Des attaques illégales, des homicides et d’autres atteintes et violations, y compris des crimes de guerre, ont eu lieu cette année encore dans le cadre du conflit armé. Des civil·e·s ont été tués, des personnes ont été exécutées sommairement, des travailleuses et travailleurs humanitaires ont été agressés et des cas de violences sexuelles ont été signalés. L’impunité persistait pour les crimes les plus graves.
Contexte
Plusieurs groupes armés dirigés par l’ancien président François Bozizé, qui constituaient la Coalition des patriotes pour le changement (CPC), ont lancé une offensive sur la capitale, Bangui, en janvier pour tenter d’empêcher la tenue de l’élection présidentielle. Le 18 janvier, la Cour constitutionnelle a déclaré officiellement que le président Faustin-Archange Touadéra avait été réélu pour un deuxième mandat. Tout au long de l’année, les forces nationales et leurs alliés, à savoir des militaires rwandais et des mercenaires, ont mené une contre-offensive pour reprendre les territoires contrôlés par des groupes armés. Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) [ONU], il y avait 670 000 personnes déplacées dans le pays fin novembre ; leur accès à l’eau, à la nourriture, aux soins de santé et à l’éducation était limité.
Attaques et homicides illégaux
Des attaques illégales, des homicides et d’autres atteintes au droit international humanitaire et au droit international relatif aux droits humains, dont certaines s’apparentaient à des crimes de guerre, ont été commis par toutes les parties au conflit.
Selon l’ONU, des membres de la CPC ont attaqué et pillé des centres de santé dans la préfecture du Mbomou en janvier. Ils ont également attaqué ou occupé au moins 37 écoles de janvier à juin, empêchant des milliers d’enfants d’accéder librement à l’éducation.
En mars, dans la préfecture de la Ouaka, des membres de l’Union pour la paix en Centrafrique (affiliée à la CPC) ont torturé et tué trois commerçants qui avaient participé au processus des élections législatives. Lorsque les corps ont été retrouvés, les victimes avaient leur carte d’électeur attachée autour du cou.
Le Groupe de travail sur l’utilisation de mercenaires [ONU] a signalé que, en février, à la suite d’affrontements dans la ville de Bambari, les forces nationales et leurs alliés avaient pris pour cible une mosquée et fait 14 morts, dont une femme et un enfant. Un établissement de santé a également été visé, ce qui constituait une infraction au droit international humanitaire. Selon Médecins sans frontières, 36 personnes blessées de guerre, dont huit femmes et neuf enfants âgés de 17 mois à 17 ans, ont été soignées dans un centre de santé de Bambari.
L’OCHA a indiqué que les forces nationales et leurs alliés avaient fermé et incendié un camp pour personnes déplacées en juin à Bambari ; 8 500 personnes y vivaient jusque-là.
Selon la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation en République centrafricaine (MINUSCA), 228 civil·e·s ont été tués entre juin et octobre du fait du conflit.
Les Nations unies ont recueilli des informations sur l’utilisation d’engins explosifs improvisés : dans l’ouest du pays, au premier semestre, au moins 15 civil·e·s, dont un enfant, ont été tués et 24 ont été blessés ; deux soldats chargés du maintien de la paix ont aussi été tués.
Attaques visant des travailleuses et travailleurs humanitaires
Les attaques de groupes armés ou de personnes non identifiées contre des travailleuses et travailleurs humanitaires se sont poursuivies, sur fond de dégradation de la situation en matière de sécurité. Selon l’OCHA, 396 attaques ont été enregistrées pendant l’année, contre 424 en 2020. Les vols, les pillages, les menaces et les attaques représentaient 65 % des problèmes de sécurité.
D’après le rapport du secrétaire général de l’ONU, entre juin et octobre, des engins explosifs ont tué trois travailleurs humanitaires et blessé 23 de leurs collègues.
Exécutions extrajudiciaires
Dans le contexte du conflit, les forces armées centrafricaines et leurs alliés ont procédé à des exécutions extrajudiciaires de personnes soupçonnées d’appartenir à la CPC ou de la soutenir.
Selon les Nations unies, six personnes détenues parce qu’elles étaient soupçonnées d’appartenir à la CPC, dont un jeune garçon, ont été exécutées dans un camp militaire de la préfecture du Mbomou le 3 janvier. En février, dans la préfecture de la Ouaka, trois hommes ont été exécutés par des membres des forces nationales et leurs alliés. Entre mars et juin, l’ONU a recueilli des informations sur les exécutions d’au moins 17 personnes, dont un civil et un mineur, auxquelles se seraient livrés les forces nationales et leurs alliés dans les préfectures de Bamingui-Bangoran, de l’Ouham Pendé et de la Nana-Grébizi.
Violences faites aux femmes et aux filles
Des centaines de cas de violences faites aux femmes et aux filles ont été signalés par les Nations unies. En janvier, six adolescentes âgées de 14 à 16 ans ont été droguées et violées quotidiennement par des membres du groupe rebelle Retour, réclamation et réhabilitation (3R) sur une base située dans la préfecture de la Nana-Mambéré. Elles ont finalement réussi à s’échapper.
La MINUSCA a dénombré 131 cas de violences sexuelles liées au conflit entre janvier et juin, dont 115 viols, 12 tentatives de viol, un cas d’esclavage sexuel et trois mariages forcés. Les agressions étaient principalement le fait de membres de la CPC, mais 19 ont été attribuées aux forces nationales et à leurs alliés. La MINUSCA a reçu 118 signalements supplémentaires de violences sexuelles liées au conflit entre juillet et octobre.
Droit à la vérité, à la justice et à des réparations
Bien que le droit centrafricain dispose qu’au moins six sessions criminelles doivent se tenir chaque année, aucune n’a eu lieu en 2021. Des centaines de personnes étaient maintenues en détention provisoire, souvent au-delà de la durée maximale prévue par la loi.
Des enquêtes de la Cour pénale spéciale (CPS), une juridiction hybride soutenue par les Nations unies et chargée des enquêtes et des poursuites concernant les crimes de droit international et les autres graves atteintes aux droits humains perpétrés dans le pays depuis 2003, étaient en cours, mais aucun procès n’a eu lieu. Une audience en appel devant la Chambre d’accusation spéciale a été ouverte au public en décembre. Cette audience concernait trois hommes inculpés de crimes contre l’humanité pour des homicides perpétrés en 2019 dans la sous-préfecture de Paoua. La CPS a annoncé qu’elle avait décerné 25 mandats d’arrêt. Un seul a été exécuté, ce qui a conduit à l’arrestation d’Hassan Bouba Ali, ministre de l’Élevage et de la Santé animale, en novembre. Cet homme a été libéré quelques jours plus tard par les forces de défense et de sécurité sans l’autorisation de la justice.
En mai, le gouvernement a mis en place une commission d’enquête à la suite d’allégations de l’ONU selon lesquelles toutes les parties auraient violé le droit international humanitaire depuis le début de l’offensive de la CPC. Le ministre de la Justice a présenté en octobre les conclusions de l’enquête, dans lesquelles les autorités reconnaissaient certaines allégations formulées à l’encontre des forces nationales et de leurs alliés, ainsi que la majorité des allégations visant des groupes armés. Le rapport n’a pas été rendu public et les prochaines étapes n’ont pas été communiquées.
Droit à l’alimentation et droit à la santé
Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), le nombre de personnes en proie à l’insécurité alimentaire aiguë dans le pays est passé de 1,9 million à 2,29 millions au cours du premier semestre, notamment sous l’effet de l’insécurité grandissante. En juillet, au moins 80 000 enfants de moins de cinq ans risquaient de souffrir de malnutrition aiguë, selon l’UNICEF, soit une hausse de 29 % par rapport aux prévisions antérieures pour 2021, et 40 % des enfants de moins de cinq ans se trouvaient déjà en situation de malnutrition chronique.
Selon l’OMS et plusieurs ONG, les centres de santé, en particulier ceux situés en dehors de la capitale, ne disposaient pas de suffisamment de personnel médical qualifié ni de médicaments et de matériel essentiels. Plusieurs ont été pillés (des médicaments et des biens ont été dérobés) lors de l’offensive de janvier, ce qui n’a fait qu’aggraver une situation déjà particulièrement difficile. D’après l’OMS, en dépit d’une baisse du nombre de cas de rougeole en 2021, l’indisponibilité des vaccins dans certaines régions entravait la lutte contre cette maladie.
En décembre, 856 000 doses de vaccin anti-COVID-19 avaient été administrées et 321 858 personnes présentaient un schéma vaccinal complet, sur une population estimée à cinq millions d’habitants. La priorité a été accordée au personnel de santé et aux personnes fragiles. La vaccination a ensuite été étendue aux centres administratifs des préfectures à partir du mois d’août.