Zambie - Rapport annuel 2021

carte Zambie rapport annuel amnesty

République de Zambie
Chef de l’État et du gouvernement : Hakainde Hichilema (a remplacé Edgar Chagwa Lungu en août)

Les tensions entre partis politiques se sont accrues à l’approche des élections ; des sympathisant·e·s de certains partis ont commis de graves violences contre leurs opposant·e·s, et des assassinats politiques ont eu lieu. La police a tiré à balles réelles lors de manifestations préélectorales. Un policier a été traduit en justice en lien avec l’homicide, en 2020, de deux manifestants non armés, mais de nombreux autres jouissaient toujours d’une impunité totale. Les autorités ont utilisé des lois et des institutions de l’État comme armes pour restreindre les droits humains et intimider les personnes qui les critiquaient. Des membres du personnel soignant ont été harcelés et poursuivis en justice pour avoir manifesté contre leurs mauvaises conditions de travail. Des personnes atteintes d’albinisme ont subi de violentes attaques. Les filles ont été particulièrement exposées aux violences liées au genre, qui étaient monnaie courante dans le pays.

Contexte

Le Parti uni pour le développement national (UPND), principal parti d’opposition, a battu le Front patriotique (PF) lors des élections générales du 12 août, mettant fin à 10 années de règne de ce parti.
Selon le Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC), environ 1,18 million de personnes étaient confrontées à une insécurité alimentaire aiguë au troisième trimestre de l’année. En septembre, la dette extérieure de la Zambie s’élevait à 12,91 milliards de dollars des États-Unis. L’inflation s’est envolée et le kwacha zambien a été réévalué après les élections.

Liberté d’expression

Opposant·e·s politiques
Les autorités ont, cette année encore, réprimé le droit à la liberté d’expression et restreint les droits humains des personnes perçues comme opposées au gouvernement. En avril, des sympathisants du PF ont appelé publiquement à l’arrestation de Sishuwa Sishuwa, professeur à l’Université de Zambie, pour sédition, après sa publication dans le journal en ligne News Diggers d’un article sur le risque de troubles publics pendant les élections du mois d’août. Plus tard dans le mois, l’université a annoncé à tort que cet homme ne faisait pas partie de son personnel.

Le gouvernement a utilisé les lois pénales relatives à la diffamation comme armes pour intimider et réduire au silence les personnes qui critiquaient le gouvernement. En janvier, deux frères de la province de l’Ouest, Victor et Nicholas Sankisa, ont été arrêtés pour avoir soi-disant tenu des propos insultants à l’encontre du président. Les mêmes accusations ont été portées en mai contre Chilufya Tayali, l’un des dirigeants du Parti de l’économie et de l’équité (EEP), après sa publication d’une vidéo accusant le président d’encourager l’agitation avant les élections.

En avril, Fred Manyaa et Steven Phiri ont été condamnés respectivement à trois ans et un an d’emprisonnement, assortis de travaux forcés, pour outrage au président Edgar Lungu. Les faits en question remontaient à mars 2018 et mars 2019, respectivement.

Le président a promulgué en mars la Loi relative à la cybercriminalité et la cybersécurité. Cette loi a été très critiquée, car elle contenait des dispositions susceptibles d’être utilisées contre des personnes qui auraient exprimé leur désaccord avec le gouvernement, elle restreignait le droit à la liberté d’expression et elle permettait une surveillance du cyberespace. En avril, cinq organisations de la société civile ont saisi la Cour constitutionnelle, accusant la nouvelle loi de violer les droits humains garantis par la Constitution.

Le secrétaire permanent du ministère de l’Information et de la Radiodiffusion a menacé de couper Internet avant les élections. Le jour du scrutin, des coupures partielles ont été constatées et des applications de réseaux sociaux, comme Twitter, Facebook, Instagram et WhatsApp, ont été perturbées. Des organisations de la société civile ont saisi la justice et la Haute Cour a ordonné le rétablissement des services internet le 13 août.

Journalistes et médias

Les autorités ont continué d’attaquer, d’intimider et de harceler des stations de radio qui accueillaient des figures de l’opposition, endommageant parfois leurs locaux. En février, des cadres du PF ont tenté d’interrompre une émission de Liberty Radio dans laquelle s’exprimait Harry Kalaba, chef du Parti démocratique, et ont provoqué un certain nombre de dégâts. Le même mois, ils ont perturbé une émission en direct de Radio Luswepo qui accueillait aussi Harry Kalaba, et ont cette fois encore endommagé le studio d’enregistrement. En mars, ils ont tiré du gaz lacrymogène dans le studio de Radio Chete, à Nakonde, qui diffusait une émission à laquelle participait le président provincial de l’UPND. En juin, des personnes non identifiées ont mis le feu aux locaux de la station de radio Kalungwishi FM, dans le district de Chiengi, aux premières heures de la matinée.

Les autorités ont cette année encore essayé de fermer des médias privés de premier plan, s’appuyant sur l’Autorité indépendante de régulation des médias (IBA) pour les intimider, les harceler et les menacer de fermeture parce qu’ils avaient diffusé des débats avec des partis politiques d’opposition, ce qui selon elles relevait d’un « comportement non professionnel ». L’IBA a adressé plusieurs avertissements à Muvi TV, dont un dernier avertissement avant sanction en mai.

Les journalistes Francis Mwiinga et Nancy Malwele, qui couvraient des différends entre factions au sein du PF, ont été blessés en mai par des sympathisant·e·s de ce parti, qui les ont agressés et ont confisqué leur matériel. Au mois de juillet, le journaliste Victor Mwila, du district d’Ikelenge, a été attaqué par des cadres de l’UPND. Les autorités ont par la suite remplacé le matériel que ses assaillant·e·s lui avaient pris.
L’IBA a autorisé Prime Television à émettre de nouveau en août, 16 mois après lui avoir retiré sa licence pour des raisons d’« intérêt public ».

Liberté de réunion

Un ancien policier, Jeyson Musonda, a été arrêté le 2 juin pour avoir manifesté seul contre l’inspecteur général de la police et son utilisation des forces de police pour commettre des violences contre la population.

La police a menacé d’arrêter Brian Sampa, président de l’Association des médecins résidents de Zambie (RDAZ), qui avait convoqué une réunion le 19 mai pour appeler à la grève contre les mauvaises conditions de travail et les retards de versement des traitements et indemnités des médecins. Quand la grève a commencé, le 30 mai, Chikonde Mukula, secrétaire général de la RDAZ, a été arrêté par la police et inculpé d’espionnage. Les charges ont par la suite été abandonnées après l’intervention de militant·e·s de la société civile. En juin, Brian Sampa a été licencié de son poste de fonctionnaire par le ministère de la Santé pour avoir incité les médecins à participer à une grève perlée d’une semaine. Le même mois, l’inspecteur général de la police a menacé d’arrêter toute personne qui participerait à des réunions Zoom, en vertu de la nouvelle Loi relative à la cybercriminalité.

Les tensions se sont accrues à l’approche des élections, et des violences ont été commises par des cadres du PF et de l’UPND. La police a tiré des balles réelles et des gaz lacrymogènes le 5 juin dans la province de Copperbelt pour disperser une manifestation de sympathisant·e·s de l’UPND non armés, qui escortaient le convoi du dirigeant du parti, Hakainde Hichilema. Le 15 juin, la Commission électorale de Zambie a suspendu pour 14 jours la campagne électorale dans les districts de Lusaka, Mpulungu, Nakonde et Namwala.

En juillet, un candidat du Parti socialiste aux élections municipales a été assassiné par des personnes non identifiées, qui ont ensuite brûlé son cadavre. Plus tard dans le mois, deux jeunes du PF ont été tués dans le quartier de Kanyama par des sympathisants présumés de l’UPND. À la suite de cet épisode, le président, Edgar Lungu, a déployé l’armée de terre, l’armée de l’air et le service national pour aider la police à maintenir l’ordre public pendant la période précédant les élections. Le jour du scrutin, le président local du PF pour la province du Nord-Ouest, Jackson Kungo, a été assassiné, semble-t-il par des cadres de l’UPND. Plusieurs autres personnes, accusées de vouloir truquer les élections à Solwezi, ont été malmenées et blessées.

Homicides illégaux et impunité

En février, un policier, Fanwell Nyundu, a été arrêté et inculpé du meurtre, en décembre 2020, de deux manifestants non armés lorsque la police avait ouvert le feu sur des militant·e·s de l’UPND qui s’étaient rassemblés à Lusaka, la capitale, en solidarité avec Hakainde Hichilema. Il a comparu devant un tribunal en novembre.

En juin, le coroner a conclu à la responsabilité de la police dans l’homicide illégal d’un adolescent de 14 ans, Frank Mugala, tué alors qu’il rentrait de l’école à Lusaka en février 2020. Bien que le tribunal ait ordonné que des poursuites soient engagées contre les auteurs présumés de cet homicide, personne n’avait été arrêté à la fin de l’année.

Droit à la santé

L’Association médicale de Zambie a révélé que 16 médecins étaient morts du COVID-19 entre janvier et mars. En raison de la pénurie mondiale, la Zambie a eu du mal à se procurer des vaccins contre cette maladie, ce qui a retardé la campagne de vaccination. Celle-ci a finalement commencé le 14 avril, après la livraison au pays de 228 000 doses de vaccin. Le personnel de santé exerçant en première ligne a été déclaré prioritaire pour la vaccination. La deuxième livraison de vaccins n’est arrivée qu’en juillet, pendant la troisième vague de l’épidémie.

Discrimination

Personnes atteintes d’albinisme

Cette année encore, des personnes atteintes d’albinisme ont été la cible de violentes attaques et de mutilations en raison de croyances erronées sur l’albinisme relevant de la superstition. En juin, des membres du crime organisé se faisant passer pour des policiers ont attaqué une maison dans le district de Senga et ont mutilé une enfant de deux ans. En juillet, un garçon de neuf ans du district de Chasefu a eu les doigts tranchés par deux hommes, dont un membre de sa famille. L’un des deux agresseurs s’est enfui et l’autre a été arrêté et placé en détention provisoire.

Violences sexuelles ou fondées sur le genre

Selon un rapport de la police zambienne, 4 000 cas de violences liées au genre ont été signalés pendant le premier semestre de l’année, dont 804 à caractère sexuel. Parmi ces violences sexuelles, 590 avaient été commises contre des filles de moins de 18 ans. Le rapport recensait 576 cas de viol sur mineur·e, dont 571 contre des filles et cinq contre des garçons.

Dans une affaire motivée semble-t-il par des considérations politiques, une femme a été violée dans un bus à destination de Kafue par des inconnus qui ont affirmé vouloir punir le gouvernement du PF.

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