Malaisie - Rapport annuel 202

carte Malaisie rapport annuel amnesty

Malaisie
Chef de l’État : Abdullah Ahmad Shah
Chef du gouvernement : Ismail Sabri Yaakob (a remplacé Muhyiddin Yassin en août)

Des défenseur·e·s des droits humains, des journalistes et des responsables de l’opposition, entre autres, ont fait l’objet d’enquêtes et ont été arrêtés et poursuivis pour avoir critiqué le gouvernement. Les autorités ont utilisé les mesures de lutte contre la pandémie de COVID-19 pour restreindre les droits à la liberté d’expression et de réunion. De nouveaux décès en détention ont été enregistrés sans que personne n’ait à en répondre. Cette année encore, des personnes réfugiées ou demandeuses d’asile et des travailleuses et travailleurs migrants ont été la cible de descentes de police, de placements en détention et d’autres formes de persécutions. La discrimination contre les personnes LGBTI s’est accrue.

Contexte

La gestion de la pandémie de COVID-19 par les autorités a été source de protestation au sein de la population et a provoqué une instabilité politique. Face à la pandémie, l’état d’urgence a été déclaré de janvier au 1er août 2021. Pendant cette période, le Parlement national et les assemblées législatives des États ont été suspendus. Le Premier ministre Muhyiddin Yassin a démissionné le 16 août après avoir perdu le soutien de la majorité. Son remplaçant, Ismail Sabri Yaakob, a été investi une semaine plus tard.

Liberté d’expression

En février, le média d’information Malaysiakini a été condamné à une amende de 500 000 ringgits malaisiens (environ 119 000 dollars des États-Unis) pour outrage à magistrat, après avoir publié des commentaires de ses lecteurs critiquant une décision de justice. La Loi sur les communications et le multimédia et la Loi relative à la sédition ont été utilisées pour incriminer des voix dissidentes. En mars, le gouvernement a adopté une ordonnance destinée à lutter contre les « fausses nouvelles » en lien avec la pandémie de COVID-19, ordonnance devenue caduque avec la levée de l’état d’urgence en août1.

Des militant·e·s, des journalistes et d’autres personnes ont été visés par des enquêtes, poursuivis et harcelés pour avoir critiqué les autorités. En juillet, la défenseure des droits des réfugié·e·s Heidy Quah a été inculpée en vertu de la Loi sur les communications et le multimédia pour un commentaire qu’elle avait publié en 2020 sur les réseaux sociaux, dans lequel elle dénonçait les mauvaises conditions de détention dans un centre pour personnes migrantes.

En juillet, la police a fait une descente dans les bureaux des créateurs d’un film d’animation sur les violences policières. Le 29 juillet, Sarah Irdina Arif, militante étudiante, a été arrêtée en vertu de la Loi relative à la sédition et interrogée sur des publications qu’elle avait diffusées sur les réseaux sociaux en soutien à « Lawan », un mouvement de protestation contre la gestion de la pandémie de COVID-19 par le gouvernement.

Liberté de réunion

La Loi relative aux rassemblements pacifiques (PAA) et les lois et règlements de contrôle de la pandémie ont été utilisés pour empêcher et disperser des manifestations pacifiques. En mars, la police a interrogé des manifestant·e·s à la suite d’un rassemblement réclamant l’abaissement de la majorité électorale à 18 ans2. Au mois de mai, des personnes qui avaient manifesté pour demander la réouverture du Parlement ont été visées par des enquêtes en vertu de la PAA. En juillet, la police a menacé d’arrestation des médecins d’un établissement de santé qui participaient à une grève d’une heure lancée à l’échelle du pays pour réclamer de meilleures conditions de sécurité au travail. À la suite de ces menaces, il a été mis fin au mouvement de grève.

La répression du droit à la liberté de réunion pacifique s’est intensifiée dans les semaines qui ont précédé la démission du Premier ministre, Muhyiddin Yassin3. Plusieurs dizaines de personnes ont été visées par des enquêtes en lien avec une manifestation du mouvement Lawan dans la capitale, Kuala Lumpur, le 31 juillet. De nombreuses autres se sont plaintes d’être harcelées par la police à leur domicile.

Le 2 août, la police antiémeute a empêché 107 député·e·s de l’opposition d’entrer dans le Parlement, qui avait été fermé après l’annonce par le gouvernement de la découverte de cas de COVID-19. La police a convoqué pour interrogatoire les député·e·s qui avaient participé à la manifestation ayant abouti à ce blocus et leur a infligé une amende pour violation de la législation de contrôle de la pandémie.

Le 19 août, la police a dispersé une manifestation silencieuse du mouvement Lawan en hommage aux victimes du COVID-19 et a arrêté 13 personnes, à qui elle a infligé une amende pour violation de la législation de contrôle de la pandémie. Deux participantes ont été inculpées en vertu de la Loi relative à la police pour avoir eu un comportement « séditieux, indécent, désordonné ou insultant ». Les organisateurs et organisatrices ont annulé une autre manifestation du mouvement Lawan qui était prévue. La police a néanmoins obtenu une décision de justice interdisant à 34 militant·e·s d’entrer dans Kuala Lumpur et a bloqué les routes menant à la capitale.

Droits des personnes réfugiées ou migrantes

Les personnes réfugiées ou demandeuses d’asile ainsi que les travailleuses et travailleurs migrants ont cette année encore été durement traités. Ils ont notamment subi des descentes de police, des arrestations, des placements en détention et des expulsions vers des pays où ils risquaient réellement d’être victimes de violations des droits humains. En février, les autorités ont expulsé 1 086 personnes migrantes ou demandeuses d’asile au Myanmar, au mépris d’une décision de justice et malgré l’augmentation des violences et des risques de persécution à la suite du coup d’État dans ce pays.

En juin, des centaines de personnes ont été arrêtées lors d’une série d’opérations policières dans des zones où vivaient de nombreux migrant·e·s en situation irrégulière. La surpopulation dans les centres de détention des services de l’immigration exposait les personnes détenues à un risque accru de contracter le COVID-194. Le gouvernement a aussi diffusé en ligne des visuels anti-Rohingyas et d’autres messages contre les migrant·e·s.
Les autorités canadiennes ont annoncé en mai l’ouverture d’une enquête sur des allégations de travail forcé dans des plantations d’huile de palme et des usines de gants en Malaisie.

Traitements cruels, inhumains ou dégradants

Au moins 19 personnes sont mortes en garde à vue ou juste après leur libération durant l’année. Un homme de 40 ans, A. Ganapathy, est mort en avril à l’hôpital, où il avait été admis après sa libération de garde à vue le mois précédent. Selon les médias, l’autopsie a révélé que son décès était dû à des blessures survenues pendant sa garde à vue. Les autorités ont indiqué qu’une enquête était en cours, mais personne n’avait été inculpé à la fin de l’année. Selon les statistiques gouvernementales, 105 personnes ont trouvé la mort dans des postes de police, des prisons ou des centres de détention pour migrant·e·s entre janvier 2020 et septembre 2021.

Droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles, transgenres ou intersexes

Les personnes et les militant·e·s LGBTI étaient toujours persécutés dans le pays. Le gouvernement a annoncé en janvier qu’il envisageait de durcir les peines prévues pour les « agissements » des personnes LGBTI. En juin, l’« équipe spéciale anti-LGBTI » du gouvernement a prévenu que des mesures allaient être prises contre les personnes qui « défendaient le style de vie LGBTI ». En juin, 1 733 personnes avaient été envoyées dans des camps de « rééducation » organisés par le Service du développement de l’islam (JAKIM) afin de modifier le « style de vie » et l’« orientation sexuelle » des personnes LGBTI. Une femme transgenre, Nur Sajat, a obtenu l’asile en Australie en octobre. Elle a affirmé avoir été agressée sexuellement pendant sa garde à vue en janvier.

Droits des peuples autochtones

Dans l’État du Kelantan, des autochtones ont manifesté contre un projet de barrage, les chefs locaux faisant valoir que la population n’avait pas donné son consentement préalable, libre et éclairé. En juillet, une communauté autochtone a introduit une demande de révision judiciaire contre le gouvernement de l’État de Selangor afin de contester un avis d’expulsion visant à la chasser de ses terres pour laisser la place à un projet touristique.

Peine de mort

Bien qu’un moratoire sur les exécutions soit toujours en place, le pays n’a guère progressé vers l’abolition de la peine capitale. Des condamnations à mort ont cette année encore été prononcées de façon automatique, notamment pour des infractions à la législation sur les stupéfiants.

“Malaysia : Government must immediately withdraw draconian fake news ordinance”, 15 mars

“Malaysia : Drop investigations into the Undi18 protest”, 30 mars

« Malaisie. La démission du Premier ministre doit rétablir le respect de la liberté d’expression et de réunion », 17 août

“Malaysia : Immigration raids on migrant workers during lockdown 3.0”, 3 juin

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