Les cas de violence liée au genre ont augmenté de façon spectaculaire et l’accès des femmes aux soins de santé sexuelle et reproductive a été restreint. Les inégalités déjà considérables au sein du système d’enseignement public ont été exacerbées par la pandémie de COVID-19 ; jusqu’à 500 000 enfants ont abandonné leur scolarité pendant cette période. De nombreux cas de corruption présumée ont été signalés au sein des directions provinciales de la santé. Plusieurs millions de personnes n’avaient pas d’accès satisfaisant à l’eau ni à l’assainissement. Des commerces détenus par des personnes étrangères ont été pris pour cibles lors d’attaques xénophobes, et les migrant·e·s sans papiers ont été exclus de la campagne de vaccination anti-COVID-19. Les forces de sécurité ont continué de recourir à une force excessive contre des manifestant·e·s pacifiques, et plusieurs centaines de personnes sont mortes à la suite d’interventions policières. Dans deux provinces, de violentes émeutes déclenchées par l’arrestation de l’ancien président Jacob Zuma ont fait au moins 360 morts et entraîné des pertes d’emplois, qui ont encore aggravé les inégalités. Les autorités n’ont pas fait le nécessaire pour que le secteur minier respecte les normes visant à empêcher les violations des droits humains contre les populations locales. Des éléments tendant à prouver la complicité de l’Afrique du Sud dans des crimes de guerre commis au Yémen ont été révélés. Des militant·e·s écologistes s’inquiétaient des menaces qu’un projet d’exploration pétrolière faisait peser sur la faune marine.
Contexte
En juillet, le président Cyril Ramaphosa a autorisé le déploiement de 1 495 militaires au Mozambique pour faire face à l’insécurité dans la province de Cabo Delgado, dans le nord-est du pays (voir Mozambique).
La Commission d’enquête sur les allégations de captation de l’État a continué d’entendre des témoignages concernant des accusations de corruption et d’autres pratiques abusives constituant une « captation de l’État » sous la présidence de Jacob Zuma, qui a été arrêté et incarcéré pour entrave à la justice après avoir refusé de comparaître devant cette instance. Il a bénéficié d’une libération conditionnelle pour raisons médicales après avoir purgé deux mois de sa peine de 15 mois d’emprisonnement. La première partie du rapport de la Commission d’enquête, portant principalement sur la corruption dans de grandes entités publiques, comme la compagnie South African Airways, devait être rendue publique en janvier 2022. Les deuxième et troisième parties du rapport étaient attendues en février 2022.
Violences fondées sur le genre
Selon les chiffres officiels sur la criminalité publiés en août, certaines formes de violence liée au genre ont fortement augmenté. Malgré l’adoption par le gouvernement, en 2019, d’un Plan national stratégique sur la violence liée au genre et les féminicides, destiné à renforcer la réponse des pouvoirs publics face à l’ampleur de ces violences, les statistiques ont révélé une hausse de 72,4 % des viols, de 77,6 % des autres formes d’agression sexuelle et de 74,1 % de toutes les infractions à caractère sexuel par rapport à l’année précédente.
Bien que cette augmentation spectaculaire ait été attribuée à une sous-estimation du nombre de cas en 2020 due à la diminution des signalements pendant la période de confinement, les chiffres de 2021 demeuraient supérieurs à ceux enregistrés avant la pandémie. En septembre, le Parlement a adopté trois nouveaux projets de loi visant à renforcer la protection contre les violences fondées sur le genre.
Au moins 117 féminicides ont été commis au cours du premier semestre. En août, le meurtre de Nosicelo Mtebeni par son compagnon a suscité une vague d’indignation. Cette femme de 23 ans était étudiante en dernière année de droit à l’université de Fort Hare, dans la province du Cap-Oriental, quand elle a été tuée. Son corps a été démembré puis placé dans une valise et des sacs en plastique. Son compagnon a été condamné à 25 ans d’emprisonnement pour ce meurtre.
Droits sexuels et reproductifs
Beaucoup de femmes et de filles n’ont pas pu accéder aux services de santé sexuelle et reproductive pendant les confinements liés à la pandémie de COVID-19. Dans la province du Gauteng, 23 226 grossesses d’adolescentes ont été recensées entre avril 2020 et mars 2021. Parmi celles-ci, 934 concernaient des filles âgées de 10 à 14 ans. Le taux élevé de grossesse chez les adolescentes a été partiellement attribué aux difficultés d’accès aux contraceptifs. Une étude menée par le Conseil sud-africain de la recherche médicale (SAMRC) auprès de jeunes filles et femmes de 15 à 24 ans a révélé que 21 % des personnes interrogées avaient rencontré des difficultés pour se procurer des préservatifs en raison des mesures liées à la pandémie.
Droit à l’éducation
Le système éducatif a connu des défaillances systématiques pendant la pandémie de COVID-191. Selon l’Enquête nationale rapide par téléphone mobile sur les effets du coronavirus sur le revenu national, à laquelle ont collaboré une trentaine de chercheurs et chercheuses sud-africains issus de plusieurs universités et centres de recherche, jusqu’à 500 000 élèves supplémentaires ont abandonné leur scolarité pendant la pandémie. Leur nombre total atteignait environ 750 000 en mai, soit plus du triple de celui constaté avant la pandémie (230 000). D’après le ministère de l’Éducation, parmi les élèves enceintes âgées de 10 à 19 ans, une sur trois n’est pas retournée à l’école.
De nombreux établissements scolaires étaient sous-financés et les conditions sanitaires y étaient mauvaises. Au 12 avril, 5 167 établissements utilisaient encore des latrines à fosse, contraires à la législation en matière de santé et de sécurité.
Droit à la santé
L’Afrique du Sud demeurait le pays le plus touché par la pandémie de COVID-19 en Afrique, tant en termes d’incidence que de décès. En juillet, les structures de soins peinaient à faire face à la troisième vague. Rien que dans la province du Gauteng, près de 91 % des lits des hôpitaux privés et publics étaient occupés. Environ 8,4 millions de personnes présentaient un schéma vaccinal complet en septembre, sur une population de presque 60 millions. Les migrant·e·s sans papiers ont été exclus de la campagne de vaccination.
Le Forum de lutte contre la corruption dans le secteur de la santé (HSACF) et l’Unité spéciale d’enquête (SIU) ont pris en charge de nombreux signalements de corruption au sein des services de santé provinciaux. Le ministre de la Santé, Zweli Mkhize, a démissionné en août après avoir été mis en cause dans une affaire de passation de marché irrégulière pour des services de communication relatifs à la pandémie de COVID-19, qui aurait donné lieu au détournement de 150 millions de rands sud-africains (plus de 10 millions de dollars des États-Unis).
Droit à l’eau et à l’assainissement
Une partie de la population restait confrontée à des difficultés pour accéder à l’eau et à l’assainissement. Selon le ministère de l’Eau et de l’Assainissement, quelque 5,3 millions de foyers ne disposaient pas d’un accès sûr et fiable à l’eau potable et 14,1 millions de personnes n’avaient pas accès à des installations sanitaires satisfaisantes. Dans certaines municipalités, seulement 50 % des habitant·e·s bénéficiaient de réseaux d’assainissement convenables. Des manifestations pour l’accès à l’eau et à l’assainissement ont eu lieu tout au long de l’année et ont perturbé les inscriptions sur les listes électorales pour les élections locales de novembre. En septembre, des habitant·e·s de Khayelitsha, un township du Cap, la capitale parlementaire du pays, ont protesté contre les canalisations bouchées et les eaux usées se déversant dans leurs rues jusqu’à l’intérieur des logements, ce qui constituait une menace pour leur santé.
Droits des personnes réfugiées ou migrantes
Plus de 153 000 demandes d’asile étaient en attente d’examen. Le gouvernement et le HCR ont signé en mars un accord de 9,6 millions de dollars des États-Unis pour rattraper ce retard et réorganiser le système de gestion de l’asile d’ici à 2024. En mai, la chambre de la Cour suprême de la province du Cap-Ouest a ordonné la réouverture du Bureau d’accueil des réfugiés (RRO) du Cap, qui avait été fermé en 2012. Cette décision faisait suite au non-respect par le ministère de l’Intérieur d’une décision de 2017 de la Cour suprême d’appel lui ordonnant de rouvrir ce RRO avant mars 2018. Depuis sa fermeture, les demandeurs et demandeuses d’asile vivant au Cap devaient se rendre à Durban, Messina ou Pretoria (villes situées respectivement à 1 455, 1 633 et 1 923 kilomètres du Cap) plusieurs fois par an pour renouveler leur titre de séjour.
Des attaques xénophobes sporadiques ont eu lieu au cours de l’année ; des commerces appartenant à des migrant·e·s ont notamment été pris pour cibles à Durban.
Recours excessif à la force
La police sud-africaine a cette année encore eu recours à une force excessive contre des manifestant·e·s pacifiques, dont certains sont morts ou ont été blessés. La Direction indépendante d’enquête sur la police (IPID), organe de surveillance officiel de la police, avait reçu 6 122 nouvelles plaintes à la fin de l’exercice budgétaire 2020-2021, le 28 février. Parmi elles, 4 228 concernaient des coups et blessures, 353 des décès résultant d’agissements de policiers, 256 des actes de torture et 80 des viols commis par des policiers.
L’IPID a reçu 74 plaintes au cours des émeutes de juillet dans certaines zones du Gauteng et du KwaZulu-Natal (voir Droit à la vie et à la sécurité de la personne). Les décès résultant d’interventions policières constituaient le principal motif de plainte (26 cas) ; 25 autres plaintes portaient sur des coups et blessures, et quatre sur des décès en garde à vue. Deux plaintes ont été déposées pour torture.
Homicides illégaux
En mars, Mthokozisi Ntumba a été abattu par des membres de la police sud-africaine (SAPS) alors qu’il passait à côté d’une manifestation étudiante dans le quartier de Braamfontein, à Johannesburg. Les étudiant·e·s de l’université du Witwatersrand protestaient contre l’exclusion des élèves ayant des arriérés de frais de scolarité. Le procès de quatre policiers pour la mort de Mthokozisi Ntumba a été reporté à 2022.
Droit à la vie et à la sécurité de la personne
En juillet, de violentes émeutes accompagnées de pillages et de destructions de biens ont eu lieu dans certaines zones des provinces du Gauteng et du KwaZulu-Natal, à la suite de l’emprisonnement de Jacob Zuma. Les troubles se sont étendus à des quartiers résidentiels et, en l’absence de présence policière manifeste, de nombreux habitants ont eu recours à l’autodéfense. La SAPS a été déployée en appui des policiers présents sur place2. Au moins 360 personnes sont mortes durant cette semaine d’émeutes. Certaines ont péri dans des bousculades, d’autres ont été tuées par des tirs à balle réelle ou des balles en caoutchouc tirées à bout portant.
Responsabilité des entreprises
Le ministère des Ressources minérales et de l’Énergie n’avait toujours pas atteint son objectif annuel d’inspection des mines pour vérifier qu’elles respectaient leur Plan de développement local et d’amélioration des conditions de travail (SLP). Le respect rigoureux des SLP permettrait en partie de remédier aux conséquences socioéconomiques négatives des activités minières et de prévenir certaines atteintes aux droits humains.
Transferts d’armes irresponsables
En mars, un rapport de recherches publié par Open Secrets, organisation dénonçant les infractions économiques commises par le secteur privé, a révélé des liens entre l’Afrique du Sud et des crimes de guerre qui auraient été commis au Yémen. Selon ce rapport, Rheinmetall Denel Munitions, entreprise publique, et d’autres sociétés sud-africaines ont régulièrement fourni des armes, notamment des bombes et des obus, à la coalition dirigée par l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis au Yémen avant et pendant le conflit (voir Yémen). En juin, la chambre de la Cour suprême siégeant à Pretoria a ordonné que la liste des entreprises sud-africaines ayant vendu des armes utilisées contre des populations civiles au Yémen soit rendue publique.
Dégradations de l’environnement
En juillet, le Centre national de gestion des catastrophes naturelles, organisme d’État, a déclaré l’état de catastrophe naturelle dans les provinces du Cap-Est, du Cap-Nord et du Cap-Ouest en raison de la sécheresse. Le premier cadre juridique global de lutte contre le changement climatique du pays a été mis à l’ordre du jour du Parlement en novembre. Le même mois, le gouvernement a lancé, avec la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni, les États-Unis et l’UE, un Partenariat pour une transition énergétique juste. En décembre, le ministre des Ressources minérales et de l’Énergie a défendu le projet d’exploration pétrolière par ondes sismiques de Shell sur la Côte sauvage, que les défenseur·e·s de l’environnement accusaient de menacer la faune marine. Le 28 décembre, la chambre de la Cour suprême siégeant à Makhanda (Cap-Est), saisie d’une demande d’interdiction de ce projet, a rendu une ordonnance imposant l’arrêt temporaire de l’exploitation tant que la procédure judiciaire ne serait pas terminée.