Ouzbékistan - Rapport annuel 2020

carte Ouzbékistan rapport annuel amnesty

République d’Ouzbékistan
Chef de l’État : Chavkat Mirziyoyev
Chef du gouvernement : Abdoulla Aripov

Le président de la République a donné la priorité à un programme de réformes, réaffirmant sa volonté d’améliorer l’image de son pays. Les droits à la liberté d’association, d’expression et de réunion pacifique restaient cependant étroitement encadrés. Cette année encore, les défenseur·e·s des droits humains ont fait l’objet d’une surveillance ciblée. Les progrès enregistrés dans la lutte contre le travail forcé dans le secteur cotonnier ont été entachés par le harcèlement dont ont été victimes des observateurs et observatrices indépendants. La hausse sensible des violences domestiques et liées au genre pendant la pandémie de COVID-19 a été d’autant plus dramatique que la quasi-totalité des centres d’accueil ont fermé pendant le confinement. Les relations sexuelles entre hommes consentants constituaient toujours une infraction pénale. Une proposition de loi prévoyant la mise en place d’un mécanisme indépendant destiné à recevoir les plaintes pour torture a été déposée. Toutefois, de nouveaux cas de torture et d’autres mauvais traitements, et notamment des décès en détention, ont été signalés cette année.

Contexte de la situation des droits humains en Ouzbékistan

Le programme de réformes du président de la République comportait notamment la création d’un Conseil national sur les classements internationaux, chargé de procéder à un examen systématique des réformes, et la mise en place d’une stratégie nationale relative aux droits humains prévoyant des mécanismes de suivi, y compris en matière de prévention de la torture.

Défenseures et défenseurs des droits humains

En mars, pour la première fois depuis 2003, les autorités ont officiellement reconnu l’ONG indépendante Khoukouki Taïantch (Soutien juridique). Elles ont cependant continué à refuser les demandes d’enregistrement d’autres organisations indépendantes de défense des droits humains, ou à faire obstacle à leur enregistrement.

Des défenseur·e·s des droits humains et des journalistes, y compris en exil, faisaient toujours l’objet d’une surveillance secrète et étaient la cible d’attaques sophistiquées par hameçonnage et au moyen de logiciels espions. Le cadre juridique dans lequel s’exerçait cette surveillance n’offrait pas de garanties suffisantes contre les pratiques abusives. Les services de sécurité sont parvenus à contourner les outils de protection utilisés par les militant·e·s pour échapper à la surveillance. Ils ont mené une campagne d’envoi de courriels malveillants passant par des sites Internet factices et ont eu recours à des logiciels espions installés dans des logiciels légitimes1.

Liberté de réunion

Publiée en août, la proposition de loi sur les rassemblements publics contenait des restrictions draconiennes du droit à la liberté de réunion pacifique. Ce texte, s’il était adopté, interdirait à toute ONG non reconnue officiellement d’organiser ou de tenir un rassemblement public, exigerait des organisateurs et organisatrices qu’ils demandent une autorisation 15 jours à l’avance, limiterait la durée du rassemblement à deux heures pendant la journée, et proscrirait tout rassemblement à moins de 300 mètres de certains lieux. Un rassemblement public tel que défini dans la proposition de loi s’entendait notamment des mobilisations express et des manifestations individuelles, ce qui rendait quasiment impossible l’exercice du droit à la liberté de réunion pacifique.

Liberté d’expression

En réponse à la pandémie de COVID-19, le parquet général a mis en place un groupe de travail réunissant plusieurs services et chargé de surveiller les réseaux sociaux, afin d’y traquer les « fausses nouvelles » et autres informations trompeuses concernant la propagation du virus. Des modifications du Code pénal renforçant les sanctions en cas de diffusion de ce type d’informations ont été adoptées fin mars. La peine encourue pour une telle infraction est passée de cinq à 10 ans d’emprisonnement maximum.

En mai, un jeune blogueur de Marguilan a été brièvement détenu par la police, qui l’accusait de ne pas avoir porté de masque en public, après qu’il eut mis en ligne sur son compte Facebook un commentaire où il approuvait un article critique à l’égard de la gestion de la pandémie par les autorités locales2.

Droits économiques, sociaux et culturels

Les progrès notables enregistrés dans la lutte contre le travail forcé dans le secteur cotonnier ont été entachés par le harcèlement dont ont été de nouveau victimes des défenseur·e·s des droits humains surveillant l’application des réformes de l’OIT pendant la récolte. En juin, la police de la région de Namangan a arrêté et frappé quatre observateurs et observatrices indépendants qui recueillaient les témoignages d’adolescent·e·s employés dans les champs de coton. Elle a confisqué leurs caméras, leurs téléphones portables et leurs notes, et les a contraints à subir un test de dépistage du COVID-19 avant de les placer en quarantaine et sous surveillance. En avril, les autorités ont invoqué les difficultés économiques dues à la pandémie pour faire pression sur l’organisation Cotton Campaign, afin que celle-ci se prononce en faveur d’une levée du boycott du coton ouzbek.

Discrimination

Les lesbiennes, Les gays et Les personnes bisexuelles, transgenres ou intersexes

Malgré les promesses faites par les autorités de réviser le Code pénal, les relations sexuelles entre hommes consentants constituaient toujours une infraction. Un membre de la délégation de l’Ouzbékistan auprès de l’ONU a déclaré en septembre que les relations autres qu’hétérosexuelles étaient contraires aux valeurs « traditionnelles » et que la population n’était pas prête à accepter une dépénalisation des relations entre personnes de même sexe. Des émissions diffusées sur les chaînes de télévision nationale ont dénigré les personnes LGBTI, les présentant comme la manifestation d’une « dangereuse influence étrangère ».

Les personnes LGBTI ont été confrontées à une discrimination accrue dans l’accès aux soins pendant la pandémie de COVID-19. Les jeunes LGBTI risquaient tout particulièrement d’être victimes de violences domestiques et liées au genre pendant le confinement. Dans l’impossibilité de sortir de chez eux et contraints de cohabiter avec des proches hostiles, voire violents, ils ne pouvaient pas se tourner vers les structures de soutien ni les services de proximité.

Les femmes

La violence au foyer et celle liée au genre ont considérablement augmenté pendant la pandémie. Des militant·e·s des droits humains ont indiqué que le problème était aggravé par le fait que seuls cinq centres d’accueil nationaux sur les 197 existants avaient pu fonctionner pendant les périodes de confinement et d’application d’autres mesures restrictives.

En juillet, une vague de menaces et d’injures a déferlé sur les réseaux sociaux contre un groupe de jeunes militantes qui avaient organisé un rassemblement express pour dénoncer la violence et la discrimination fondées sur le genre, après l’agression dont avait été victime une jeune fille de 17 ans et qui avait fait la une de la presse. Lors d’une émission télévisée diffusée en août sur une chaîne nationale, leur action a été présentée comme dangereuse et ces jeunes femmes se sont vu reprocher de ne pas respecter les valeurs « traditionnelles ».

Torture et autres mauvais traitements

En mai, les autorités ont fait part de leur intention de mettre en place des mécanismes indépendants qui seraient chargés d’enquêter sur les plaintes pour torture, de garantir une réparation effective et notamment une indemnisation aux victimes et à leurs familles, et d’inspecter les lieux de détention, afin d’éviter que des actes de torture et d’autres mauvais traitements n’y soient commis. Cette annonce faisait suite à la publication d’un décret présidentiel sur les mesures complémentaires destinées à renforcer la prévention de la torture.

Des cas de torture ont néanmoins continué d’être signalés. Des enquêtes ont été ouvertes en juillet sur la mort en prison ou en garde à vue de trois hommes, respectivement en janvier, juin et juillet, et les responsables présumés ont été inculpés de torture. En septembre, cinq policiers ont été reconnus coupables d’avoir torturé Youssouf Abdourakhmanov en janvier et ont été condamnés à des peines allant jusqu’à neuf ans d’emprisonnement. L’expertise médicolégale avait révélé la présence à l’intérieur d’un masque à gaz de traces de sang correspondant à celui de la victime. En novembre, le tribunal régional d’Andijan a condamné cinq policiers à 10 ans d’emprisonnement pour avoir torturé Alijon Abdoukarimov.

Impunité

Rejugé en mars par un tribunal de la région de Kachka-Daria, le défenseur des droits humains Tchouïan Mamatkoulov, victime de torture, a été acquitté de toutes les accusations dont il faisait l’objet et sa condamnation a été annulée. La Cour suprême lui a accordé en octobre une indemnisation financière. D’autres personnes qui militaient en faveur des droits humains n’ont cependant pas eu le droit de former un recours contre leur condamnation, en dépit de preuves accablantes montrant que les charges retenues contre elles avaient été forgées de toutes pièces et qu’elles avaient subi des tortures visant à les faire « avouer ».

1“Targeted surveillance attacks in Uzbekistan : An old threat with new techniques” (billet de blog, 12 mars)
2“Blogging in Uzbekistan : welcoming tourism, silencing criticism” (billet de blog, 25 juin)

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