Malte - Rapport annuel 2020

carte Malte rapport annuel amnesty

République de Malte
Chef de l’État : George Vella
Chef du gouvernement : Robert Abela (a remplacé Joseph Muscat en janvier)

L’enquête publique sur l’assassinat de la journaliste Daphne Caruana Galizia s’est poursuivie. L’État a eu recours à des pratiques illégales pour empêcher les personnes réfugiées ou migrantes d’atteindre le pays par la mer et a continué de détenir arbitrairement des demandeurs et demandeuses d’asile, dont les conditions de vie se sont détériorées en raison de la pandémie de COVID-19. L’interdiction de toute forme d’avortement demeurait en vigueur.

Contexte de la situation des droits humains à Malte

Le 7 mars, le gouvernement a déclaré l’état d’urgence sanitaire pour enrayer la propagation du COVID-19 et a adopté des mesures de restriction de la liberté de circuler et de limitation des rassemblements publics.

En juin, la Commission européenne pour la démocratie par le droit (« Commission de Venise ») [Conseil de l’Europe] a rendu un avis sur les propositions du gouvernement pour renforcer l’état de droit. Des progrès ont été observés, mais il restait encore des efforts à faire pour renforcer l’indépendance de la justice et les pouvoirs du Parlement ainsi que ceux du défenseur des droits, et pour permettre à la société civile de participer aux réformes.

Droit à la vérité, à la justice et à des réparations

En janvier, l’ancien Premier ministre Joseph Muscat a démissionné à la suite de manifestations massives qui s’étaient déroulées fin 2019. Ces manifestations avaient été déclenchées par des révélations selon lesquelles des membres de son cabinet et de proches collaborateurs auraient été impliqués dans l’assassinat de la journaliste Daphne Caruana Galizia en 2017. Joseph Muscat a été interrogé par la police au mois d’août. En septembre, le Conseil de l’Europe a demandé au Premier ministre Robert Abela de ne pas compromettre la crédibilité de l’enquête ni en perturber le calendrier. L’enquête publique sur l’assassinat de la journaliste était toujours en cours à la fin de l’année.

Personnes réfugiées, demandeuses d’asile ou migrantes

Environ 2 300 personnes ont été secourues en mer et débarquées à Malte, soit un tiers de moins qu’en 2019, où 3 300 arrivées par la mer avaient été comptabilisées. Près d’un quart des personnes arrivées en 2020 étaient des mineur·e·s non accompagnés et environ 30 % venaient du Soudan.

En avril, inquiet du nombre de personnes arrivant dans le pays et de la pression supplémentaire que la pandémie exerçait sur les ressources, le gouvernement a annoncé qu’aucun débarquement ne serait autorisé et que les autorités maltaises n’allaient pas pouvoir assurer les opérations de recherche et sauvetage dans leur zone de responsabilité.

L’État a recouru à des pratiques illégales pour empêcher l’arrivée de personnes par la mer. Ces pratiques exposaient les personnes réfugiées ou migrantes à de graves dangers. Certaines ont notamment vu leur sauvetage retardé, ont été renvoyées en Libye ou se sont vu interdire de débarquer [1] . En avril, l’État a mandaté un navire marchand pour qu’il ramène en Libye un groupe de personnes qui se trouvaient en détresse en mer depuis plusieurs jours. D’après les personnes qui ont survécu, 12 hommes seraient morts, certains avant le sauvetage et d’autres pendant le trajet vers la Libye. Les autorités libyennes ont arrêté les 51 survivant·e·s à leur arrivée. Une ONG a porté plainte et une enquête a été ouverte et confiée à un magistrat pour déterminer la responsabilité du Premier ministre et du chef d’état-major des forces armées de Malte dans cette affaire. Fin mai, l’enquête a conclu à une absence d’acte répréhensible, mais sans avoir rassemblé d’éléments de preuve décisifs. Le recours déposé dans cette affaire était en instance à la fin de l’année.

En mai, Malte a signé un protocole d’accord avec la Libye pour lutter contre l’immigration clandestine, soulevant des inquiétudes parmi les ONG, qui craignaient que cela conduise à une multiplication des interceptions en mer et des renvois vers la Libye.

Entre fin avril et début juin, pour se soustraire à ses obligations en matière de droits humains, l’État a détenu sur des bateaux de tourisme en dehors des eaux territoriales plus de 425 personnes demandeuses d’asile ou migrantes qui avaient été secourues en mer dans la zone de recherche et de sauvetage maltaise. Ces navires n’étaient pas équipés pour de longs séjours. Aucun motif juridique n’a été avancé et les personnes détenues n’ont pas été autorisées à consulter un·e avocat·e ni à prendre contact avec des organisations indépendantes. Le 6 juin, ces personnes ont toutes été débarquées. Certaines avaient été arbitrairement privées de liberté pendant près de six semaines.

Durant près d’un mois et demi, l’État a refusé que le pétrolier Maersk Etienne débarque 27 personnes, dont une femme enceinte et un enfant, secourues en mer le 4 août à la demande des autorités maltaises. Ces personnes demandeuses d’asile ou migrantes ont finalement été transférées sur le navire d’une ONG, le Mare Jonio, et débarquées en Sicile (Italie) le 14 septembre.

En septembre, le HCDH a exprimé son inquiétude à propos des allégations de non-assistance à personne en détresse en mer et de la détention de personnes demandeuses d’asile ou migrantes dans des conditions susceptibles de constituer des mauvais traitements et aggravées par la pandémie de COVID-19. Dans un centre de détention, plusieurs cas d’automutilation et de tentatives de suicide ont été signalés au HCDH. L’accès des ONG et des avocat·e·s aux centres de détention pour personnes migrantes était de plus en plus restreint. Dans certains centres ouverts, des centaines de personnes demandeuses d’asile ou migrantes ont été mises en quarantaine pendant de longues périodes, dans des conditions de surpopulation ne permettant pas la distanciation physique et sans accès à des installations sanitaires suffisantes.

En octobre, un tribunal a ordonné la libération d’un demandeur d’asile qui avait été détenu sans base légale pendant 144 jours. Le tribunal s’est dit préoccupé par le fait que d’autres étrangères et étrangers pouvaient être détenus sans base légale et a informé le ministre de l’Intérieur de son jugement.

Trois jeunes demandeurs d’asile qui avaient refusé d’être renvoyés en Libye après avoir été secourus par le navire marchand El Hiblu 1 en mars 2019, et qui avaient été arrêtés à leur débarquement à Malte, attendaient toujours leur mise en accusation. Ils risquaient la réclusion à perpétuité, notamment au titre de la législation antiterroriste.

Droits des femmes et des filles

Cette année encore, des femmes n’ont pas été autorisées à interrompre leur grossesse, même lorsque leur vie était en danger.

En novembre, l’organe indépendant chargé de contrôler le respect de la Convention d’Istanbul (GREVIO) a félicité Malte pour avoir adopté en 2018 une définition du viol fondée sur l’absence de consentement, conformément aux normes internationales. Toutefois, cet organe a critiqué la tendance qu’avaient les autorités judiciaires à faire peser la charge de la preuve de l’absence de consentement sur la victime.

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