Ouzbékistan - Rapport annuel 2021

carte Ouzbékistan rapport annuel amnesty

République d’Ouzbékistan
Chef de l’État : Chavkat Mirziyoyev
Chef du gouvernement : Abdoulla Aripov

Les droits à la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique ont cette année encore fait l’objet de sévères restrictions. D’importants progrès ont été signalés en matière d’élimination du travail forcé dans le secteur cotonnier. Des garanties contre la torture et les autres mauvais traitements ont été adoptées, mais des informations ont continué de faire état de telles violences. Plus de 2 000 personnes étaient toujours emprisonnées en raison de leurs convictions religieuses pacifiques. La violence contre les femmes restait endémique. Les relations sexuelles librement consenties entre hommes constituaient toujours une infraction pénale.

Contexte

Le rythme des réformes engagées s’est ralenti, et certaines de ces réformes ont été abandonnées. Des militant·e·s politiques et de la société civile ont dénoncé les actes de harcèlement, la surveillance et les menaces qu’ils auraient subis à l’approche de l’élection présidentielle, élection à laquelle les candidat·e·s indépendants n’ont, de fait, pas pu se présenter. Un projet de nouveau Code pénal a été rendu public en février, mais il n’avait pas encore été adopté à la fin de l’année.

Le manque de transparence concernant l’utilisation du fonds d’un milliard de dollars des États-Unis mobilisé pour faire face à la pandémie de COVID-19 (et dont la dotation a été fortement augmentée à plusieurs reprises en l’espace de quelques mois) suscitait des inquiétudes quant à une possible corruption. La vaccination a été rendue obligatoire pour plusieurs catégories de travailleuses et travailleurs, pour les militaires et pour les fonctionnaires, les personnes refusant de s’y soumettre s’exposant à une suspension.

D’autres facteurs, comme la sécheresse, sont aussi venus aggraver la situation économique.
La prise du pouvoir par les talibans en Afghanistan, pays voisin, a entraîné un regain d’inquiétudes concernant l’islam radical.

Liberté d’expression

Des restrictions ont continué de peser sur le droit à la liberté d’expression. Le projet de nouveau Code pénal réprimait, tout comme la version en vigueur, la diffamation et l’insulte, ainsi que le fait, défini en des termes très larges, de produire ou de distribuer des « documents contenant les idées d’extrémisme, de séparatisme ou de fondamentalisme religieux ». L’injure au chef de l’État est devenue en mars une infraction passible de cinq ans d’emprisonnement.

Les organes de presse faisaient de l’autocensure et étaient confrontés à de nouvelles restrictions juridiques et à d’autres contraintes. Toute publication d’informations sensibles était, semble-t-il, soumise à l’accord préalable des autorités. Les personnes émettant des critiques (notamment les blogueurs et blogueuses) faisaient l’objet de poursuites, d’amendes et de peines d’emprisonnement, ce qui servait à intimider celles et ceux qui auraient été tentés de faire de même.

Le blogueur Otabek Sattori, engagé dans la lutte contre la corruption, a été condamné en mai à six ans et demi d’emprisonnement sur la base d’accusations douteuses de calomnie et d’extorsion. À la suite d’un différend avec la juge présidant le tribunal concernant la couverture du procès par la presse, trois journalistes et une femme d’affaires ayant publié une vidéo de cette altercation ont à leur tour été condamnés en novembre pour diffamation, insulte et refus d’obtempérer. L’un des journalistes a été condamné à trois ans d’emprisonnement. Les autres prévenu·e·s ont été condamnés à des peines sans privation de liberté.

Arrêté en août, le blogueur Valijon Kalonov a été inculpé d’insulte au chef de l’État pour avoir appelé au boycott des élections. Il était toujours en détention provisoire, dans l’attente de son procès, à la fin de l’année.

Travail forcé

En janvier, l’OIT a signalé que des progrès majeurs avaient été accomplis en matière d’élimination des pratiques abusives lors de la récolte de coton de 2020. Seuls quelques cas isolés de travail de mineur·e·s ont été signalés. Le nombre de cueilleurs et cueilleuses de coton ayant soit subi des contraintes directes, soit ressenti des contraintes, était de 33 % inférieur à celui relevé en 2019 et ne représentait plus que 4 % de la main-d’œuvre (sur un total de deux millions de cueilleurs et cueilleuses de coton, les deux tiers étaient des femmes).

Torture et autres mauvais traitements

Le projet de nouveau Code pénal proposait une définition de la torture conforme aux recommandations des organes de l’ONU, mais conservait certaines dispositions contestables prévoyant un délai de prescription, des mesures d’amnistie et une possible « réconciliation » entre victime et auteur·e des faits. Des garanties supplémentaires contre la torture ont été adoptées en juin, comme la création de « groupes publics » placés sous l’autorité du médiateur parlementaire chargé des droits humains et ayant pour mission de contrôler de manière indépendante les établissements pénitentiaires et les autres lieux fermés.

Un certain nombre de spécialistes indépendants des droits humains estimaient cependant que les problèmes institutionnels n’avaient pas été abordés et que la torture en détention restait très fréquente, même si elle était moins souvent dénoncée publiquement. Deux cas de décès en détention pour lesquels des allégations de torture avaient été formulées (en mai dans le district de Nichan, et en juillet dans celui de Takhiatach) ont fait l’objet d’une « vérification » en interne par les services du ministère de l’Intérieur, qui a conclu que ces allégations étaient infondées. Un autre cas signalé en juillet dans le district de Denaou a entraîné l’arrestation de deux policiers, qui ont cependant bénéficié d’un non-lieu par la suite. En décembre, deux membres de la police de la route de la région de Samarcande ont été condamnés à deux ans et 10 mois d’emprisonnement chacun pour avoir causé la mort par négligence et abus de pouvoir d’un automobiliste qu’ils avaient arrêté.

Une association de défense des droits humains a signalé en avril qu’une centaine de personnes étaient peut-être encore détenues dans la tristement célèbre prison de Jaslik, officiellement fermée en 2019.

Le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a conclu en mai que l’ancien diplomate Kadir Ioussoupov avait été arbitrairement privé de sa liberté et que ses allégations crédibles de torture et de mauvais traitements n’avaient pas fait l’objet de l’enquête qui s’imposait. L’Ouzbékistan n’a toutefois pas tenu compte de la demande du Groupe de travail, qui le priait de libérer immédiate le prisonnier et de lui accorder des réparations. Les autorités n’ont en outre pas répondu dans les meilleurs délais aux plaintes de Kadir Ioussoupov, qui affirmait avoir été roué de coups par d’autres détenus, en septembre et en octobre.

Selon plusieurs ONG internationales, les hommes arrêtés pour relations sexuelles présumées entre partenaires de même sexe consentants étaient toujours soumis à un examen anal forcé.

Liberté de religion et de conviction

Une nouvelle loi sur la liberté d’opinion et sur les organisations religieuses a été promulguée en juillet, sans consultation publique préalable. Elle apportait un certain nombre de progrès, tels que la simplification de l’enregistrement des organisations religieuses et la suppression des sanctions administratives pour port de vêtements religieux en public. Cinq rapporteurs et rapporteuses spéciaux des Nations unies ont toutefois fait part, le même mois, de leurs préoccupations face au maintien de l’interdiction des activités missionnaires et de tout enseignement religieux non sanctionné par l’État, et face à la censure appliquée de fait à la littérature religieuse.
La production et la diffusion de documents religieux n’étaient pas visées par le projet de nouveau Code pénal, mais restaient des infractions administratives.

La Commission des États-Unis sur la liberté religieuse internationale a indiqué en octobre que plus de 2 000 personnes étaient toujours emprisonnées par les autorités ouzbèkes en raison de la pratique pacifique de leurs convictions religieuses.

Liberté d’association et de réunion

Aux termes du projet de nouveau Code pénal, le fait de violer la réglementation (abusivement répressive) régissant les rassemblements publics constituait toujours une infraction passible d’emprisonnement, de même que la « formation illégale d’une association publique ou d’une organisation religieuse ».
Deux documents d’orientation, dans lesquels l’État s’engageait à apporter un soutien administratif et financier aux organisations de la société civile et à améliorer le cadre juridique de leur fonctionnement, ont été approuvés en mars. Des obstacles subsistaient en matière d’enregistrement des organisations.

Les ONG et les partis politiques en particulier continuaient d’être confrontés à des refus arbitraires d’enregistrement pour non-respect de la réglementation concernant des points de procédure mineurs ou contestables. Le ministère de la Justice a ainsi arbitrairement rejeté en août la demande d’enregistrement de la Maison des droits humains, soumise pour la huitième fois depuis 2019 par Agzam Tourgounov et plusieurs autres personnes. Le groupe a fait appel de cette décision en septembre et a de nouveau déposé une demande.

Violences fondées sur le genre

Les violences à l’égard des femmes, notamment la violence domestique, étaient toujours très fréquentes. On ne disposait cependant pas de statistiques exhaustives. Le ministère de l’Intérieur a publié en janvier des informations concernant le recours aux ordonnances de protection en 2020, année où ces mesures avaient été introduites. Au total, 14 774 femmes avaient bénéficié de ces ordonnances, et dans 73 % des cas, la décision avait été prise à la suite de violences physiques et domestiques. Le ministère a toutefois rejeté en juin une demande de l’ONG NeMolchi, qui souhaitait obtenir des informations sur les poursuites engagées pour des violences contre des femmes, estimant cette requête « inutile ».

Droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles, transgenres ou intersexes

La « sodomie » restait une infraction, y compris dans le projet de nouveau Code pénal. En réponse à une question du site d’information Qalampir.uz, le ministère de l’Intérieur a indiqué en avril que 49 personnes purgeaient alors une peine d’emprisonnement pour ce « crime » et bénéficiaient régulièrement de « services psychologiques » destinés à les empêcher de « récidiver ». Quarante-quatre personnes ont été déclarées coupables de « sodomie » entre 2016 et 2020.

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