonzo, dans le Frioul-Vénétie Julienne. L’enquête était toujours en cours à la fin de l’année.

Torture et autres mauvais traitements

De nombreux cas de torture et d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants commis par des agents pénitentiaires et de police ont été signalés.

Selon certaines informations, des agents pénitentiaires auraient roué de coups des détenus, blessant grièvement plusieurs d’entre eux, à la prison de Santa Maria Capua Vetere, près de Naples, le 6 avril, lorsqu’environ 300 agents se sont rendus sur les lieux pour une opération de perquisition. Une enquête était en cours à la fin de l’année.

En juillet, le parquet de Turin, dans le Piémont, a accusé 25 personnes, dont le directeur de la prison de Turin et de nombreux agents, d’avoir commis ou facilité des actes de torture et d’autres formes de mauvais traitements contre des détenus entre mars 2017 et septembre 2019.

Le procès de cinq agents pénitentiaires et d’un médecin accusés de torture en lien avec des faits ayant eu lieu en 2018 à la prison de San Gimignano, dans la province de Sienne, était en cours à la fin de l’année. Quinze autres agents pénitentiaires faisaient toujours l’objet d’une enquête.

Droits en matière de logement et expulsions forcées

Le gouvernement a suspendu les expulsions en mars, avant de prolonger cette mesure jusqu’à la fin de l’année. Pourtant, en août, les autorités locales ont procédé à l’expulsion forcée du campement rom de Foro Italico, à Rome. La plupart des habitant·e·s avaient abandonné leur domicile les jours précédents. De nombreuses familles se sont retrouvées sans abri.

Les autorités locales n’ont pas veillé à ce que les travailleuses et travailleurs migrants employés pour ramasser des fruits – souvent dans des conditions assimilables à de l’exploitation – dans la plaine de Gioia Tauro, en Calabre, bénéficient d’une protection suffisante contre le COVID-19, et notamment d’un logement convenable. Pendant la pandémie, des centaines de migrant·e·s vivaient dans des quartiers informels sans électricité ni service d’assainissement, avec un accès insuffisant à l’eau potable et à la nourriture.

De nombreuses personnes sans abri à travers le pays n’ont pas eu accès à un hébergement sûr pendant le confinement et ont eu du mal à trouver de la nourriture et de l’aide en raison de la fermeture des soupes populaires et des dortoirs où des cas de COVID-19 avaient été détectés.

Droits des femmes

Les ONG de défense des droits des femmes ont signalé une augmentation de la violence domestique pendant le confinement. Selon les chiffres officiels, une ligne téléphonique nationale pour l’aide aux victimes de violence domestique a enregistré plus de 23 000 appels en 2020, contre 13 400 pour l’année 2019.

En octobre, le Comité des ministres [Conseil de l’Europe], qui surveillait l’exécution de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme dans l’affaire Talpis c. talie, a exprimé sa préoccupation face au nombre élevé de procédures pour violence domestique interrompues par des décisions de non-lieu au stade de l’enquête préliminaire. Le Comité a demandé que, d’ici le 31 mars 2021, les autorités fournissent des informations et des données sur les ordonnances de protection et les évaluations des risques pour les victimes.

Le nombre de gynécologues qui s’opposaient à l’avortement en raison de leurs convictions personnelles restait un obstacle majeur à l’accès au droit à l’avortement. En août, le ministère de la Santé a approuvé de nouvelles directives pour étendre l’accès à l’avortement médical.

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