Les droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique restaient soumis à de sévères restrictions, de même que les activités des organisations de défense des droits humains et des syndicats. La torture et les autres formes de mauvais traitements demeuraient très répandues. Les personnes en situation de handicap se heurtaient toujours à des obstacles pour obtenir le respect de leurs droits fondamentaux les plus élémentaires. Les personnes LGBTI étaient aux prises avec de nombreux actes de discrimination et de violence. Des demandeurs et demandeuses d’asile qui fuyaient les atteintes aux droits humains en Chine ont été emprisonnés et ont fait l’objet de discriminations.
Contexte
La formation au pouvoir, le parti Nour Otan, a remporté les élections législatives du 10 janvier, avec 71 % des voix. La mission de suivi du processus électoral envoyée par l’OSCE a estimé que le choix des électeurs avait été limité par des restrictions injustifiées des libertés fondamentales d’association, de réunion pacifique et d’expression.
Le président de la République, Kassym-Jomart Tokaïev, a publié le 10 juin un programme de mesures prioritaires pour les droits humains mentionnant expressément les droits des personnes en situation de handicap, l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes et le droit à la liberté d’association et d’expression, mais omettant le droit à la liberté de réunion pacifique.
Selon l’OMS, le Kazakhstan avait enregistré en décembre 1 060 125 cas confirmés de COVID-19 et 17 972 décès ; 16 813 018 doses de vaccin avaient été administrées. La vaccination a été rendue obligatoire le 6 septembre pour les personnes travaillant dans les secteurs de la vente au détail, du sport, de la culture et de la santé, ainsi que pour l’administration locale. Les personnes non vaccinées étaient tenues de se tester toutes les semaines.
Le Kazakhstan a été élu au Conseil des droits de l’homme de l’ONU le 14 octobre.
Le 29 décembre, Kassym-Jomart Tokaïev a promulgué une loi abolissant la peine de mort, satisfaisant ainsi aux conditions requises pour ratifier le Deuxième Protocole facultatif se rapportant au PIDCP.
Liberté d’expression
Les autorités ont cherché à faire taire les critiques à l’égard du gouvernement en ayant recours à des lois répressives. Bien que la diffamation ait été dépénalisée en 2020, les délits d’« injures publiques et autres atteintes à l’honneur et à la dignité du premier président » et d’« atteintes à l’honneur et à la dignité du président » figuraient toujours au Code pénal (article 373 et article 375, respectivement).
Le 10 août, un tribunal de la ville de Taldykorgan a estimé, dans le cadre d’une procédure civile, que Serik Koulmyrza et huit autres personnes devaient retirer certains contenus mis en ligne sur les réseaux sociaux, au motif que ceux-ci étaient insultants pour « le premier président du Kazakhstan » (Noursoultan Nazarbaïev) et donnaient « une mauvaise image de la situation des droits humains dans le pays ». Le tribunal recommandait en outre au parquet d’ouvrir une procédure au titre des articles 373 et 375 du Code pénal. Seul l’un des prévenu·e·s a participé à l’audience, via l’application WhatsApp. Les autres ont appris la décision du tribunal par la presse, en octobre.
Le Parlement a adopté, le 15 septembre, plusieurs modifications législatives destinées à protéger les enfants du harcèlement en ligne. Aux termes de ces modifications, les plateformes internet et applications de messagerie étrangères devaient s’enregistrer et disposer de représentant·e·s au Kazakhstan si elles ne voulaient pas être bloquées. Des défenseur·e·s des droits humains ont dénoncé ces modifications de la loi comme étant en fait une façon de restreindre indûment le droit à la liberté d’expression et à l’accès à l’information.
Kenjeboulat Essimseïtov, ambulancier de profession, a été arrêté le 7 octobre et interrogé par la police au titre de l’article 274 du Code pénal, pour « diffusion d’informations fausses en connaissance de cause ». Il faisait partie d’un groupe de 24 ambulancières et ambulanciers qui avaient signé une lettre adressée aux autorités dans laquelle ils se plaignaient des conditions de travail dans les services ambulanciers, et notamment du non-versement de la prime que les conducteurs et conductrices étaient censés toucher en raison de la pandémie de COVID-19. À la fin de l’année, l’affaire n’avait pas été classée mais ne faisait pas non plus l’objet d’une enquête active.
Législation relative à l’extrémisme
On a assisté à une augmentation du nombre de personnes déclarées coupables au titre de l’article 405 du Code pénal pour appartenance à une organisation « extrémiste ». En octobre, 47 déclarations de culpabilité de ce type avaient été prononcées, contre 14 en 2020. Toutes les personnes concernées avaient simplement exprimé des critiques à l’égard du gouvernement ou soutenu deux mouvements d’opposition, le Choix démocratique du Kazakhstan et le « Parti de la rue » (Koshe Partiyasy), arbitrairement déclarés « extrémistes » lors d’audiences tenues à huis clos par les tribunaux, respectivement en 2018 et 2020.
Askhat Jexebaïev a été condamné le 11 octobre à cinq ans d’emprisonnement pour appartenance à un « parti extrémiste ». Cofondateur du Parti de la rue, il était en détention depuis le mois d’août 2020. Il faisait partie d’un groupe de 13 militant·e·s d’opposition déclarés coupables à l’issue d’un procès motivé par des préoccupations politiques.
Le prisonnier d’opinion Max Bokaïev a été libéré le 4 février, après avoir purgé une peine de cinq ans d’emprisonnement. Il restait soumis pendant trois ans à une mesure de « surveillance administrative » restreignant ses droits à la liberté de réunion pacifique, d’expression et d’association1.
Droit au respect de la vie privée
Les téléphones portables d’au moins quatre militant·e·s kazakhstanais ont été pris pour cible et infectés par le logiciel espion Pegasus de la société NSO Group à partir du mois de juin. Ces quatre personnes étaient toutes membres de l’organisation de jeunesse Oyan, Qazaqstan (« Réveille-toi, Kazakhstan »)2.
Liberté de réunion
Les demandes d’autorisation de manifester étaient fréquemment rejetées, au titre de lois abusivement répressives. Selon plusieurs observatoires des droits humains, 133 demandes se seraient ainsi heurtées à un refus arbitraire de la part de l’administration locale de 22 villes entre juillet 2020 et octobre 2021 (dont 103 en 2021). Des manifestant·e·s pacifiques ont été soumis à des mauvais traitements ou des manœuvres d’encerclement, ce qui constituait de fait une forme de détention arbitraire par les responsables de l’application des lois.
Le 10 janvier, un groupe d’une douzaine de manifestant·e·s a ainsi été cerné par des policiers et obligé de rester debout pendant plus de neuf heures, dans un froid glacial, avant d’être finalement libéré. Les personnes encerclées n’ont pu ni boire, ni manger, ni aller aux toilettes. Une femme en hypothermie a dû être transportée à l’hôpital.
Liberté d’association
Trois ONG (le Bureau international du Kazakhstan pour les droits humains et la primauté du droit, l’Initiative juridique internationale, et l’organisation de suivi des élections Écho) ont été arbitrairement suspendues en janvier, pour une durée de trois mois. L’ONG Ailes de la liberté (Erkindik Kanaty) a quant à elle été soumise à une amende au titre d’une réglementation fiscale répressive. Ces quatre ONG avaient reçu en novembre 2020 une notification selon laquelle elles avaient délibérément enfreint l’article 460-1 du Code relatif aux infractions administratives en omettant de déclarer les fonds étrangers qu’elles avaient reçus, parfois depuis 2018.
Droits des travailleuses et travailleurs
Malgré les réformes de 2020 facilitant l’enregistrement des syndicats, certains d’entre eux restaient confrontés à des obstacles bureaucratiques excessifs. Le 5 février, le tribunal économique interdistricts de Chymkent a suspendu pour une durée de six mois le Syndicat indépendant des travailleurs et travailleuses du secteur des combustibles et de l’énergie, pour non-respect des dispositions en matière d’enregistrement prévues par la loi sur les syndicats, loi particulièrement restrictive.
Torture et autres mauvais traitements
Selon le rapport du Mécanisme national de prévention de la torture publié en 2021, 63 cas de torture présumés ont été enregistrés en 2020 et 13 personnes ont été condamnées. Le Mécanisme dénonçait par ailleurs les mauvaises conditions de vie dans les centres de détention. Nombre de ces centres étaient mal chauffés en hiver. La nourriture y était insuffisante et le personnel médical, employé par l’administration pénitentiaire, était très fortement en sous-effectif.
Un tribunal d’Öskemen a condamné le 15 octobre sept surveillants de prison à des peines allant de cinq à 10 années d’emprisonnement pour avoir torturé un jeune homme de 25 ans, Andreï Kondratenko. Ce dernier était mort en prison le 18 juillet 2019 après avoir été torturé. Selon un témoin, les surveillants auraient maintenu la tête de la victime sous l’eau et auraient privé le jeune homme de sommeil. Ils auraient ensuite obligé d’autres détenus à emmener son corps dans un cachot et à mettre en scène un suicide par pendaison.
Droits des personnes en situation de handicap
Les personnes en situation de handicap mental continuaient d’être privées par les tribunaux de leur capacité juridique, et donc de leurs droits fondamentaux, tels que le droit à l’éducation, le droit à la vie privée, le droit de vote ou le droit d’éligibilité. L’OSCE a recommandé en juillet la levée de toutes les restrictions pesant sur le droit de vote et le droit d’éligibilité. Elle a également demandé au Kazakhstan d’adopter des lois et des politiques publiques permettant aux personnes en situation de handicap de bénéficier d’un soutien à l’exercice de leur capacité juridique, au lieu de les priver de celle-ci.
Droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles, transgenres ou intersexes
Les personnes LGBTI faisaient l’objet de discriminations, d’actes de marginalisation et d’agressions de la part d’acteurs tant étatiques que non étatiques.
Janar Sekerbaïeva et Goulzada Serjan, fondatrices du collectif féministe queer Feminita, ont été agressées et molestées en mai par un groupe de personnes en colère, au moment où elles s’apprêtaient à tenir une conférence sur les droits humains dans un hôtel de Chymkent. La police n’a pas protégé leur droit à se réunir pacifiquement et les a arrêtées, affirmant par la suite avoir agi afin d’assurer leur protection. L’hôtel ayant finalement annulé leur réservation de salle, elles se sont rendues dans un café voisin, où un groupe d’hommes les a prises à partie. Janar Sekerbaïeva a reçu un coup de poing en plein visage. Des policiers se trouvaient parmi la foule et des images vidéo les ont montrés en train de faire monter de force les deux militantes dans des véhicules de police. Elles ont de nouveau été agressées le 28 juillet à Karaganda par un groupe de personnes alors qu’elles tentaient de donner une conférence sur les droits des femmes. Aucun de ces deux évènements n’avait donné lieu à une enquête de la police à la fin de l’année.
Droits des personnes réfugiées ou migrantes
Les Kazakhs qui fuyaient la région chinoise du Xinjiang faisaient l’objet de poursuites judiciaires et de mesures d’emprisonnement pour entrée irrégulière sur le territoire du Kazakhstan. Ils ne bénéficiaient pas d’une protection suffisante et se heurtaient en outre à des discriminations et à des obstacles administratifs (obligation de renouveler chaque année leurs papiers, interdiction de se rendre à l’étranger, etc.). Trois Kazakhs du Xinjiang réfugiés au Kazakhstan se sont vu refuser la citoyenneté de ce pays en avril, au motif qu’ils avaient franchi la frontière illégalement.