Mali - Rapport annuel 2021

carte Mali rapport annuel amnesty

République du Mali
Chef de l’État : Assimi Goïta (a remplacé Bah Ndaw en mai)
Chef du gouvernement : Choguel Kokalla Maïga (a remplacé Moctar Ouane en juin)

Les forces militaires et des groupes armés ont cette année encore commis des atteintes aux droits humains, dont des crimes de guerre, à l’encontre de personnes civiles. Les services de renseignement étaient soupçonnés d’avoir soumis de hauts responsables à des disparitions forcées. L’enquête sur l’usage de la force meurtrière pendant les manifestations de 2020 a un peu progressé, mais les avancées étaient limitées s’agissant de rendre justice pour les violations perpétrées par des militaires. L’État ne protégeait pas la population contre la discrimination fondée sur le statut social. Le déploiement de la vaccination anti-COVID-19 a été lent.

Contexte

À la suite d’un remaniement ministériel en mai, l’armée a arrêté le président et le Premier ministre de transition lors du second coup d’État en l’espace de neuf mois. Il était fort probable que le gouvernement de transition resterait en place au-delà de l’échéance de février 2022. La CEDEAO a suspendu le Mali après le coup d’État et a pris des sanctions contre plusieurs responsables du gouvernement de transition. En octobre, le représentant spécial de la CEDEAO au Mali a été sommé de quitter le pays.

La population civile subissait de plein fouet le conflit armé qui persistait dans les régions de Mopti et de Ségou. En juin, les autorités françaises ont annoncé qu’elles prévoyaient un allégement progressif de l’opération Barkhane, leur opération militaire antiterroriste au Sahel. Les rumeurs selon lesquelles une entreprise privée de sécurité russe allait lui succéder n’ont fait que tendre davantage les relations franco-maliennes.

Exactions perpétrées par des groupes armés

Le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM) et l’État islamique au Grand Sahara (EIGS) ont commis des crimes de guerre et d’autres violences à l’encontre de civil·e·s.

Le GSIM a imposé des blocus à de nombreux villages, empêchant la population de circuler librement et d’accéder à ses terres agricoles et à l’eau, afin de la contraindre de ne plus collaborer avec l’armée. Le village de Farabougou, dans la région de Ségou, a ainsi subi un blocus de six mois, qui s’est achevé en avril.

Entre avril et août, le GSIM a imposé un blocus à Dinagourou, dans la région de Mopti, empêchant les villageois·e·s d’accéder à leurs terres durant la saison des pluies.

En août, des attaques perpétrées par l’EIGS ont fait 51 morts parmi la population civile dans les communes de Ouatagouna, Karou et Daoutegeft (cercle d’Ansongo, région de Ménaka).

Violations du droit international humanitaire

Les opérations militaires menées dans la région de Mopti ont donné lieu à de graves violations des droits humains, parfois constitutives de crimes de droit international.

Le 3 janvier, lors d’une frappe aérienne sur le village de Bounti, l’armée française a tué 22 personnes réunies à l’occasion d’un mariage. Cette frappe a eu lieu dans le contexte des opérations militaires franco-maliennes menées entre le 2 et le 20 janvier. Une enquête de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) a conclu que la plupart des invité·e·s, y compris 19 des personnes tuées, étaient des personnes civiles de Bounti et des villages environnants, tandis que les trois autres morts étaient peut-être des membres de la katiba Serma, un groupe affilié au GSIM. Elle a recommandé que les autorités maliennes et françaises mènent une enquête indépendante, crédible et transparente sur cette attaque et les possibles violations du droit humanitaire.

À la suite de l’attaque d’une position de l’armée malienne à Boni (région de Mopti) en février, la population locale a déclaré que les forces armées nationales avaient commis des violations en représailles, se rendant notamment coupables de la disparition forcée de 17 personnes passagères d’un bus en mars ainsi que d’actes de torture et d’autres mauvais traitements infligés à des dizaines de client·e·s du marché en avril.

Le 2 avril, des soldats maliens ont procédé à l’exécution extrajudiciaire de quatre personnes à la périphérie de Diafarabé, selon les proches des victimes. Celles-ci, qui vivaient à proximité d’un camp militaire, étaient accusées de protéger des individus qui avaient attaqué le camp ce jour-là.

En octobre, des soldats maliens ont arrêté au moins 30 personnes un jour de marché à Sofara. Sur une vidéo montrant les arrestations, on voit des militaires torturer un homme âgé pour l’obliger à avouer son appartenance présumée à un groupe armé. Plus tard dans le mois, l’armée a annoncé qu’elle enquêtait sur ces actes de torture et que les militaires responsables avaient été suspendus. Dans le même communiqué, elle a indiqué que « 22 terroristes présumés » avaient été arrêtés à Sofara et placés en détention à la gendarmerie.

Arrestations et détentions arbitraires

En mars, la cour d’appel de Bamako a abandonné, faute de preuves, toutes les charges pesant sur plusieurs personnes arrêtées arbitrairement en décembre 2020. Les détenus, parmi lesquelles le célèbre animateur de radio Mohamed Youssouf Bathily, surnommé Ras Bath, et cinq hauts fonctionnaires, étaient accusés d’avoir fomenté un complot en vue de la « déstabilisation des institutions de la transition » avec l’ancien Premier ministre Boubou Cissé, accusé lui aussi mais jamais arrêté. Ils ont été remis en liberté en avril. Cependant, en mai, Ras Bath a été de nouveau détenu arbitrairement pendant une semaine, après avoir dénoncé la complicité du pouvoir judiciaire dans la parodie d’enquête dont il avait fait l’objet.

À la suite du coup d’État de mai, l’armée a arrêté arbitrairement le président et le Premier ministre qui venaient d’être renversés, Bah Ndaw et Moctar Ouane, et les a détenus sans inculpation au camp militaire Soundiata Keïta de Kati. Au bout de quelques jours, Bah Ndaw a été transféré au camp A, à Bamako, et Moctar Ouane a été assigné à résidence dans la capitale. L’armée a invoqué des raisons de sécurité pour justifier leur détention. Les deux hommes ont été libérés en août et autorisés à se déplacer librement.

Deux fonctionnaires ont été victimes d’une disparition forcée pendant deux mois, orchestrée semble-t-il par les services de la sécurité d’État, avant d’être transférés à la maison d’arrêt et de correction de Bamako. Kalilou Doumbia, secrétaire général de la présidence pendant le mandat de Bah Ndaw, a été arrêté le 6 septembre, selon Human Rights Watch, et sa famille n’a pu obtenir aucune information quant à son sort ni à l’endroit où il se trouvait.

Le 10 septembre, Moustapha Diakité, commissaire de police à Kayes, a également disparu après avoir été convoqué à un entretien avec le haut commandement de la police nationale. Ce n’est que le 5 novembre que l’on a su ce qu’il était advenu de ces deux hommes, lorsqu’ils ont été inculpés, aux côtés du colonel Kassoum Goïta, ancien chef des services de la sécurité d’État, et de quatre autres personnes, d’association de malfaiteurs, de tentative d’attentat et de complot contre le gouvernement.

Droit à la vérité, à la justice et à des réparations

En avril, la cour d’assises de Bamako a tenu 12 procès pour terrorisme, à l’issue desquels un accusé a été acquitté et 28 autres condamnés à la réclusion à perpétuité. En octobre, lors d’une autre audience spéciale, elle a examiné 47 affaires supplémentaires liées au terrorisme. Dans certains cas, des violations du droit à un procès équitable ont été constatées, notamment la détention provisoire illégale par les services de renseignement et l’absence d’avocat·e pendant l’enquête préliminaire. En juin, la cour d’assises de Mopti a jugé 12 personnes pour les homicides illégaux de 39 habitant·e·s du village de Koulogon-Peul, perpétrés en janvier 2019. Les accusés, qui s’étaient vu accorder une libération provisoire par la justice, ont été déclarés coupables par contumace et condamnés à la réclusion à perpétuité pour plusieurs charges, dont celle d’assassinat.

Les enquêtes sur les crimes de droit international commis par l’armée ont peu progressé.

En septembre, le commandant de la Force spéciale antiterroriste (Forsat), Oumar Samaké, a été arrêté et inculpé de « coups et blessures volontaires aggravés, coups mortels, meurtres et complicité de meurtre » en lien avec la mort de 14 manifestants survenue en 2020 à la suite d’un recours excessif à la force par les forces de sécurité. Son arrestation a déclenché des manifestations spontanées de policiers, qui l’ont libéré de la prison principale de Bamako et fait défiler dans les rues. Oumar Samaké est retourné volontairement en détention provisoire après que les autorités lui ont fixé un ultimatum.

Discrimination

La discrimination et les violences fondées sur le statut social découlant de l’origine se sont poursuivies. En septembre, une personne a été tuée et de nombreuses autres blessées à Tomora par une foule qui s’opposait à la tenue d’un défilé de personnes appartenant à une caste considérée comme inférieure lors de la fête de l’indépendance.

Droit à la santé

Le Mali a reçu un premier lot de 396 000 doses de vaccin anti-COVID-19 en février dans le cadre du programme COVAX. En décembre, 963 968 doses avaient été administrées et 349 000 personnes (soit 1,7 % de la population) avaient reçu deux doses de vaccin. La vaccination était concentrée principalement dans les villes en raison de l’insécurité dans le centre et le nord du pays. En outre, compte tenu du piteux état des infrastructures médicales, il était difficile de conserver les doses pour les acheminer vers des zones isolées.

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