Bangladesh - Rapport annuel 2021

carte Bangladesh rapport annuel amnesty

République populaire du Bangladesh
Chef de l’État : Mohammad Abdul Hamid
Cheffe du gouvernement : Sheikh Hasina

La liberté d’expression était toujours fortement restreinte par des lois draconiennes. Les autorités se sont rendues coupables de graves violations des droits humains, telles que des disparitions forcées, des détentions illégales, des actes de torture et des exécutions extrajudiciaires. Elles ont empêché et réprimé des manifestations pacifiques de partis d’opposition et d’étudiant·e·s, parfois au moyen d’une force excessive. Les violences contre les femmes ont augmenté pendant la pandémie de COVID-19. Les populations autochtones subissaient une pénurie de ressources en raison de la déforestation croissante et de l’accaparement de terres. Des personnes réfugiées et des minorités religieuses ont été victimes de violentes attaques.

Contexte

Le Bangladesh s’est classé au septième rang des pays les plus touchés par des événements météorologiques extrêmes au cours des 20 dernières années. Des dizaines de millions de personnes étaient exposées aux effets dévastateurs des fréquents cyclones, des inondations, de l’érosion et de la montée du niveau de la mer, qui continuaient à entraîner des déplacements. Les moyens d’existence des agriculteurs et agricultrices étaient menacés par l’engorgement des sols et la forte salinité, qui tuaient les cultures. La période de mars à mai, qui précédait la mousson, s’est caractérisée par au moins quatre grandes vagues de chaleur. Le climat du Bangladesh a continué d’évoluer vers des étés plus chauds et plus longs, des hivers plus doux et des moussons plus longues, s’étendant de février à octobre. Selon les prévisions, les températures moyennes dans le pays devraient augmenter de 1,4 °C d’ici à 2050. Les efforts déployés pour permettre à la population de s’adapter ne fournissaient pas une protection suffisante, loin de là, et des spécialistes ont alerté sur le fait que les investissements publics dans des projets liés au climat demeuraient trop faibles. La stratégie décennale du Bangladesh en matière de changement climatique et le plan d’action y afférent sont arrivés à échéance en 2019 et n’avaient pas encore été remplacés à la fin de 2021.

Liberté d’expression

Les autorités ont violemment réprimé les manifestations pacifiques et la dissidence. Des journalistes, des caricaturistes, des écrivain·e·s et d’autres personnes qui avaient un discours critique sur la gestion de la pandémie de COVID-19 ou sur d’autres sujets, ainsi que des membres de leur famille, ont été arrêtés et maltraités. La mort en détention d’un écrivain, torturé et détenu pendant 10 mois en vertu de la Loi sur la sécurité numérique, aux dispositions draconiennes, a déclenché dans tout le pays des manifestations appelant à l’abrogation de ce texte.

Les autorités ont emprisonné 433 personnes en vertu de cette loi, la majorité d’entre elles sur des accusations de publication d’« informations fausses ou offensantes » aux termes de l’article 251, soit une augmentation de 21 % du nombre de personnes détenues en application de ce texte par rapport à l’année précédente. Au 11 juillet, la personne détenue depuis le plus longtemps en vertu de la Loi sur la sécurité numérique était incarcérée depuis le 24 décembre 2018. Les articles 25 (publication d’informations fausses ou offensantes), 29 (publication d’informations diffamatoires) et 31 (infraction et sanction en cas d’atteinte à l’ordre public) servaient systématiquement à prendre pour cible et à harceler des personnes dissidentes, notamment des journalistes, des militant·e·s et des défenseur·e·s des droits humains. Ces pratiques allaient à l’encontre des obligations du Bangladesh aux termes du PIDCP et de la Constitution bangladaise.

En mai, les autorités ont arrêté le défenseur des droits humains Shahnewaz Chowdhury pour tentative d’« atteinte à l’ordre public » parce qu’il avait exprimé une opinion personnelle sur Facebook. Libéré sous caution le 16 août, cet homme encourait 10 ans d’emprisonnement s’il était déclaré coupable.

Le 17 mai, les autorités ont arrêté Rozina Islam, journaliste expérimentée, et l’ont accusée de vol de documents confidentiels et d’espionnage2. Cependant, elles n’ont fourni aucun élément concret tendant à prouver une infraction dûment reconnue par la loi.

Par ailleurs, l’État a fait fermer plusieurs sites Internet, dont cinq portails d’actualités en rapport avec les populations autochtones et les droits humains, parmi lesquels Hill Voice, un site d’informations en ligne sur les droits des peuples autochtones du Bangladesh, consultable au Canada.

En octobre, le Bataillon d’action rapide (RAB) a arrêté Nusrat Shahrin Raka, sœur du journaliste en exil Kanak Sarwar. Quatre jours avant son arrestation, elle avait porté plainte auprès de la police au sujet d’un faux compte Facebook qui usurpait son identité et critiquait les autorités. Au lieu de mener une enquête à ce sujet, les autorités ont arrêté Nusrat Shahrin Raka en vertu de la Loi sur la sécurité numérique et de la Loi sur le contrôle des stupéfiants. Selon son frère, elle a été visée à titre de représailles parce qu’elle avait critiqué le gouvernement.
Violences intercommunautaires

En octobre, au moins 40 pandals (structures temporaires fabriquées pour la fête hindouiste de la Durga Puja) et 25 logements et autres biens immobiliers appartenant à des membres de la communauté hindoue ont été endommagés ou incendiés pendant et après les cérémonies de la Durga Puja, principale fête hindouiste du pays. Les autorités ont engagé au moins 71 poursuites sur tout le territoire, arrêté plus de 450 personnes et accusé 10 000 personnes non identifiées d’avoir participé aux violences qui ont éclaté après des allégations diffusées sur les réseaux sociaux selon lesquelles un exemplaire du Coran, le livre sacré de l’islam, avait été profané dans un pandal. Dans tout le pays, au moins sept personnes ont été tuées et des centaines d’autres blessées lors de violents affrontements.
L’absence d’enquêtes dignes de ce nom lors de précédents épisodes de violences intercommunautaires créait un climat d’impunité.

Liberté de réunion

Selon le groupe local de défense des droits humains Ain o Salish Kendra (ASK), 157 personnes ont été tuées et 10 833 ont été blessées lors de 932 épisodes de violences politiques et d’affrontements avec la police ainsi qu’entre sympathisant·e·s du parti au pouvoir et de partis d’opposition au cours de l’année.
Des responsables de l’opposition ont été détenus ou empêchés par d’autres moyens de participer à des manifestations pendant l’année.

Le 25 mars, au moins 14 personnes, dont un journaliste, ont été blessées lors d’une manifestation contre la visite du Premier ministre indien Narendra Modi au Bangladesh.

Le 26 octobre, la police a empêché des sympathisant·e·s et des militant·e·s du principal parti d’opposition, le Parti nationaliste du Bangladesh (BNP), de participer à un « rassemblement pour la paix » contre les violences intercommunautaires dans le pays. Elle a avancé que le BNP n’avait pas obtenu l’autorisation d’organiser un rassemblement. Or, l’obligation de demander une autorisation allait à l’encontre du droit de réunion pacifique. Au moins 44 membres et sympathisant·e·s du parti ont été arrêtés lors d’affrontements avec la police.

Torture et autres mauvais traitements

Le 10 mars, le caricaturiste politique Ahmed Kabir Kishore a saisi le tribunal d’instance métropolitain de Dacca, la capitale, en vertu de la Loi de 2013 relative à la prévention de la torture et des décès en détention. Il accusait les services de la sûreté de l’État de l’avoir torturé en détention3. Il avait été arrêté en vertu de la Loi sur la sécurité numérique en mai 2020, en même temps que l’écrivain Mushtaq Ahmed, pour avoir publié sur Facebook des dessins et des commentaires satiriques critiquant la réaction des autorités face à la pandémie de COVID-19. Mushtaq Ahmed est décédé après avoir passé 10 mois en prison sans jugement. La commission d’enquête gouvernementale a conclu à une mort naturelle. Sa demande de libération sous caution avait été rejetée à six reprises au moins. Ahmed Kabir Kishore a indiqué à Amnesty International avoir été soumis à une disparition forcée alors qu’il se trouvait à son domicile, à Dacca, trois jours avant la date officielle de son arrestation. Il a ajouté que Mushtaq Ahmed et lui avaient été torturés en détention par des agents de la sûreté de l’État. Le dessinateur a eu besoin d’une aide auditive après avoir perdu l’usage de son oreille droite.

Exécutions extrajudiciaires et disparitions forcées

Selon ASK, au moins 80 personnes ont été victimes d’une exécution extrajudiciaire en 2021. Parmi elles, 73 auraient été tuées lors d’« échanges de coups de feu » ou de « tirs croisés » et sept auraient succombé à des actes de torture. Selon Odhikar, une autre organisation locale de défense des droits humains, 18 personnes auraient été soumises à une disparition forcée au cours des neuf premiers mois de l’année.

En dépit des allégations relayées par les médias qui faisaient état de centaines de disparitions forcées, les autorités ont continué de nier leur existence. Elles ont parfois justifié des exécutions extrajudiciaires en avançant que les forces de sécurité avaient agi en situation de « légitime défense ».

La police attribuait souvent la mort de suspects à des « fusillades », des « échanges de coups de feu » ou des « tirs croisés ». Dans de nombreux cas, le fait que ces décès soient survenus alors que les victimes étaient déjà en garde à vue laissait craindre que ces personnes aient été exécutées de façon extrajudiciaire par les autorités. Le 13 novembre, le secrétaire d’État Kamal Ahmed Majumder a déclaré devant des lycéen·ne·s : « Je suis favorable aux tirs croisés, car des centaines de milliers de personnes ne dorment plus à cause des criminels. Ces criminels n’ont pas le droit de vivre. » Ses déclarations montraient bien que les autorités utilisaient l’expression « tirs croisés » pour désigner les exécutions extrajudiciaires, par opposition aux ripostes relevant de la légitime défense.

Violences faites aux femmes et aux filles

Les viols d’au moins 1 321 femmes ont été signalés en 2021, ce qui était probablement en deçà de la réalité. D’après les informations disponibles, le nombre de cas de harcèlement sexuel et de violences contre les femmes a augmenté par rapport aux années précédentes. Selon ASK, 224 femmes ont été tuées par leur époux, et d’autres violences ont également été commises contre des femmes, notamment des agressions physiques imputables au conjoint ou à des membres de la famille. L’article 155(4) de la Loi de 1872 relative aux preuves permettait à la défense de soulever des questions quant à la moralité d’une femme ayant porté plainte pour violences sexuelles. Les appels lancés par des militant·e·s en faveur d’une réforme de la législation et du système judiciaire sont restés lettre morte.

Droits des peuples autochtones

Le 28 octobre, le secrétaire de cabinet, Khandker Anwarul Islam, a déclaré que les personnes vivant dans des zones forestières seraient transférées ailleurs afin de garder les forêts « intactes ». Des défenseur·e·s des droits des peuples autochtones se sont inquiétés du fait qu’une telle mesure risquait d’exposer ces peuples à une expulsion forcée. Plusieurs communautés autochtones vivaient dans la forêt depuis des siècles, et des groupes autochtones ont dénoncé des violations continuelles de leurs droits, notamment l’accaparement de terres et la déforestation. Le 30 mai, des acteurs non étatiques ont abattu 1 000 pieds de bétel appartenant à 48 familles autochtones khasis du hameau (punji) d’Agar, dans le district de Moulvibazar. Ces arbustes étaient une source de revenus essentielle pour la population locale. La déforestation ininterrompue et l’extraction de pierres et de sable dans les eaux de surface des districts de Rangamati, Khagrachhari et Bandarban, dans les Chittagong Hill Tracts, n’ont fait qu’aggraver la pénurie d’eau que subissaient les populations montagnardes de la région.

Droits des personnes réfugiées

Les violences se sont intensifiées dans les camps de personnes réfugiées de Cox’s Bazar et des incendies y ont dévasté des abris, faisant au moins 15 morts, des centaines de blessés et des milliers de personnes déplacées au premier trimestre. Le 29 septembre, des hommes armés ont abattu Mohib Ullah, membre éminent de la société civile rohingya, au camp de Kutupalong4. Le 22 octobre, au moins sept personnes ont été tuées par des groupes violents dans le camp de Balukhali. Des réfugié·e·s rohingyas ont signalé ne pas se sentir en sécurité dans les camps depuis qu’ils avaient reçu des menaces de mort par téléphone. Des personnes réfugiées ont également indiqué que des groupes armés gérant des cartels de la drogue et se livrant à l’extorsion avaient commis des homicides dans leur tentative de prendre le contrôle des camps.

Le Bangladesh a réinstallé plus de 19 000 réfugié·e·s rohingyas à Bhasan Char, une île isolée du golfe du Bengale, en dépit des inquiétudes au sujet des conditions de vie sur cette île. Les personnes réfugiées n’étaient pas autorisées à quitter l’île, même si elles avaient des ami·e·s ou de la famille sur le continent. Selon les médias, plus de 200 réfugié·e·s ont été arrêtés ou incarcérés pour s’être « échappés » de l’île, à laquelle les journalistes, les défenseur·e·s des droits humains et les travailleuses et travailleurs humanitaires ne pouvaient accéder sans autorisation préalable. Le 9 octobre, les autorités bangladaises et l’ONU ont signé un protocole d’accord établissant un cadre commun de protection et d’action publique pour l’aide humanitaire aux Rohingyas. Si ce document ouvrait la voie à l’accès à certains services comme l’éducation et à la concrétisation du droit à une réinstallation volontaire pour les personnes réfugiées, il n’en restreignait pas moins leur droit de circuler librement.

« Bangladesh. Il faut mettre un terme à la répression de la liberté d’expression en ligne », 25 juillet

« Bangladesh. Rozina Islam ne doit pas être punie pour avoir fait son travail de journaliste », 19 mai

Bangladesh Mid-Term UPR Assessment (ASA 13/4732/2021), 21 septembre

« Bangladesh. Il faut enquêter sur le meurtre du militant rohingya bien connu Mohib Ullah », 29 septembre

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