La crise des droits humains s’est poursuivie au Nicaragua. Cette année encore, les journalistes, les défenseur·e·s des droits humains et le personnel de santé ont été confrontés à un climat hostile. Les arrestations arbitraires de militant·e·s politiques, de défenseur·e·s des droits humains et de journalistes ont été fréquentes. Des violences ont continué d’être commises contre les populations autochtones. Les autorités n’ont pas fourni d’informations précises sur la pandémie de COVID-19.
Contexte
Le quatrième mandat consécutif du président Daniel Ortega a été annoncé à la suite des élections de novembre, qui ont été largement condamnées par la communauté internationale en raison de sévères restrictions des droits civils et politiques. En novembre, le Nicaragua a dénoncé la charte de l’OEA.
Liberté d’expression
En mai, les autorités ont ouvert une enquête judiciaire pour blanchiment d’argent mettant en cause la Fondation Violeta Barrios de Chamorro, l’une des principales organisations du pays travaillant sur la liberté de la presse. La directrice de cette Fondation, prétendante à la présidence, a été arrêtée en juin ; elle se trouvait toujours en détention à la fin de l’année.
Le siège du magazine en ligne Confidencial et de l’émission de télévision Esta Semana a été la cible d’une opération de police en mai et le directeur de ces deux médias a dû retourner en exil. Deux journalistes, Miguel Mora et Miguel Mendoza, ont été arrêtés en juin ; ils étaient toujours détenus à la fin de l’année.
En août, le parquet avait convoqué pour interrogatoire plus de 25 personnes travaillant dans les médias et ayant collaboré avec la Fondation Violeta Barrios de Chamorro. Plusieurs journalistes ont indiqué avoir été menacés d’inculpation pendant leur interrogatoire, notamment au titre de la Loi spéciale relative à la cybercriminalité.
En août, le journal La Prensa a fait l’objet d’une descente de police et ses biens ont été saisis. Son directeur général a été inculpé de blanchiment d’argent et incarcéré. L’ONG Reporters sans frontières a demandé sa libération immédiate, mais il se trouvait toujours derrière les barreaux à la fin de l’année.
Le climat hostile et les attaques incessantes des autorités ont aussi poussé un certain nombre de journalistes à fuir le pays durant l’année.
Défenseur·e·s des droits humains
Les défenseur·e·s des droits humains et les ONG étaient toujours confrontés à une atmosphère extrêmement malveillante.
Au moins 45 ONG ont été privées de leur agrément juridique durant l’année. Celles dont l’agrément avait été annulé depuis 2018 par l’Assemblée nationale n’ont pas retrouvé d’existence légale et les biens qui leur avaient été confisqués ne leur ont pas été rendus.
Des défenseur·e·s des droits humains ont été poursuivis en justice et arrêtés arbitrairement ; certains se trouvaient toujours en détention à la fin de l’année. Des femmes défenseures des droits humains ont signalé avoir été la cible d’un harcèlement policier, de poursuites judiciaires, de campagnes de dénigrement et de menaces.
Au moins deux défenseur·e·s des droits humains ont été inculpés au titre de la Loi spéciale relative à la cybercriminalité, et d’autres ont semble-t-il été harcelés, surveillés et menacés.
Détention arbitraire
La détention arbitraire faisait toujours partie intégrante de la stratégie de répression de l’État. En décembre, selon des organisations locales, 160 personnes détenues depuis le début des manifestations de 2018 pour avoir simplement exercé leurs droits étaient toujours incarcérées. Des proches de personnes détenues, privés de visites régulières, ont fait état de conditions de détention précaires, de mauvais traitements et de détentions au secret. Des organisations de défense des droits des femmes ont indiqué que certaines femmes placées en détention pendant l’année avaient subi des violences lors de leur arrestation, parfois devant leurs enfants, et se trouvaient toujours incarcérées dans des conditions très précaires. Des proches de détenu·e·s ont signalé avoir été harcelés, et notamment avoir été empêchés de se rendre à l’étranger, ainsi qu’avoir été la cible de poursuites judiciaires.
La Cour interaméricaine des droits de l’homme a adopté des mesures conservatoires en faveur d’un certain nombre de personnes détenues et a ordonné leur libération, mais les autorités nicaraguayennes ne se sont pas conformées à ses injonctions.
Les autorités ont soumis des opposant·e·s politiques et des prétendant·e·s à la présidence à des arrestations arbitraires, des disparitions forcées et des poursuites judiciaires1. Pendant les élections et dans les jours qui les ont précédées, la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH) a reçu des informations selon lesquelles la police multipliait les actes de harcèlement, les menaces et les arrestations arbitraires contre des dirigeant·e·s de l’opposition, des militant·e·s des droits humains, des membres d’organisations de la société civile et des journalistes.
Disparitions forcées
Entre la fin mai et le mois de novembre, les autorités ont arrêté au moins 39 personnes considérées comme opposées au gouvernement, dont sept prétendant·e·s à la présidence. Certaines ont été victimes d’une disparition forcée, aucune information n’ayant filtré pendant des semaines, voire des mois, sur le sort qui leur avait été réservé ni sur le lieu où elles se trouvaient.
Droits des peuples autochtones
Des ONG et des communautés locales ont dénoncé la présence de colons non autochtones sur leurs terres, ainsi que des attaques, parfois meurtrières, commises par ces colons contre des autochtones.
En août, une attaque de colons non autochtones contre une communauté du territoire Mayangna Sauni As a fait au moins neuf morts parmi la population autochtone.
En septembre, la CIDH a rendu compte d’un certain nombre de cas d’enlèvements, d’homicides, d’agressions sexuelles, de menaces et d’habitations incendiées signalés par des peuples autochtones de la Côte caraïbe nord.
En octobre, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels [ONU] s’est inquiété des allégations selon lesquelles les autorités auraient favorisé la création d’instances parallèles pour supplanter les représentant·e·s choisis par les peuples autochtones.
Droit à la santé
En février, le HCDH a déploré l’absence de données ventilées concernant la contamination des peuples autochtones et des personnes d’ascendance africaine par le COVID-19, ainsi que le manque d’informations sur les mesures spéciales mises en œuvre pour protéger ces populations.
L’Organisation panaméricaine de la santé a indiqué en août qu’elle n’était pas en mesure d’évaluer l’ampleur de la pandémie au Nicaragua compte tenu du manque d’informations officielles.
Faisant fi des directives internationales de l’OMS, le Nicaragua n’a pas donné la priorité au personnel de santé au début de son programme de vaccination contre le COVID-19. Selon certains médias, des sympathisantes et sympathisants du gouvernement ont été vaccinés en premier, indépendamment de leur profil de risque à l’égard de la maladie.
Des membres du personnel de santé qui critiquaient les politiques gouvernementales ou informaient le grand public à propos de la pandémie ont cette année encore été harcelés et menacés. En juillet, la vice-présidente les a qualifiés publiquement de « faux médecins » et certains d’entre eux ont été contraints de fuir le pays pour se mettre en sécurité.