Tadjikistan - Rapport annuel 2021

carte Tadjikistan rapport annuel amnesty

République du Tadjikistan
Chef de l’État : Emomali Rakhmon
Chef du gouvernement : Kokhir Rassoulzoda

Les affirmations prématurées du gouvernement selon lesquelles la maladie à coronavirus COVID-19 ne circulait plus, ainsi que le contrôle étroit exercé sur la diffusion des informations, ont eu un effet contre-productif sur les mesures de santé publique prises pendant la pandémie. Les personnes victimes de violence domestique avaient toujours des difficultés à accéder à la justice. La torture et les autres formes de mauvais traitements demeuraient très répandues et n’étaient pas toujours signalées. Les pouvoirs publics ont indûment restreint la liberté d’expression, condamnant des militant·e·s d’opposition et des personnes critiques à l’égard du pouvoir à de lourdes peines d’emprisonnement pour des accusations sous-tendues par des raisons politiques.

Contexte

Des combats ont éclaté le 28 avril entre le Tadjikistan et le Kirghizistan le long d’une portion contestée de la frontière entre les deux pays. Un différend sur l’accès à l’eau entre les habitant·e·s du secteur de part et d’autre de la frontière était à l’origine des affrontements. Selon les autorités tadjikes, lorsque les heurts ont cessé, le 1er mai, 19 personnes avaient été tuées et 87 autres blessées du côté tadjik. Le gouvernement s’est dit prêt en juillet à accueillir 100 000 réfugié·e·s en provenance d’Afghanistan. En août, selon des informations parues dans la presse, 2 000 réfugié·e·s afghans étaient arrivés au Tadjikistan et avaient tous été réinstallés dans des pays tiers. Le ministre de l’Intérieur a déclaré en septembre que le Tadjikistan ne disposait pas d’infrastructures lui permettant d’accueillir un trop grand nombre de personnes réfugiées. Quelque 200 autres Afghan·e·s ont tenté d’entrer en territoire tadjik au mois de septembre, mais seuls une centaine de femmes et d’enfants ont été autorisés à pénétrer dans le pays.

Droit à la santé

Les autorités ont étroitement contrôlé toutes les informations circulant sur la pandémie de COVID-19 et ont minimisé son impact réel, ce qui s’est traduit par des mesures de limitation de la diffusion de la maladie et de protection de la santé publique tardives et moins efficaces. Le président Emomali Rakhmon a déclaré le 26 janvier devant le Parlement qu’il n’y avait plus aucun cas de COVID-19 au Tadjikistan. Selon des informations parues dans la presse, des membres du personnel médical auraient subi des pressions pour ne pas diagnostiquer le virus et au moins un médecin aurait été licencié pour avoir rendu un résultat positif à l’issue d’un test. Les services du Premier ministre ont annoncé le 21 juin que quelques cas avaient été détectés, rejetant la faute sur le non-respect par la population des mesures de protection.

La vaccination obligatoire pour tous les adultes a été décrétée, sans que des explications soient fournies quant à la manière dont cette décision allait être appliquée. Plus de quatre millions de doses de vaccin avaient été injectées à la fin de l’année. Le gouvernement a annoncé en septembre qu’il y avait eu 17 000 cas de COVID-19 et 124 décès depuis le début de la pandémie. Toutefois, des médias indépendants ont affirmé que, selon les informations dont ils disposaient, les chiffres réels étaient beaucoup plus élevés.

Violences faites aux femmes et aux filles

Les personnes victimes de violence domestique avaient toujours beaucoup de difficultés à obtenir un soutien, une protection et un accès à la justice. Au titre de la loi de 2013 relative à la violence domestique, les victimes pouvaient signaler les sévices subis aux responsables de l’application des lois, mais la législation n’obligeait pas les services compétents à prendre les mesures appropriées pour enquêter sur les plaintes, mettre les personnes sous protection et entamer des poursuites pénales. Un nouveau projet de Code pénal comportant un article spécialement consacré à la violence domestique était en cours d’examen au Parlement. Il ne couvrait cependant pas toutes les formes de violence, notamment les violences psychologiques, les agressions sexuelles et le viol conjugal.

Torture et autres mauvais traitements

Un plan d’action s’inscrivant dans le cadre d’une nouvelle stratégie de réforme de la justice pénale est entré en vigueur en février. Il prévoyait une surveillance indépendante des lieux de détention, un renforcement des mécanismes permettant aux personnes détenues dans des établissements pénitentiaires de porter plainte, et la mise en place de mécanismes destinés à enquêter en toute indépendance sur les décès en détention.
Les cas de torture et d’autres mauvais traitements signalés aux autorités restaient rares. En mars, le service d’assistance juridique de l’ONG Coalition contre la torture a indiqué disposer d’éléments concernant au moins 38 cas de torture ou d’autres mauvais traitements survenus en 2020, précisant que ce chiffre ne reflétait qu’une petite partie de la réalité.

Trois policiers ont été condamnés en juin à des peines allant de 10 à 13 ans d’emprisonnement pour avoir torturé en 2017 Hassan Iodgorov. Cet homme avait « avoué » avoir commis un meurtre après avoir été frappé et torturé à l’électricité pendant plusieurs jours par des policiers de Toursounzoda, dans l’ouest du Tadjikistan. Il avait passé six mois en détention provisoire avant que les poursuites contre lui ne soient abandonnées. Il avait été libéré en mai 2018, après l’arrestation d’un autre suspect. Hassan Iodgorov avait dénoncé les actes de torture dont il avait fait l’objet le lendemain de sa libération. Deux des policiers condamnés ont bénéficié d’une mesure de grâce et leurs peines ont été réduites.

Liberté d’expression

Les autorités ont continué de réprimer les militant·e·s d’opposition et les personnes critiques à l’égard du pouvoir, les condamnant à de lourdes peines d’emprisonnement pour des motifs fondés sur des considérations politiques, demandant fréquemment leur extradition des pays où ils s’étaient exilés et harcelant leurs proches, tant au Tadjikistan qu’à l’étranger.

Sadi Rakhmatov, beau-frère de Charofiddine Gadoïev (vice-président de Groupe 24, un mouvement d’opposition interdit de façon arbitraire), a été libéré d’une prison grecque le 13 janvier, après deux mois de détention. Il avait été arrêté parce que les autorités tadjikes avaient émis un avis de recherche contre lui via Interpol. Sadi Rakhmatov était accusé au Tadjikistan d’« assistance à des mercenaires », une infraction pour laquelle il était passible de 15 ans de réclusion.

L’avocat indépendant et président du Centre tadjik de Moscou, Izzat Amon (également connu sous le nom d’Izatoullo Kholov), a disparu le 25 mars. Deux jours plus tard, le ministère de l’Intérieur du Tadjikistan a annoncé qu’il avait été extradé par la Russie et se trouvait en détention à Douchanbé, la capitale tadjike. Izzat Amon avait reproché à de nombreuses reprises au gouvernement du Tadjikistan de ne pas défendre les droits des migrant·e·s tadjiks en Russie. En octobre, le tribunal municipal de Douchanbé l’a condamné à neuf ans d’emprisonnement pour fraude.

Mirzo Hodjimouhammad, ancien membre du Parti de la renaissance islamique du Tadjikistan (PRIT), interdit de façon arbitraire, a été condamné le 1er juin à cinq années d’emprisonnement pour « appartenance à une organisation extrémiste interdite ». Il travaillait comme médecin en Russie depuis deux ans et était rentré au Tadjikistan en février pour une visite. Soumis dans un premier temps à des restrictions de ses déplacements, il avait ensuite été arrêté en mai. Sa condamnation reposerait sur des commentaires non précisés qu’il aurait mis en ligne sur les réseaux sociaux. Il avait donné en 2020 une interview dans laquelle il reprochait aux autorités d’avoir tardé à reconnaître l’arrivée de la pandémie du COVID-19 dans le pays.

Daler Charipov, journaliste indépendant, a été libéré en janvier, au terme de sa peine. Déclaré coupable en avril 2020 d’« incitation à la discorde religieuse », il avait été condamné à un an d’emprisonnement pour avoir publié et diffusé clandestinement sa thèse sur l’islam.

La peine de Bouzourgmekhr Yorov a été réduite en octobre de quatre ans, aux termes d’une grâce accordée à l’occasion du 30e anniversaire de l’indépendance nationale. Avocat de profession, Bouzourgmekhr Yorov avait été condamné à 28 ans de réclusion pour avoir représenté plusieurs membres du PRIT.

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