Burkina Faso - Rapport annuel 2021

carte Burkina Faso rapport annuel amnesty

Burkina Faso
Chef de l’État : Roch Marc Christian Kaboré
Chef du gouvernement : Lassina Zerbo (a remplacé Christophe Joseph Marie Dabiré en décembre)

Des groupes armés ont continué à lancer des attaques meurtrières contre la population civile, y compris des enfants. Le droit à l’éducation et le droit à la santé ont été mis à mal et des cas de violences sexuelles ont été signalés dans le contexte du conflit. L’impunité demeurait généralisée pour les graves atteintes aux droits humains. Les autorités ont menacé la liberté de la presse.

Contexte

Le président Roch Marc Christian Kaboré, réélu pour un deuxième mandat à la fin de l’année 2020, a adopté une politique de dialogue et de main tendue avec certains des groupes armés opérant dans le nord du Burkina Faso. Malgré cela, le conflit armé a continué de faire rage. Un massacre perpétré contre la population civile dans la ville de Solhan en juin a déclenché des manifestations de grande ampleur, qui ont mené au limogeage du ministre de la Défense. D’autres manifestations contre la situation sécuritaire ont eu lieu à la suite d’une attaque contre un détachement de gendarmerie à Inata, entraînant en décembre la démission du gouvernement et la nomination d’un nouveau Premier ministre.

La situation humanitaire demeurait précaire : le nombre de personnes déplacées à l’intérieur du pays est passé d’environ un million en janvier à 1 368 000 en juillet, selon le HCR, organisme des Nations unies chargé des personnes réfugiées.

Exactions perpétrées par des groupes armés

Le conflit qui faisait rage dans le nord et l’est du Burkina Faso continuait de perturber la vie de la population civile et d’entraver ses activités. Des groupes armés ont lancé des attaques aveugles, susceptibles de constituer à ce titre des crimes de guerre.

La ville de Mansila (province du Yagha) a continué de faire l’objet d’un blocus imposé par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) durant toute l’année, ce qui a entraîné le déplacement de nombreuses personnes et placé la population dans une situation d’insécurité alimentaire.

En avril, un convoi civilo-militaire dépêché pour recueillir des informations sur les activités de braconnage dans la réserve de Pama (province de la Kompienga) est tombé dans une embuscade tendue par un groupe armé. Selon des sources gouvernementales, trois journalistes étrangers et un ressortissant burkinabè ont été tués.

En mai, un groupe armé a tué 30 villageois·es lors d’une attaque lancée à Kodyel (province du Komondjari).

En juin, un groupe armé non identifié a attaqué des positions des Volontaires pour la défense de la patrie, une force faisant office d’auxiliaire de l’armée, à l’entrée de la ville de Solhan (province du Yagha) avant d’envahir la ville et de tuer des habitant·e·s sans distinction. Cette attaque a fait au moins 132 morts et 40 blessés, et a provoqué le déplacement de 707 familles1.

En août, un convoi militaire auquel s’étaient joints des civil·e·s est tombé dans une embuscade tendue par un groupe armé entre Arbinda et Dori. Cette attaque a fait 65 morts, dont 59 personnes civiles, selon des sources gouvernementales.

Violences fondées sur le genre

En juin, l’ONG Médecins sans Frontières a signalé une augmentation des violences sexuelles dans les régions touchées par le conflit.

Des médias ont recueilli des informations sur des échanges présumés d’actes sexuels contre une aide alimentaire fournie par des ONG locales facilitant l’accès des personnes déplacées à l’aide humanitaire à Kaya, une ville de la province du Sanmatenga, province accueillant le plus grand nombre de personnes déplacées au Burkina Faso.

Droits des enfants

Des dizaines d’enfants ont été tués dans des attaques lancées par des groupes armés contre des villes et des villages. Selon l’UNICEF, au moins 20 enfants ont été tués lors de l’attaque menée contre la ville de Solhan en juin et des centaines ont été déplacés avec leur famille.

Des groupes armés, notamment le GSIM et l’État islamique au Grand Sahara (EIGS), ont continué de recruter des enfants et de les faire participer aux hostilités, en violation du droit international humanitaire.

Droit à l’éducation

Des groupes armés, parmi lesquels le GSIM et l’EIGS, ont continué d’interdire ce qu’ils estimaient être une éducation « occidentale » au Burkina Faso. En outre, les menaces et les violences dissuadaient encore les enseignant·e·s de rester sur leur lieu d’affectation officiel. En mars, 323 élèves ont été contraints de fuir leur école à la suite d’attaques perpétrées par des groupes armés dans la région de la Boucle du Mouhoun. Entre le 21 et le 28 juin, huit écoles ont été attaquées par des groupes armés dans le département de Manni (province de la Gnagna). Du matériel scolaire a été dérobé et des biens ont été détruits.

Depuis le début du conflit, plus de 2 682 écoles avaient été fermées. En mai, ces fermetures concernaient 304 564 élèves, dont 148 046 filles, et 12 480 enseignant·e·s, dont 4 568 femmes. L’État, avec l’appui de l’UNICEF, a mis en place des modèles pédagogiques différents, comme l’enseignement par radio, dont 647 081 élèves ont bénéficié pendant l’année.

Droit à la vérité, à la justice et à des réparations

En mai, les autorités ont créé une nouvelle unité militaire, les Forces spéciales, dont le mandat englobait, entre autres, les opérations de lutte contre le terrorisme. Un décret publié en juin précisant le statut de ces Forces spéciales disposait que leurs membres ne pouvaient être poursuivis en justice pour un quelconque acte commis en opération. Cette disposition d’immunité bafouait le droit des victimes à la justice et à des réparations.

En juillet, le Conseil d’État français a validé l’extradition de François Compaoré, frère de l’ancien président burkinabè Blaise Compaoré, vers le Burkina Faso, où un mandat d’arrêt avait été décerné contre lui pour incitation à assassinat à la suite de la mort du journaliste d’investigation Norbert Zongo, en 1998. La Cour européenne des droits de l’homme a sursis à l’application de cette décision en août, en attendant que le recours formé devant elle par François Compaoré soit examiné.

Les premiers procès pour des charges liées au terrorisme se sont tenus en août devant le tribunal de grande instance de Ouagadougou. Deux membres du groupe armé Ansarul Islam ont été condamnés à 20 ans de réclusion pour « association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste », « détention illégale d’armes et de munitions de guerre », « complicité de terrorisme » et « destruction volontaire de biens » à la suite de l’attaque et de la destruction d’une école primaire à Bafina (province du Sanmatenga), perpétrée en 2018. En outre, le tribunal leur a ordonné de payer 4 millions de francs CFA (environ 7 240 dollars des États-Unis) de dommages et intérêts chacun.

À la fin de l’année, aucun progrès sensible n’avait été accompli dans l’enquête sur les homicides illégaux de 50 personnes et les disparitions forcées de 66 autres, que les milices koglweogo auraient perpétrés dans le village de Yirgou (province du Sanmatenga) en janvier 2019.

Liberté d’expression

Les autorités ont bafoué la liberté de la presse à plusieurs reprises et n’ont pas protégé les journalistes. En mars, Ladji Bama, rédacteur du journal Le Courrier confidentiel, a reçu l’ordre de payer 2 millions de francs CFA (environ 3 620 dollars des États-Unis) de dommages et intérêts, après que le parti au pouvoir a déposé une plainte pour « diffamation ». En novembre 2020, des coups de feu avaient été tirés contre sa voiture non loin de Dori. Il avait alors accusé le parti au pouvoir d’avoir participé à cette attaque dans une publication diffusée sur Facebook, avant de porter plainte contre X pour « tentative d’assassinat ». Fin 2021, aucun élément nouveau sur le front judiciaire n’avait été communiqué quant à cette plainte.

Après l’attaque lancée contre la ville de Solhan en juin, le Conseil supérieur de la communication a suspendu pour cinq jours les émissions de radio et de télévision du groupe Omega au motif que celui-ci avait donné des informations erronées sur l’attaque. Le groupe affirmait que des personnes déplacées de Solhan étaient tombées dans une embuscade sur la route de Dori. Dans une lettre, le Conseil a également menacé Radio France Internationale de suspension en raison de la manière dont elle avait traité l’attaque et la réaction des pouvoirs publics.

Droit à la santé

Le Burkina Faso a lancé une campagne nationale de vaccination contre le COVID-19 en juin mais n’a pas atteint son objectif de 70 % de personnes vaccinées, à peine 1,6 % de la population ayant reçu le vaccin en décembre. Le conflit limitait l’accès aux vaccins dans les zones reculées et les camps de personnes déplacées.
Selon le CICR, l’accès aux soins de santé dans les régions touchées par le conflit était d’autant plus réduit que le personnel soignant s’en allait en raison des violences.

Burkina Faso. Après le massacre de Solhan, la protection de la population doit être la priorité (AFR 60/4249/2021), 7 juin

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