La Loi portant code du numérique a continué d’être employée pour restreindre la liberté d’expression. Cette année encore, des violations des droits d’opposant·e·s politiques détenus ont été signalées. Au moins cinq personnes ont été tuées lors d’affrontements entre des manifestant·e·s et les forces de défense et de sécurité dans le contexte de l’élection présidentielle. Des membres d’associations de défense des personnes transgenres et LGBTI ont été agressés et menacés.
Contexte
Patrice Talon a été réélu au premier tour de l’élection présidentielle du 11 avril, avec 86,36 % des voix. La Cour constitutionnelle avait rejeté les candidatures des principaux opposant·e·s politiques.
Le 14 octobre, le Bénin a été élu membre du Conseil des droits de l’homme [ONU] pour la période 2022-2024.
Liberté d’expression et détentions arbitraires
Jean Kpoton, militant en faveur d’une bonne gouvernance, a été arrêté le 13 janvier et condamné le 9 février à 12 mois d’emprisonnement et à une amende de 200 000 francs CFA (304 euros) par le tribunal de première instance de Cotonou. Il avait commenté une publication avançant que la voiture utilisée par le président Patrice Talon lors d’une tournée à travers le pays, en janvier, avait été louée 6 millions de francs CFA (9 146 euros) par jour. Il a été déclaré coupable, en vertu de la Loi de 2018 portant code du numérique, de « harcèlement par le biais d’une communication électronique », infraction dont le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a estimé la définition « vague et trop large » dans un avis rendu en octobre 2020.
Le 19 mai, la Cour suprême a confirmé le jugement rendu en mai 2020 par une cour d’appel, qui avait alors condamné le journaliste Ignace Sossou à un an d’emprisonnement, dont six mois avec sursis, pour « harcèlement par le biais d’une communication électronique » en vertu de la Loi portant code du numérique, après qu’il avait cité le procureur de la République dans une publication sur Twitter. L’équipe assurant la défense d’Ignace Sossou avait souhaité que la Cour suprême reconnaisse la détention de leur client comme arbitraire, comme l’avait fait le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire en août 2020.
Le 7 décembre, deux journalistes du quotidien Le Soleil Bénin Info ont été condamnés à six mois d’emprisonnement avec sursis et à une amende de plus de 500 000 francs CFA (762 euros) pour « harcèlement par le biais d’une communication électronique » à la suite d’une plainte en diffamation déposée par un inspecteur des douanes.
Droit à un procès équitable
Au moins dix militant·e·s et opposant·e·s politiques ont été arrêtés et détenus lors de manifestations et d’affrontements entre des manifestant·e·s et les forces de défense et de sécurité dans plusieurs villes, aux alentours de l’élection présidentielle.
Joël Aïvo, dont la candidature à l’élection présidentielle avait été rejetée, a été arrêté et détenu à Cotonou le 15 avril. Il était accusé d’« atteinte à la sûreté de l’État » et de « blanchiment de capitaux ». Reckiatou Madougou, membre du parti d’opposition Les Démocrates et dont la candidature avait aussi été rejetée, a été arrêtée le 3 mars à Porto-Novo et détenue à la prison d’Akpro-Missérété. Elle a été inculpée de « financement du terrorisme » au motif qu’elle aurait « formé le dessein de perturber le déroulement du prochain scrutin en perpétrant des actes de terreur de grande ampleur ». Les avocat·e·s de ces deux opposant·e·s politiques ont dénoncé des violations du droit de leurs client·e·s de communiquer avec leur famille et de recevoir des visites régulières de celle-ci et de leur droit de s’entretenir avec leurs avocat·e·s en toute confidentialité. Les 6 et 11 décembre, la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme a condamné Joël Aïvo et Reckiatou Madougou à 10 et 20 ans d’emprisonnement respectivement. Le Département d’État américain a déclaré que leurs procès faisaient « craindre de graves ingérences politiques dans la justice béninoise ».
Recours excessif à la force
Des manifestations et des émeutes ont eu lieu dans différentes villes du nord et du centre du pays plusieurs jours avant l’élection présidentielle du 11 avril. Selon la Commission béninoise des droits de l’homme, au moins cinq personnes ont été tuées par balle par les forces gouvernementales à Bantè et Savè, dans le département des Collines. Le 14 avril, le ministère de l’Intérieur et de la Sécurité publique a déclaré que 21 membres des forces de défense et de sécurité avaient été blessés par balle en levant des barrages routiers.
Dans une résolution datée du 4 mai, la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples a condamné « la répression des manifestations par l’armée » et a appelé à l’ouverture d’une « enquête indépendante et impartiale ».
Droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles, transgenres ou intersexes
Le 30 avril, trois femmes transgenres ont été forcées à se dévêtir avant d’être rouées de coups et détroussées par un groupe d’hommes dans un bar de Cotonou. Ces derniers ont filmé l’agression et diffusé la vidéo sur les réseaux sociaux. Les trois victimes ont trouvé refuge auprès d’une association locale de défense des personnes transgenres mais ont continué à recevoir des menaces. Des associations de défense des droits des personnes LGBTI de tout le Bénin, qui ont soutenu ces femmes, ont également été menacées. Le 30 juin, le tribunal de première instance de Cotonou a condamné l’un des agresseurs à 12 mois d’emprisonnement, dont six mois avec sursis, pour coups et blessures volontaires.
Droit à la santé
La campagne de vaccination contre la pandémie de COVID-19 a débuté le 29 mars et, au 7 novembre, 347 270 personnes avaient reçu une première dose de vaccin et 265 501 étaient entièrement vaccinées. Selon les statistiques officielles, ce dernier chiffre représentait 3,64 % de la population. Le 1er septembre, l’État a rendu la vaccination obligatoire, notamment pour le personnel médical, paramédical et pharmaceutique.
Droit à la vérité, à la justice et à des réparations
Le 21 janvier, la Cour constitutionnelle a validé le retrait de la déclaration faite par le Bénin au titre de l’article 34(6) du Protocole relatif à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples portant création d’une Cour africaine des droits de l’homme et des peuples. Dès lors, les personnes et les ONG ne pouvaient plus introduire de requêtes directement devant cette juridiction.