Corée du Sud - Rapport annuel 2020

carte Corée du Sud rapport annuel amnesty

République de Corée
Chef de l’État et du gouvernement : Moon Jae-in

L’avortement a été dépénalisé. Les violences liées au genre constituaient toujours un problème majeur. Les personnes transgenres étaient la cible de manifestations de haine et de discriminations. La Commission nationale des droits humains a estimé que les tests obligatoires de détection du COVID-19 imposés aux travailleuses et travailleurs étrangers étaient discriminatoires. Des critiques se sont élevées contre le manque d’ambition des mesures gouvernementales visant à lutter contre l’urgence climatique.

Discrimination

Droits des travailleuses et travailleurs migrants
En mars, la Commission nationale des droits humains a estimé discriminatoires les arrêtés pris par certaines instances administratives locales, notamment à Séoul et dans la province du Gyeonggi, rendant les tests de détection du COVID-19 obligatoires pour les travailleuses et travailleurs étrangers déjà présents sur le territoire sud-coréen. Le gouvernement central a par conséquent demandé aux autorités municipales de Séoul de modifier leur arrêté, au motif qu’il était discriminatoire à l’égard des personnes étrangères.

Les travailleuses et travailleurs migrants titulaires de visas temporaires et dont les revenus se situaient dans la tranche la plus faible ont de nouveau été exclus en septembre des mesures exceptionnelles de soutien financier prises par le gouvernement en raison de la pandémie. Près de deux millions de travailleuses et travailleurs migrants pourraient avoir été concernés, dont un grand nombre étaient toujours sans travail en raison des restrictions sanitaires.

Genre et orientation sexuelle

De nouvelles propositions de loi ont été déposées en vue de l’adoption d’un texte global contre la discrimination.
Les dispositions envisagées prévoyaient une protection essentielle contre la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre. La législation en vigueur ne protégeait pas toutes les catégories de personnes1.

Droits des femmes et des filles

L’avortement a été dépénalisé en janvier, à la suite d’un arrêt de la Cour constitutionnelle déclarant que l’interdiction de l’interruption de grossesse inscrite auparavant dans la loi était contraire à la Constitution. Le Parlement n’a cependant rien fait pour réviser la Loi sur l’avortement, comme le lui avait pourtant demandé la Cour constitutionnelle en 2020. Plusieurs propositions de loi étaient toujours en instance devant l’Assemblée nationale, certaines fixant notamment des délais précis pour pratiquer un avortement, d’autres appelant à une dépénalisation totale. Ce vide législatif prolongé semait la confusion parmi les professionnel·le·s de santé.

Dans un jugement historique rendu le 8 janvier, le tribunal du district central de Séoul a sommé le gouvernement japonais d’indemniser 12 femmes qui avaient été contraintes de participer au système d’esclavage sexuel mis en place par l’armée japonaise avant et pendant la Seconde Guerre mondiale. Dans une décision distincte, ce même tribunal de district a en revanche rejeté en avril les plaintes de même nature portées contre le Japon par un autre groupe de victimes.

Les violences liées au genre restaient une réalité, comme en témoignaient plusieurs affaires d’abus d’autorité, de harcèlement sexuel et de violences sexuelles présumés au sein des forces armées. Une sergent-chef de l’armée de l’air victime de harcèlement sexuel s’est suicidée en mai. Il a été confirmé le même mois qu’une sous-officière avait tenté de se suicider. Elle avait été suivie avec insistance et agressée sexuellement par l’un de ses supérieurs. Une gradée de la marine qui s’était plainte d’avoir été agressée par un supérieur a été retrouvée morte en août sur la base où elle était stationnée. Il semblerait qu’elle se soit elle aussi suicidée. Selon certaines informations, ses supérieurs hiérarchiques n’auraient pas pris les mesures qui s’imposaient pour empêcher qu’elle ne continue d’être victime de sévices de la part de son agresseur présumé.

Droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles, transgenres ou intersexes

Les conclusions d’une enquête sur la situation des personnes transgenres, demandée par la Commission nationale des droits humains, ont été publiées en février. Il en ressortait que les personnes transgenres étaient « partout exposées à la haine et à la discrimination ». L’étude déplorait le manque de textes législatifs, d’organismes et de politiques publiques garantissant les droits des personnes transgenres et demandait au gouvernement de faire voter une loi globale de lutte contre la discrimination.

Au moins trois personnes transgenres sont mortes dans des circonstances donnant à penser qu’il s’agissait de suicides. Le corps de Lee Eun-yong, dramaturge, a été retrouvé sans vie à son domicile le 8 février. Celui de Kim Ki-hong, l’une des deux seules personnes transgenres à s’être présentées aux élections en 2020, en représentation du Parti vert, a lui aussi été retrouvé dans sa résidence, sur l’île de Jeju, le 24 février. L’ex-sergent-chef Byun Hui-su est morte en mars à Cheongju, dans la province du Chungcheong du Nord. Sa mort a été traitée comme un suicide. L’opération chirurgicale de changement de sexe qu’avait subie Byun Hui-su avait été considérée comme un « handicap » par l’armée et la jeune femme avait été renvoyée après avoir demandé son transfert dans une unité féminine. Un tribunal de district a estimé en octobre qu’il n’existait « aucun motif de handicap mental ou physique justifiant son renvoi » et a ordonné la réintégration de Byun Hui-su à titre posthume dans l’armée.

Aux termes d’un jugement important pour les droits des personnes transgenres, une cour d’appel a reconnu en octobre l’identité de genre d’un homme transgenre qui ne s’était pas fait stériliser. Or, en vertu des lignes directrices édictées par la Cour suprême, actuellement en vigueur, la stérilisation était obligatoire pour que le changement de sexe soit reconnu.

Les autorités empêchaient toujours les personnes transgenres de servir dans l’armée.

Incrimination

La Cour constitutionnelle ne s’était toujours pas prononcée à la fin de l’année sur la constitutionnalité de l’article 92-6 du Code pénal militaire, qui réprimait les relations sexuelles entre personnes de même sexe au sein de l’armée.

Liberté d’expression, d’association et de réunion

Les autorités ont continué de défendre la Loi anti-tract, entrée en vigueur en mars et destinée à apaiser les tensions avec la Corée du Nord. Cette loi interdisait l’envoi, au-delà de la frontière, d’imprimés et d’autres articles. Plusieurs associations de la société civile se sont plaintes du fait que cette loi constituait, selon elles, une menace pour la liberté d’expression et qu’elle prévoyait des sanctions disproportionnées. Les groupes déclarés coupables d’envoi de tracts ou de clés USB en Corée du Nord depuis la Corée du Sud encourraient en effet des peines pouvant aller jusqu’à trois ans d’emprisonnement ou 30 millions de wons (27 000 dollars des États-Unis) d’amende.

Une proposition de modification de la Loi sur l’arbitrage de la presse a été largement critiquée, aussi bien en Corée du Sud qu’à l’étranger, en raison de l’imprécision des termes définissant les sanctions auxquelles s’exposeraient les journalistes et les organes de presse pour la diffusion de « fausses nouvelles ». Le texte était toujours en cours d’examen par l’Assemblée nationale à la fin de l’année.

Le gouvernement a ratifié en février trois Conventions fondamentales de l’OIT : la Convention (no 29) sur le travail forcé, la Convention (no 87) sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, et la Convention (no 98) sur le droit d’organisation et de négociation collective. Ces Conventions devaient entrer en vigueur en Corée du Sud en avril 2022.

Droits des travailleuses et travailleurs

Une commission mise en place afin de prévenir les décès par épuisement et surcharge de travail des livreurs et livreuses s’est inquiétée des conditions de travail dans les entreprises de commerce en ligne, soulignant la forte demande et la concurrence effrénée entre les firmes du secteur, ainsi que l’absence de protections. La société Coupang a notamment été critiquée pour les nombreuses atteintes aux droits humains constatées.

La Confédération coréenne des syndicats a organisé une grève de grande ampleur en octobre à Séoul afin de protester contre les mauvaises conditions de travail et les inégalités. Une plainte a été déposée contre l’équipe organisatrice de cette grève et les participant·e·s pour violation de l’interdiction des rassemblements, interdiction imposée pour lutter contre la propagation du COVID-19. Une enquête visant 34 personnes a été ouverte.

Lutte contre la crise climatique

Lors de la COP26, au mois de novembre, la Commission sud-coréenne pour la neutralité carbone a annoncé que le nouvel objectif du pays au titre de sa contribution déterminée au niveau national était désormais de réduire de 40 % les émissions d’ici 2030, par rapport à 2018. Cet objectif n’était pas suffisant pour maintenir la hausse des températures mondiales au-dessous du seuil de 1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle.

En août, l’Assemblée nationale a adopté une loi-cadre pour une croissance verte neutre en carbone qui inscrivait dans le droit l’objectif de la neutralité carbone d’ici 2050. Ce nouveau texte a été décrié par des organisations de la société civile, notamment écologistes, qui considéraient que ses objectifs n’étaient pas suffisamment ambitieux.

Un recours a été déposé en octobre auprès de la Cour constitutionnelle par plusieurs organisations de la société civile et formations politiques, qui estimaient que la nouvelle loi ne protégeait pas les droits fondamentaux des citoyen·ne·s.

De jeunes militant·e·s ont versé en cours d’année de nouvelles communications au dossier d’un autre recours introduit auprès de la Cour constitutionnelle concernant une action en justice liée au climat et sur lequel la Cour ne s’était toujours pas prononcée. Les communications initiales dans cette affaire faisant notamment valoir que, en vertu de la Constitution, l’État était tenu de protéger la santé, la vie et les droits environnementaux de la population et que ces droits étaient compromis par les amendements de 2019 à la loi sur le changement climatique, qui ne fixaient pas de réels objectifs en matière de réduction des émissions.

« Corée du Sud. Les législateurs doivent saisir l’occasion d’adopter une loi majeure contre la discrimination », 9 août

« Corée du Sud. La décision décevante sur le Japon ne rend pas justice aux “femmes de réconfort” », 21 avril

"대북전단금지법을 둘러싼 논란 – 국제앰네스티의 접근법", 17 mai

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