Le programme de vaccination anti-COVID-19 a progressé malgré des retards initiaux. Les politiques de lutte contre la pandémie se sont néanmoins heurtées aux inégalités structurelles préexistantes, qui se sont aggravées, pesant particulièrement sur les droits économiques, sociaux et culturels des catégories les plus à risque de la population. Du fait d’un taux d’incarcération record, les conditions de détention étaient souvent inhumaines. Le nombre de décès en prison recensés en 2021 a été plus élevé que les années précédentes. Les violences à l’égard des femmes ont continué de prendre de l’ampleur, avec une hausse du nombre de féminicides signalés. En dépit des poursuites engagées contre plusieurs militaires pour des crimes contre l’humanité commis sous le régime militaro-civil (1973-1985), aucun réel progrès n’a été réalisé en vue de faire la lumière sur le sort des personnes victimes de disparition forcée sous ce régime. L’accès à l’information publique était entravé, en particulier en matière de santé sexuelle et reproductive.
Contexte
Sur le plan politique et social, l’année a été marquée par une mobilisation sociale visant à recueillir suffisamment de signatures pour qu’un référendum soit organisé au sujet d’une dérogation à 135 articles de la loi d’urgence (LUC) approuvée en 2020. Des organisations nationales et internationales de défense des droits humains se sont inquiétées des effets potentiels des dispositions de cette loi, à la formulation vague, qui risquait de porter atteinte aux droits fondamentaux, en particulier en ce qui concerne la sécurité publique, les droits des personnes détenues et la liberté d’expression.
Liberté d’expression
Huit journalistes ont été visés par des poursuites judiciaires, engagées principalement par des membres du Parlement ou du gouvernement, en raison du contenu de leurs reportages.
En juin, la Chambre des représentant·e·s a approuvé le « rejet catégorique » d’un rapport publié par le média d’information allemand Deutsche Welle, selon lequel la liberté de la presse était menacée en Uruguay et le droit d’accès à l’information publique soumis à des restrictions.
Droit à l’information
Plusieurs demandes d’informations publiques sont restées sans suite ou ont donné lieu à des réponses insatisfaisantes.
Alors qu’auparavant des informations sur les droits sexuels et reproductifs étaient régulièrement publiées, cela n’a pas été le cas en 2021.
Les autorités ont refusé d’autoriser l’accès aux contrats signés avec les fournisseurs de vaccins anti-COVID-19.
Un projet de modification de la Loi n° 18 381 sur l’accès aux informations publiques était en cours d’examen au Parlement à la fin de l’année. En cas d’adoption de ce projet, les demandes d’informations seraient soumises à des conditions supplémentaires et l’accès à ces informations serait alors restreint, ce qui constituerait un retour en arrière sur le plan de la transparence et de la liberté d’information.
Des organisations de la société civile ont contesté les statistiques officielles sur la criminalité et déploré que la baisse des taux de criminalité soit attribuée aux résultats des politiques de sécurité publique sans tenir compte des données universitaires montrant le rôle de la pandémie dans cette baisse.
Conditions de détention inhumaines
Les conditions carcérales, déjà difficiles, se sont encore détériorées au cours de l’année. Selon des données officielles communiquées par le commissaire parlementaire aux affaires pénitentiaires, la population carcérale a augmenté de façon régulière, atteignant le chiffre de 13 852 personnes détenues en décembre. D’après World Prison Brief, en 2021, l’Uruguay affichait le taux d’incarcération par habitant·e le plus élevé d’Amérique du Sud.
Dans un contexte de forte surpopulation et de conditions sanitaires déplorables, le nombre de personnes mortes en prison de cause naturelle a progressé de 154 % en 2021 par rapport à l’année précédente.
Droit à la vérité, à la justice et à des réparations
Dix-sept membres actuels ou retraités de l’armée et de la police ont été déclarés coupables de torture, d’enlèvements et d’homicides commis sous le régime militaro-civil dans les années 1970 et 1980. Aucune avancée notable n’a été notée dans la recherche des personnes victimes de disparition forcée pendant cette période : aucun nouvel élément de preuve n’a été trouvé dans les zones de fouilles et les responsables présumés n’ont pas fourni de nouvelles informations.
Droits économiques, sociaux et culturels
D’après le Centre de recherches économiques (CINVE) et la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes [ONU], les politiques suivies par le gouvernement ont été insuffisantes pour pallier les effets de la pandémie sur la pauvreté, l’emploi et l’activité économique. En outre, les salaires réels ont diminué du fait de la baisse des dépenses publiques, des salaires de la fonction publique et des pensions de retraite. Les coupes dans les dépenses publiques ont eu de lourdes conséquences sur le bien-être de la population, en particulier pour les personnes vivant dans les conditions les plus précaires.
Droit à la santé
Bien que le déploiement du programme de vaccination ait pris du retard en raison de l’achat tardif de fournitures, 78 % de la population ont reçu au moins une dose et 75 % deux doses. Cela a conduit à une levée des restrictions et à une réduction du nombre de patient·e·s en soins intensifs. Grâce également au solide système universel de santé du pays, la situation sanitaire sur le plan de la pandémie de COVID-19 était encourageante à la fin de l’année 2021.
Les politiques publiques n’ont pas répondu aux besoins croissants en matière de santé mentale, en dépit des appels lancés par des spécialistes en faveur d’améliorations dans ce domaine. D’après le ministère de la Santé, le taux de suicides a augmenté de 20 % en 2021 par rapport à la moyenne des cinq années précédentes.
Droits sexuels et reproductifs
Le problème des grossesses chez les jeunes filles de moins de 15 ans était toujours largement ignoré, alors que 60 naissances et 47 avortements avaient été recensés chez des jeunes filles de cette classe d’âge en 2020, la dernière année pour laquelle des statistiques étaient disponibles.
Malgré le protocole mis en place pour prendre en charge les mineures de moins de 15 ans enceintes et le système de notification destiné aux équipes de santé spécialisées dans ce domaine, les politiques publiques restaient insuffisantes sur ce point. En outre, l’éducation complète à la sexualité n’était pas mise en œuvre de manière exhaustive et cohérente.
La législation relative à l’interruption de grossesse, modifiée en 2012, autorisait l’avortement sur demande pendant le premier trimestre. Pourtant, des difficultés d’accès à l’avortement subsistaient dans les zones rurales, où les centres de santé étaient moins accessibles, et des professionnel·le·s de santé ont refusé de pratiquer des avortements pour des raisons de conscience. En outre, des personnalités politiques ont tenu des propos incitant les personnes vivant dans la pauvreté à ne pas avorter. De telles déclarations discriminatoires pourraient annoncer un important retour en arrière pour les droits sexuels et reproductifs dans le pays.
Violences faites aux femmes et aux filles
Selon l’Observatoire sur la violence liée au genre et l’accès à la justice, le nombre de féminicides a augmenté en 2021 ; 30 féminicides ont été enregistrés. Les modifications apportées par le ministère de l’Intérieur au mode d’enregistrement des signalements de violence liée au genre ont eu un effet direct sur les statistiques, les cas de récidive n’étant plus considérés comme des affaires distinctes mais comme s’intégrant dans la plainte initiale.
La mise en œuvre de la Loi n° 19 580 relative à la violence fondée sur le genre a également été entravée faute de ressources suffisantes allouées à la création de tribunaux polyvalents capables d’examiner toutes les affaires liées à ce type de violence.