Turkménistan - Rapport annuel 2021

carte Turkménistan rapport annuel amnesty

Turkménistan
Chef de l’État et du gouvernement : Gourbangouly Berdymoukhamedov

Le bilan du Turkménistan en matière de droits humains était toujours aussi catastrophique. Les personnes critiques à l’égard du gouvernement faisaient l’objet de mesures de détention arbitraire et étaient condamnées à l’issue de procès motivés par des considérations politiques. La liberté d’expression était extrêmement limitée, tout comme la liberté de religion. Les relations sexuelles entre hommes consentants constituaient toujours une infraction pénale. La récolte du coton a cette année encore donné lieu à du travail forcé. On ignorait toujours ce qu’étaient devenues au moins 120 personnes arrêtées, puis soumises à une disparition forcée.

Contexte

Le Turkménistan restait de fait fermé aux observateurs et observatrices internationaux, notamment chargés de missions relatives aux droits humains. Les autorités niaient toujours l’existence de cas de COVID-19 sur le territoire national. Elles ont cependant mis en place en juillet un programme de vaccination obligatoire pour toute la population adulte. La crise économique qui sévissait depuis 2018 s’est poursuivie, entraînant une augmentation des prix alimentaires et des pénuries de denrées essentielles. Pour atténuer l’impact de cette crise, le gouvernement a distribué des colis alimentaires subventionnés à tous les foyers. La fréquence de distribution de ces colis a été réduite en septembre, passant de trois à un seul par mois, ce qui était insuffisant pour les personnes le plus dans le besoin.

Répression de la dissidence

Comme les années précédentes, les autorités ont étouffé l’expression pacifique de l’opposition ou de la critique.
Le blogueur Murat Dushemov a filmé fin juin une médecin exerçant dans un centre de soins d’État, à qui il demandait quelle était réellement la situation dans le pays concernant le COVID-19. Il a été arrêté le 7 juillet à un contrôle mis en place par la police et invité à produire la preuve qu’il avait été testé négatif au COVID-19. Comme il demandait quelles étaient les bases juridiques de cette requête, il a été retenu sur les lieux du contrôle pendant quatre heures, puis a été condamné à 15 jours de détention administrative parce qu’il avait bloqué la route avec son véhicule en signe de protestation. Murat Dushemov a ensuite été inculpé de coups et blessures pour avoir, selon l’accusation, agressé ses compagnons de cellule – ce qu’il a toujours nié. Il a été condamné le 16 août à quatre ans d’emprisonnement pour « préjudice corporel volontaire de moyenne gravité » et « intimidation », ainsi que pour tentative de corruption d’une médecin.

Les autorités ont tenté de mettre fin aux mouvements de protestation à l’étranger en faisant pression sur les manifestant·e·s. Le 1er août, une manifestation légale organisée devant le consulat du Turkménistan à Istanbul, en Turquie, a été interrompue par la police à la demande du personnel consulaire, qui accusait les manifestant·e·s d’être des terroristes. Dix personnes ont été arrêtées et sont restées cinq jours en détention. Le blogueur et militant Farhad Durdiev a raconté que deux hommes circulant dans une voiture immatriculée au Turkménistan avaient proposé de l’emmener jusqu’au lieu de la manifestation, mais qu’ils s’étaient finalement faits menaçants et l’avaient déposé à l’entrée de service du consulat, où il avait été roué de coups par des diplomates turkmènes et ces deux inconnus. Il a été libéré quelques heures plus tard, après l’intervention de la police turque.

Liberté d’expression

Le cas de Khursanai Ismatullaeva, une médecin qui cherchait à obtenir des réparations après avoir été injustement démise de ses fonctions dans un service de néonatalogie de la capitale, Achgabat, en 2017, a été évoqué lors d’un événement organisé par le Parlement européen. Khursanai Ismatullaeva a été arrêtée dès le lendemain, puis a « disparu » pendant 15 jours, jusqu’à ce que l’on apprenne qu’elle se trouvait dans un centre de détention provisoire. Elle a été inculpée d’escroquerie en lien avec la vente de l’appartement d’un homme dont elle s’était occupée et dont la famille lui avait versé 600 dollars des États-Unis en échange de ses services.

L’accès à Internet restait sévèrement limité et les autorités ont bloqué de nombreux sites, dont Facebook, YouTube, Twitter et les plateformes proposant des réseaux privés virtuels (VPN). Des internautes ont signalé en août qu’on les avait obligés à jurer sur le Coran qu’ils n’auraient pas recours à un VPN pour accéder à Internet.

Droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles, transgenres ou intersexes

Les relations sexuelles entre hommes consentants constituaient toujours une infraction pénale, passible de deux années d’emprisonnement. Une arrestation au moins a été signalée : celle d’un homme interpellé et inculpé en août à Turkmenabat.

Dans son troisième rapport périodique au Comité des droits de l’homme de l’ONU, rendu public en 2020, le Turkménistan s’était engagé à examiner la possibilité de dépénaliser les relations sexuelles entre hommes consentants, mais rien n’a été fait en ce sens.

Liberté de religion et de conviction

La liberté de religion restait très sévèrement encadrée et les objecteurs de conscience faisaient l’objet de poursuites judiciaires. Six témoins de Jéhovah ont ainsi été condamnés et emprisonnés en janvier. Une autre condamnation, prononcée en mars, a porté à 16 le nombre de témoins de Jéhovah emprisonnés pour avoir refusé de faire leur service militaire en raison de leurs convictions. Ces 16 hommes, condamnés à des peines allant de un à quatre ans d’emprisonnement, ont tous été remis en liberté le 8 mai, à la faveur d’une amnistie. Il n’existait toujours aucune véritable option de remplacement du service militaire.

Selon l’ONG Forum 18, le 21 juillet, soit le premier jour de la fête musulmane de l’Aïd el-Kebir, des membres des services de sécurité de l’État ont pénétré chez des habitant·e·s d’au moins quatre localités de la région orientale de Lebap et ont confisqué tous les textes religieux musulmans qu’ils trouvaient, à l’exception du Coran.

Travail forcé

Lors de la Conférence internationale du travail qui a réuni en mai et juin les États membres de l’OIT, la Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations a exprimé « sa profonde préoccupation face à la persistance des pratiques de travail forcé dans le secteur du coton », et prié instamment le gouvernement d’y mettre un terme. Dans sa réponse, le gouvernement a nié tout recours au travail forcé.

Pourtant, dans un rapport paru en mars, la plateforme turkmen.news et l’ONG Initiative turkmène pour les droits humains apportaient des éléments de preuve de l’existence du travail forcé, y compris imposé à des enfants, pendant la récolte de coton de 2020. Les femmes étaient tout particulièrement exposées, car elles étaient davantage susceptibles d’occuper des emplois mal rémunérés et donc de ne pas être en mesure de payer d’autres personnes pour prendre leur place lors de la récolte. Des enfants âgés de 10 à 16 ans étaient souvent embauchés à la place des adultes. En outre, selon certaines informations parues dans la presse en septembre, des élèves du primaire, des enseignant·e·s et des fonctionnaires, entre autres, ont été envoyés de force participer à la récolte de coton de 2021.

Disparitions forcées

On ignorait toujours ce qu’étaient devenues au moins 120 personnes soumises à une disparition forcée après avoir été arrêtées. Certaines avaient été emprisonnées à la suite d’une tentative d’assassinat dont aurait été la cible, en novembre 2002, le chef de l’État de l’époque, Saparmourad Niazov.

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