La pandémie de COVID-19 a continué d’exacerber les inégalités existantes, dans un contexte de crise économique persistante. Les violences contre les femmes et les filles, ainsi que le manque de mesures efficaces visant à y remédier, ont cette année encore représenté un grave motif de préoccupation. Des obstacles à l’application de la loi de 2020 autorisant l’avortement ont été observés. L’impunité a persisté pour les disparitions forcées et le recours excessif à la force par des responsables de l’application des lois.
Contexte
Le pays a continué d’être en proie à une grave crise économique et sociale. Selon des statistiques officielles prenant en compte la situation jusqu’au mois de juin, 40,6 % de la population vivaient dans la pauvreté et, au troisième trimestre, le taux de chômage s’établissait à 8,6 %.
En raison des mesures strictes de contrôle des déplacements rétablies pour faire face à la deuxième vague de COVID-19, plusieurs centaines d’Argentines et d’Argentins ont été bloqués à l’étranger, sans accès à des soins de santé et à des mesures d’hygiène adéquats et, dans certains cas, sans possibilité de regroupement familial.
Le personnel des secteurs essentiels tels que la santé a continué de jouer un rôle déterminant dans la lutte contre la pandémie de COVID-19. À la fin de l’année, 71,9 % de la population étaient totalement vaccinés.
Droits des femmes
La pandémie a exacerbé les inégalités existantes liées au genre. Par exemple, les activités domestiques et d’aide à la personne non rémunérées, qui auraient représenté 16 % du PIB si elles avaient été payées, ont augmenté de 21,8 % en conséquence de la pandémie, selon les statistiques officielles. Les femmes effectuaient plus de 76 % des tâches domestiques et des activités de soin dans le pays.
En juillet, l’Argentine a reconnu des identités de genre autres que les catégories binaires dans les systèmes d’enregistrement de l’état civil et d’identification des personnes (décret no 476/21). Le Congrès a adopté la loi no 27.636 établissant un quota de recrutement de personnes transgenres.
Violences faites aux femmes et aux filles
Selon des organisations de la société civile qui surveillaient la situation en la matière, au moins 256 féminicides ont été commis en 2021. Dans de nombreux cas, la victime avait auparavant porté plainte contre l’agresseur, des mesures de restriction avaient été violées, ou l’agresseur appartenait aux forces de sécurité. Ces affaires ont mis en évidence le manque de politiques publiques efficaces et de mesures de lutte contre les violences liées au genre, ainsi que l’absence de perspective de genre dans les services d’application des lois.
Des mouvements réunissant des travailleuses du sexe ont fait état d’une augmentation des cas de harcèlement et d’arrestations arbitraires par les forces de sécurité de la ville de Buenos Aires dans le contexte des restrictions liées à la pandémie de COVID-19.
Droits sexuels et reproductifs
Dans l’année qui a suivi l’approbation par le Congrès de la loi dépénalisant l’avortement et l’autorisant pendant les 14 premières semaines de la grossesse, l’application de cette loi s’est heurtée à divers obstacles. Aucune autorité nationale ou locale n’a mené de campagne à grande échelle visant à fournir des informations sur l’accès à l’avortement. Des sources ont fait état d’un abus du droit à l’objection de conscience, de retards dans des établissements publics et privés et de la saturation du service téléphonique d’information et d’orientation en la matière.
En décembre, au moins 37 actions judiciaires avaient été engagées contre cette loi. Le texte était cependant toujours en vigueur.
Selon des statistiques officielles, un enfant naissait toutes les quatre heures en Argentine d’une mère âgée de moins de 15 ans. La plupart de ces jeunes filles ont été contraintes de mener à terme une grossesse résultant d’un viol.
Une étude officielle (Aprender 2019) a révélé que seuls 4 % des élèves de l’enseignement secondaire avaient accès à l’ensemble du contenu essentiel et obligatoire concernant l’éducation à la sexualité.
Droits des peuples autochtones
Les peuples indigènes ont continué de se heurter à d’importantes difficultés en matière d’accès aux droits fonciers collectifs. L’exécutif a approuvé la prorogation de la loi d’urgence territoriale no 26.160 ordonnant la suspension des opérations d’expulsion de communautés indigènes. Toutefois, l’Institut national des affaires indigènes n’avait guère progressé dans le relevé cadastral des territoires indigènes que cette loi le chargeait d’effectuer et, à la fin de l’année, seulement 43 % de ce relevé avaient été achevés.
Impunité
Les procès engagés devant des tribunaux civils de droit commun pour juger les crimes contre l’humanité perpétrés sous le régime militaire entre 1976 et 1983 se sont poursuivis. Entre 2006 et septembre 2021, 264 jugements ont été rendus, portant à 1 044 le nombre total de condamnations et à 162 le nombre d’acquittements.
Aucune avancée marquante n’avait été enregistrée à la fin de l’année concernant l’enquête sur la disparition et la mort de Facundo Astudillo Castro. Son corps avait été retrouvé 107 jours après le signalement de sa disparition, fin avril 2020. Il avait été aperçu pour la dernière fois à un poste de contrôle de la police dans la province de Buenos Aires.
La décision de la Cour suprême dans l’affaire de la disparition forcée présumée de Santiago Maldonado était toujours attendue à la fin de l’année. Le corps de cet homme avait été retrouvé en 2017 dans une rivière du territoire mapuche de la province de Chubut, 78 jours après une intervention des forces de sécurité dans le secteur.
L’absence de politique publique institutionnelle en matière de recherche des personnes disparues et d’enquête sur les disparitions forcées présumées restait préoccupante.
Une nouvelle autopsie a été pratiquée sur le corps de Mauro Coronel, torturé par la police dans la province de Santiago del Estero en mai 2020. À la fin de l’année, aucune inculpation n’avait été prononcée dans cette affaire.
Recours excessif à la force
Le 17 novembre, Lucas González, un adolescent de 17 ans, a été tué par balle par des membres de la police de Buenos Aires après que des agent·e·s de police en civil qui circulaient dans un véhicule banalisé ont intercepté la voiture dans laquelle il roulait avec trois amis, qui ont déclaré avoir subi des actes de torture et d’autres mauvais traitements.
Le 11 juin, Josué Lagos, un jeune homme de 23 ans appartenant à la communauté indigène qom, a été tué par balle par un membre des forces de sécurité de la province du Chaco pendant une opération de police. Le bureau du procureur pénal spécial pour les droits humains a ordonné la libération de la seule personne inculpée dans cette affaire, estimant qu’il n’existait pas d’éléments suffisants pour la maintenir plus longtemps en détention. L’enquête était cependant toujours en cours. Le projet de loi relatif à la prévention et à l’éradication de la violence institutionnelle exercée par les forces de police et de sécurité et les services pénitentiaires sur l’ensemble du territoire national était à la fin de l’année toujours en instance d’examen devant la chambre basse du Parlement.
Droits des personnes réfugiées ou migrantes
En mai, le pouvoir exécutif a abrogé le décret no 70/2017, qui avait mis en place des mesures très régressives concernant les droits des personnes migrantes.
Ne pouvant accéder que de manière limitée au marché du travail légal et à un logement convenable, les personnes réfugiées, migrantes ou demandeuses d’asile comptaient parmi les populations les plus durement touchées par la crise due à la pandémie de COVID-19.
Les restrictions aux frontières ont continué d’entraver la réinstallation des réfugié·e·s dans le cadre du programme argentin de parrainage citoyen baptisé Programa Siria. La réinstallation de cinq familles syriennes qui avaient été acceptées dans le pays a été bloquée, et les nouvelles demandes de parrainage citoyen ont été suspendues.
Le gouvernement n’a pas mis en place de programme pour élargir les possibilités de réinstallation aux réfugié·e·s d’autres nationalités.
Lutte contre la crise climatique
Le pouvoir exécutif a annoncé à l’occasion de la COP26 qu’il s’engageait à accroître sa contribution déterminée au niveau national de près de 26 % par rapport à celle de 2016 et à parvenir à la neutralité carbone à l’horizon 2050. Mais ces objectifs restaient insuffisants, car ils ne permettaient pas de respecter l’objectif de limiter le réchauffement climatique à 1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle. L’absence de loi sur la conservation des zones humides et de réforme de la loi sur les hydrocarbures, qui promouvait les énergies fossiles, était toujours préoccupante.