Le régime en place au Turkménistan restait profondément autoritaire. Les atteintes graves aux droits humains étaient monnaie courante. Le droit à la santé a été bafoué sur fond de pandémie de COVID-19. Les autorités persistaient à nier l’existence de cas dans le pays, en dépit d’éléments prouvant le contraire. De lourdes restrictions pesaient sur le droit à la liberté d’expression. Les relations sexuelles entre hommes consentants constituaient toujours une infraction pénale. Les objecteurs de conscience au service militaire s’exposaient à des peines d’emprisonnement. On était toujours sans nouvelles d’au moins 120 détenus, victimes de disparition forcée.
Contexte de la situation des droits humains au Turkménistan
Le Turkménistan restait de fait fermé aux observatrices et observateurs internationaux, notamment celles et ceux chargés de missions relatives aux droits humains. Les médias étaient soumis à un strict contrôle de l’État, pratiquaient l’autocensure et ne pouvaient pas diffuser d’informations considérées comme négatives par les pouvoirs publics, y compris concernant la propagation du COVID-19. Le niveau de vie a continué de s’effondrer et, cette année encore, on a assisté à des pénuries de nourriture et d’argent liquide, qui ont souvent donné lieu à des files d’attente exceptionnellement longues devant les rares distributeurs de billets. Le taux de change officiel, qui surévaluait la monnaie locale, masquait la gravité de la situation économique.
Droit à la santé
Les autorités refusaient toujours d’admettre l’existence de cas de COVID-19. Elles ont retardé l’adoption des mesures recommandées par l’OMS, telles que la distanciation sociale ou le port du masque, qui ne sont intervenues qu’en juillet, tout en exigeant de la population qu’elle participe à des rassemblements de masse à l’occasion du Novrouz (fête traditionnelle pour célébrer le printemps), en mars, et de la Journée mondiale de la bicyclette, en juin. Radio Free Europe a annoncé en avril que le port du masque lors de ces événements serait puni d’une amende. La position officielle a changé en juillet, lorsque le ministère de la Santé a recommandé le port du masque, en raison d’une « concentration accrue de poussières dans l’air ».
À l’issue d’une mission conduite dans le pays en juillet, une délégation de l’OMS a pris acte de l’action récemment engagée pour prévenir la transmission du COVID-19 et a appelé le Turkménistan à prendre d’autres mesures de santé publique essentielles, notamment en matière de dépistage et de traçage. Elle a pu constater que les hôpitaux qu’elle avait visités étaient bien équipés, avec un taux d’occupation des lits et un nombre de personnes souffrant de maladies respiratoires relativement faibles. Toutefois, selon Radio Free Europe, ces hôpitaux avaient cessé les admissions de patient·e·s plusieurs jours avant l’arrivée de la délégation de l’OMS, et les personnes présentant des troubles respiratoires avaient été transférées dans d’autres services, dans lesquels elle ne s’était pas rendue. Alors que les autorités persistaient à nier tout décès dû au COVID-19, l’ONG Analytical Centre for Central Asia s’est intéressée aux tombes fraîchement creusées dans la ville de Balkanabad, en analysant les cartes Google du secteur. Elle a estimé que 317 nouvelles tombes étaient apparues pendant la seule période allant du 25 mars au 16 avril 2020, contre 524 entre le 31 mai 2018 et le 25 mars 2020.
Répression de la dissidence
Comme les années précédentes, les autorités ont étouffé l’expression pacifique de l’opposition ou de la critique. Les violents orages et les fortes pluies qui ont frappé l’est du pays en avril et en mai, détruisant des maisons et faisant des dizaines de victimes, ont été à l’origine de l’un des mouvements de protestation les plus soutenus. Les habitant·e·s, qui sont restés pendant des semaines dans des maisons inondées et privées d’électricité, ont dénoncé l’inaction des pouvoirs publics. Des manifestations ont eu lieu dans le pays et à l’étranger. Les autorités ont tenté d’y mettre fin en faisant pression sur les manifestant·e·s et sur leurs proches au Turkménistan. Des étudiant·e·s turkmènes scolarisés en Turquie ont affirmé avoir reçu la visite de membres de la police secrète de leur pays, qui les auraient menacés de retour forcé au cas où ils auraient participé à des manifestations. Un ami de l’organisateur de la contestation à Istanbul, qui vivait au Turkménistan, aurait été convoqué à plusieurs reprises dans les locaux de la branche locale du ministère de la Sécurité nationale, où il aurait été frappé et sommé de demander audit organisateur de ne pas prendre part au mouvement de protestation. Des dizaines de personnes ont également été arrêtées au Turkménistan pour avoir, selon les autorités, envoyé à des proches et à d’autres contacts vivant à l’étranger des photos et des vidéos des dégâts occasionnés par les orages. Pygambergeldy Allaberdyev, qui faisait partie de ces personnes, a été condamné en septembre à six ans d’emprisonnement pour houliganisme et coups et blessures, des accusations forgées de toutes pièces, en raison de ses liens avec des militant·e·s à l’étranger.
Droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles, transgenres ou intersexes
Les relations sexuelles librement consenties entre hommes constituaient toujours une infraction pénale passible de deux années d’emprisonnement. En mai, une personnalité du spectacle a été condamnée à deux années d’emprisonnement pour avoir eu des relations sexuelles librement consenties avec un partenaire du même sexe. Un nombre indéterminé d’autres hommes appartenant eux aussi au monde du spectacle auraient également été condamnés pour des faits similaires.
L’homophobie et la transphobie, largement répandues dans la société, exposaient les personnes LGBTI ou perçues comme telles à des risques de torture et d’autres mauvais traitements, de sévices sexuels et d’extorsion, notamment de la part de la police. Ces personnes subissaient aussi de fortes pressions de la part de leurs proches, qui cherchaient à protéger l’« honneur de la famille », notamment en leur imposant des mariages forcés.
Liberté de religion et de conviction
Les objecteurs de conscience faisaient l’objet de poursuites pénales. Deux témoins de Jéhovah, les frères Eldor et Sanjarbek Saburov, ont été condamnés en août à deux ans d’emprisonnement pour avoir refusé d’effectuer leur service militaire. Ils avaient déjà été condamnés à une peine administrative pour la même raison. Myrat Orazgeldiyev a lui aussi été condamné à deux ans d’emprisonnement, en septembre. Selon l’ONG Forum 18, quatre autres témoins de Jéhovah auraient été incarcérés en 2020 pour avoir refusé le service militaire pour des raisons de conscience et six autres, condamnés en 2018 et 2019, purgeaient toujours leurs peines d’emprisonnement à la fin de l’année.
Disparitions forcées
On était toujours sans nouvelles d’au moins 120 détenus, victimes de disparition forcée. Certains avaient été emprisonnés au lendemain d’une tentative d’assassinat qui aurait été menée en novembre 2002 contre le président alors en exercice, Saparmourad Niazov. Parmi ces personnes se trouvait Yazgeldy Gundogdyev. Cet homme, qui purgeait sa peine en détention au secret, est mort en décembre.