Cameroun - Rapport annuel 2021

carte Cameroun rapport annuel amnesty

République du Cameroun
Chef de l’État : Paul Biya
Chef du gouvernement : Joseph Dion Ngute

Dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, l’armée et des groupes séparatistes armés ont commis de graves atteintes aux droits humains. Dans la région de l’Extrême-Nord, des groupes armés ont continué de lancer des attaques meurtrières contre des villages. Des dizaines de sympathisant·e·s de l’opposition et de dirigeant·e·s anglophones étaient toujours détenus arbitrairement. Les autorités ont annoncé l’ouverture d’une enquête judiciaire à la suite d’allégations de mauvaise gestion des fonds destinés à la lutte contre la pandémie de COVID-19.

Contexte

Les affrontements entre des groupes séparatistes armés et l’armée se sont poursuivis dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest. Le conflit armé continuait de faire rage dans la région de l’Extrême-Nord, où les groupes armés Boko Haram et l’État islamique en Afrique de l’Ouest (EIAO) étaient activement présents. Au 31 octobre, le Cameroun comptait plus d’un million de personnes déplacées dans les régions du Nord-Ouest, du Sud-Ouest et de l’Extrême-Nord.

Attaques et homicides illégaux

Selon Human Rights Watch, le 10 janvier, des militaires ont tué au moins neuf personnes et pillé des habitations dans la région du Sud-Ouest. Les 8 et 9 juin, les forces de sécurité camerounaises ont tué deux personnes, violé une femme de 53 ans et détruit et pillé au moins 33 logements, des commerces et le palais d’un chef traditionnel dans la région du Nord-Ouest.

Après l’attaque d’un convoi du Bataillon d’intervention rapide visé par un engin explosif improvisé à Bamenda le 8 décembre, des membres des forces armées auraient incendié de nombreuses habitations dans cette ville.

Exactions perpétrées par des groupes armés

Régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest

Des groupes armés ont cette année encore commis de graves atteintes aux droits humains dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, attaquant des personnes, des établissements médicaux et des écoles.
Entre janvier et juin, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA) a signalé 29 attaques contre des établissements médicaux dans la région du Nord-Ouest et sept dans la région du Sud-Ouest ; des professionnel·le·s de la santé et des patient·e·s ont été enlevés et des bâtiments ont été incendiés.
Le 9 janvier, le directeur d’une école située à Ossing (région du Sud-Ouest) aurait été tué par des hommes non identifiés. Selon l’OCHA, le 5 mars, des inconnus armés ont enlevé un élève dans une école de Batoke, un village de la région du Sud-Ouest. Le 6 mars, des hommes armés ont enlevé deux membres du corps enseignant et un élève dans un établissement scolaire de Bamenda (région du Sud-Ouest). Le 24 novembre, toujours dans la même région, des hommes armés non identifiés ont attaqué un établissement d’enseignement secondaire à Ekondo Titi, tuant quatre élèves et une enseignante.

Le 27 février, des séparatistes armés présumés ont enlevé un médecin dans la région du Nord-Ouest, l’accusant de ne pas soutenir leur cause. Cet homme a été relâché après le versement d’une rançon. Selon le Syndicat national des journalistes du Cameroun (SNJC), une journaliste de la Cameroon Radio Television (CRTV, Radiodiffusion-télévision du Cameroun) a été enlevée à son domicile par des séparatistes armés présumés le 13 mars. Elle a été relâchée après le paiement d’une rançon. Le 15 juin, six fonctionnaires ont été enlevés à Misore-Balue, dans la région du Sud-Ouest, et l’un d’eux a été exécuté, selon les médias publics et des organisations de défense des droits humains.

Des autorités traditionnelles, soupçonnées de prendre le parti du gouvernement, ont également été visées. Le 13 février, des hommes armés ont enlevé quatre chefs traditionnels dans l’arrondissement de Fontem (région du Sud-Ouest). Trois d’entre eux auraient été retrouvés morts par la suite.
Ces atteintes aux droits humains ont été commises sur fond de tensions intercommunautaires croissantes. Entre le 22 et le 26 février, au moins 4 200 personnes ont été déplacées de sept villages de la commune de Nwa (région du Nord-Ouest) après des attaques perpétrées par des groupes d’autodéfense peuls, qui ont causé la mort d’au moins huit personnes.

Le 5 mars, des hommes armés ont attaqué des éleveurs peuls dans la basse vallée de la Menchum (département du Boyo, région du Nord-Ouest), tuant au moins 10 personnes. Ils reprochaient au bétail appartenant à ces éleveurs d’avoir détruit des cultures. Selon l’OCHA, des hommes armés ont attaqué des Peuls deux jours plus tard dans la même localité, tuant au moins six personnes, semble-t-il pour venger la mort d’une femme brûlée vive chez elle dans le village de Beneng.

Région de l’Extrême-Nord

Boko Haram et l’EIAO ont cette année encore commis de graves atteintes aux droits humains dans la région de l’Extrême-Nord, notamment des homicides, des enlèvements, des pillages et des incendies d’habitations et d’autres biens, qui visaient principalement des fermiers et des pêcheurs dans des zones reculées.
Au 24 octobre, au moins 70 civil·e·s avaient été tuées, semble-t-il, dans 51 attaques au moins. Le 8 janvier, un attentat-suicide commis par une femme a fait au moins 15 morts à Mozogo.
Selon certaines informations, 15 pêcheurs au moins ont été enlevés le 30 août dans le village de Blaram et quatre personnes vivant dans un village de la commune de Mokolo ont été tuées le 10 novembre, lors d’une attaque attribuée à Boko Haram.

Privation d’aide humanitaire

Le 3 août, l’organisation Médecins sans Frontières a annoncé qu’elle avait été contrainte de retirer ses équipes de la région du Nord-Ouest après la suspension de ses activités en décembre 2020 par les autorités, qui l’accusaient de soutenir des groupes armés locaux.

Détention arbitraire

Dans deux avis adoptés respectivement en août 2019 et en mai 2021, le Groupe de travail sur la détention arbitraire [ONU] a demandé la libération de Mancho Bibixy Tse et de Tsi Conrad. Ces deux hommes, qui avaient mené des manifestations dans les régions anglophones en 2016 et 2017, ont été condamnés à 15 ans d’emprisonnement par un tribunal militaire siégeant à Yaoundé, après avoir été déclarés coupables notamment d’actes de terrorisme, de sécession, de propagation de fausses nouvelles et d’outrages aux corps constitués et fonctionnaires. Des dizaines d’autres dirigeant·e·s anglophones se trouvaient toujours en détention, après avoir été jugés par des tribunaux militaires.

D’après certaines informations, plus de 100 membres et sympathisant·e·s du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) restaient détenus arbitrairement. Ces personnes étaient en attente de jugement ou avaient été condamnées par des tribunaux militaires pour des chefs de tentative de révolution, rébellion, attroupement aggravé ou participation à l’organisation d’une réunion publique non déclarée, en lien avec leurs activités militantes ou leur participation à des manifestations interdites en septembre 2020. Parmi elles figuraient Olivier Bibou Nissack, porte-parole de Maurice Kamto, président du MRC, et Alain Fogué, trésorier national du MRC, tous deux condamnés à sept ans de prison.

Le 31 décembre 2021, après 15 mois de détention provisoire, quatre membres du mouvement Stand Up For Cameroon ont été déclarés coupables d’« insurrection » et condamnés à 16 mois de prison par un tribunal militaire. Ils avaient été arrêtés lors d’une réunion avant les manifestations de septembre.

Liberté d’expression, d’association et de réunion

Le 21 juillet, les autorités ont interdit une manifestation prévue par le MRC à Yaoundé le 25 juillet, au motif qu’elle risquait de provoquer un « trouble grave à l’ordre public » et de propager le COVID-19. En revanche, plusieurs manifestations de soutien au parti au pouvoir ont été autorisées ce même mois.

Le 26 août, dans le cadre d’une « opération d’actualisation », le ministère de l’Administration territoriale a donné aux « promoteurs et représentants des associations étrangères » travaillant au Cameroun un mois pour lui communiquer des informations relatives à leur siège et leurs bureaux, ainsi que le nom et les coordonnées personnelles de leurs employé·e·s, faute de quoi elles ne seraient plus autorisées à mener leurs activités dans le pays. Des défenseur·e·s des droits humains et des associations ont dénoncé cette mesure.

Droit à la santé

Des fonctionnaires se sont plaints dans les médias que l’État n’aidait pas suffisamment leur administration, sur le plan financier, à lutter contre la pandémie de COVID-19. Le 19 mai, un rapport de la Chambre des comptes de la Cour suprême a fuité sur les réseaux sociaux. Il révélait des contrats potentiellement douteux, des falsifications de comptes et le détournement présumé, par des organes gouvernementaux, de milliards de francs CFA provenant du Fonds spécial de solidarité nationale pour la lutte contre le coronavirus, créé par le président Paul Biya en mars 2020. Le 28 mai, les autorités ont annoncé l’ouverture d’enquêtes judiciaires sur la gestion des fonds destinés à la lutte contre le COVID-19. Au 28 décembre, seulement 1 020 007 doses de vaccin anti-COVID-19 avaient été administrées.

Droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles, transgenres ou intersexes

Cette année encore, des personnes LGBTI ont été victimes de violations des droits humains.
Le 8 février, deux femmes transgenres ont été arrêtées dans un restaurant par des gendarmes. Elles ont déclaré avoir été agressées physiquement et verbalement avant d’être conduites à la prison centrale de New Bell, à Douala. Inculpées de « tentative d’homosexualité », d’outrage aux bonnes mœurs et de non-possession de carte d’identité, elles ont été condamnées à cinq ans d’emprisonnement assortis d’une amende de 200 000 francs CFA (environ 345 dollars des États-Unis). Elles ont été remises en liberté en juin, dans l’attente de leur procès en appel.

Le 24 février, selon Human Rights Watch, la police a fait irruption dans les locaux de Colibri, un groupe de prévention et de traitement du VIH/sida à Bafoussam (région de l’Ouest), et arrêté 13 personnes pour homosexualité, avant de les libérer quelques jours plus tard. Les personnes arrêtées ont dit avoir été forcées à signer des déclarations, agressées physiquement et verbalement, et contraintes de subir des tests de dépistage du VIH et des examens rectaux. L’article 347-1 du Code pénal prévoyait une peine maximale de cinq ans d’emprisonnement pour « toute personne qui a des rapports sexuels avec une personne de son sexe ».

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