Sénégal - Rapport annuel 2021

carte Sénégal rapport annuel amnesty

République du Sénégal
Chef de l’État et du gouvernement : Macky Sall

Les autorités ont arrêté de façon arbitraire des personnalités de l’opposition et de la société civile, restreint l’accès à Internet, et suspendu deux chaînes de télévision. Les forces de sécurité ont tiré sur des personnes qui manifestaient. Le droit à la santé a été mis à mal dans le contexte de la pandémie de COVID-19. Des expulsions forcées ont encore eu lieu cette année.

Détention arbitraire

En janvier, Boubacar Seye, président de l’ONG Horizons sans frontières, a été arrêté de façon arbitraire à son arrivée à l’aéroport de Dakar. Il a été inculpé de « diffusion de fausses nouvelles » en raison d’une interview qu’il avait donnée en octobre 2020, dans laquelle il avait dénoncé le manque de transparence concernant l’utilisation par le gouvernement de fonds fournis par l’UE pour des programmes en faveur de l’emploi des jeunes et de la lutte contre la migration irrégulière vers l’Europe. Il a été libéré à titre provisoire 20 jours après son arrestation.

En février, les autorités ont arrêté de façon arbitraire plusieurs personnalités de l’opposition et de la société civile qui avaient critiqué l’attitude du gouvernement dans une affaire pénale liée à une plainte pour viol mettant en cause Ousmane Sonko, président de Pastef (Pastef-Les Patriotes), un parti d’opposition. Parmi les personnes arrêtées figuraient des membres de Pastef, notamment Birame Souleye Diop et Abbas Fall, poursuivis pour « association de malfaiteurs, complicité de diffusion de contenus contraires aux bonnes mœurs, menace de voie de fait et violence ». Dix-sept militantes de Pastef, dont Maimouna Dieye, présidente du mouvement des femmes de ce parti, ont également été arrêtées et incarcérées dans la prison de Rebeuss bien que n’étant inculpées d’aucune infraction pénale. Le militant Guy-Marius Sagna a été arrêté et inculpé d’« association de malfaiteurs », de « participation à un mouvement insurrectionnel » et de « menaces de troubles à l’ordre public » après qu’il eut accusé la police d’avoir torturé et maltraité des sympathisants de Pastef arrêtés en février. Toutes ces personnes ont été remises en liberté en avril. En mars, Ousmane Sonko a lui aussi été arrêté de façon arbitraire et accusé de troubles à l’ordre public alors qu’il se rendait, en compagnie de ses militant·e·s, à une convocation de la justice dans le cadre de la plainte pour viol. Il a été relâché six jours plus tard.

Recours excessif à la force

En mars, les forces de sécurité ont tué 14 personnes, dont trois enfants, quand elles ont tiré à balles réelles pour disperser des manifestations nationales à Dakar, Bignona, Kaolack et Diaobé. Ces manifestations faisaient suite à l’arrestation et l’incarcération d’Ousmane Sonko et avaient dans certains cas dégénéré en violences. Au moins 400 personnes ont été blessées.

Lors des manifestations à Dakar, des individus armés ont prêté main-forte à la police et attaqué des protestataires dans plusieurs quartiers de la ville. Le gouvernement sénégalais a indiqué qu’il s’agissait de policiers en civil.

La commission indépendante annoncée en avril par les autorités pour enquêter sur les violences commises lors des manifestations n’avait pas encore été mise sur pied. Le président a déclaré en décembre qu’une information judiciaire était en cours.

Liberté d’expression et de réunion

En mars, le Conseil national de régulation de l’audiovisuel a suspendu Walf TV et Sen TV pendant 72 heures au motif que ces deux chaînes de télévision avaient diffusé en direct des images des manifestations ; le Conseil a considéré qu’en agissant de la sorte elles s’étaient livrées à une « apologie de la violence » et à une « couverture irresponsable de la situation ». Des protestataires ont par ailleurs vandalisé des biens appartenant à l’organe de presse Groupe Futurs Media et au quotidien Le Soleil, considérés comme favorables au gouvernement.

En mars également, les autorités ont restreint l’accès à Internet et aux réseaux sociaux à l’approche d’une manifestation prévue à Dakar.

En juin, l’Assemblée nationale a adopté des modifications des dispositions du Code pénal et du Code de procédure pénale relatives au terrorisme qui ont gravement restreint les droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique. Les actes terroristes, définis de façon trop large, comprenaient des faits liés aux troubles à l’ordre public, l’association de malfaiteurs, des infractions liées aux technologies de l’information et de la communication, et le fait d’« inciter à la commission d’un acte terroriste ». Cette définition pouvait s’appliquer aux manifestations dégénérant en violences, et les personnes les ayant organisées risquaient de faire l’objet de poursuites pénales.

Droit à la santé

En mars, le Sénégal a lancé sa campagne de vaccination contre le COVID-19, avec l’aide du COVAX. La pénurie de vaccins en juillet a coïncidé avec l’arrivée d’une nouvelle vague de contaminations qui a conduit à une augmentation de 44 % des cas de COVID-19.

En décembre, 1,9 million de vaccins avaient été administrés, et 593 000 personnes étaient entièrement vaccinées, soit 5,6 % de la population.

Droits des personnes détenues

La surpopulation dans les prisons mettait gravement en danger la santé des personnes détenues. Le système mis en place par les autorités carcérales pour surveiller les cas de COVID-19 a conduit à une telle surpopulation dans la prison du Cap Manuel, à Dakar, que les personnes détenues ne pouvaient même plus s’allonger. Cette prison avait en effet été choisie par les autorités pour recevoir, filtrer et placer éventuellement en quarantaine toutes les personnes nouvellement incarcérées avant leur transfert dans d’autres centres de détention.

Expulsions forcées

Des communautés rurales ont continué de contester leur expulsion forcée, qui visait à libérer des terrains au profit d’intérêts commerciaux. À Dougar (une localité située à l’est de Dakar), 21 personnes ont été arrêtées en mai lors de manifestations contre l’attribution de 72 hectares à une entreprise privée. Selon les populations concernées, l’indemnité proposée, d’un montant de 100 millions de francs CFA (178 000 dollars des États-Unis) calculé à partir d’une grille d’indemnisation datant de 1973, ne reflétait pas le coût actuel de la vie.

Droits des travailleuses et travailleurs

En août, les autorités ont averti les employeurs et employeuses du secteur privé qu’ils ne devaient pas suspendre ou licencier les membres de leur personnel n’ayant pas été vaccinés contre le COVID-19, qualifiant ces sanctions de mesures discriminatoires.

Droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles, transgenres ou intersexes

Des personnes LGBTI ont été attaquées physiquement et publiquement à Dakar et à Ziguinchor au cours de l’année, et un grand nombre de ces attaques ont été filmées par les agresseurs. En mai, plusieurs groupes conservateurs ont organisé une grande manifestation à Dakar pour réclamer la criminalisation de l’homosexualité dans le Code pénal sénégalais.

Droits des enfants

Le Sénégal n’a pas respecté son obligation de protéger les enfants contre les mauvais traitements. Des centaines de milliers d’élèves d’écoles coraniques ont continué d’être contraints à mendier pour assurer leur subsistance, malgré l’existence d’une loi adoptée en 2005 pour lutter contre la mendicité forcée et la traite des enfants, et d’un projet de loi de 2018 visant à moderniser l’enseignement coranique.

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