Les personnes victimes d’atteintes aux droits fondamentaux commises pendant et après le conflit qui a opposé l’Arménie et l’Azerbaïdjan en 2020 n’avaient toujours pas obtenu justice et les auteur·e·s présumés de ces actes n’avaient pas eu à rendre de comptes. Plus d’une centaine de personnes ont été blessées ou tuées par des mines posées par les forces arméniennes dans des secteurs cédés à l’Azerbaïdjan. Quelque 36 000 membres de la communauté arménienne restaient déplacés à l’intérieur du pays. Les manifestations pacifiques ont été généralement autorisées après la levée des restrictions décrétées dans le cadre de la loi martiale et de la lutte contre la pandémie de COVID-19, mais la liberté d’expression et l’accès à l’information restaient entravés. Les préoccupations environnementales concernant la mine d’or d’Amulsar n’ont pas reçu de réponse. La violence domestique était toujours un problème très répandu, exacerbé par la pandémie de COVID-19.
Contexte
Les tensions politiques sont restées vives tout au long de l’année. Le Premier ministre a démissionné en avril, après des mois de manifestations hostiles au gouvernement et à sa gestion du conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Il a toutefois retrouvé son poste après la victoire de son parti aux élections anticipées de juin.
La sécurité le long de la frontière entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan restait fragile, des incertitudes persistant concernant son tracé. Des accrochages sporadiques de part et d’autre de cette frontière ont fait des victimes, tant militaires que civiles.
La pandémie de COVID-19 et les répercussions du conflit de 2020 ont aggravé les difficultés économiques du pays. Selon la Banque mondiale, l’Arménie a enregistré une contraction de 8 % de son PIB, ce qui a plongé 70 000 personnes dans la pauvreté et entraîné la dégradation de la situation économique de 720 000 personnes. Les personnes âgées et celles dont les moyens étaient les plus modestes ont été touchées de façon disproportionnée par la pandémie. Elles ont eu plus de mal à accéder aux soins de santé en raison des mesures de confinement et de la réaffectation des ressources dans le secteur de la santé publique. Leur capacité à financer les dépenses du quotidien (dépenses ménagères, eau, chauffage, électricité, alimentation, médicaments, soins médicaux, notamment) a en outre fortement baissé.
Le taux de vaccination contre le COVID-19 restait faible, seuls 23 % de la population ayant été totalement vaccinés en décembre, sur fond de vaste campagne anti-vaccination. Face à cette situation, le gouvernement a décrété en août la vaccination obligatoire pour l’ensemble des fonctionnaires et une grande partie des salarié·e·s du privé.
Violations du droit international humanitaire
Aucune avancée n’a été constatée en matière d’enquête sur les crimes de guerre et autres atteintes au droit international humanitaire perpétrés pendant le conflit de 2020 et la période qui a immédiatement suivi, et les personnes soupçonnées d’être pénalement responsables de tels actes n’ont pas eu à rendre de comptes devant la justice.
Plus d’une centaine de personnes ont été blessées ou tuées par des mines posées par les forces arméniennes dans des secteurs dont elles ont cédé le contrôle à l’Azerbaïdjan. L’Arménie a communiqué plusieurs cartes détaillant les emplacements de champs de mines en échange de la libération de prisonniers arméniens capturés par l’Azerbaïdjan. En décembre, le président du Conseil européen a indiqué que l’Arménie avait fourni les dernières cartes de champs de mines. L’Azerbaïdjan a toutefois remis en question l’exactitude de ces cartes.
Personnes déplacées
Une grande partie des quelque 91 000 personnes déplacées au plus fort des combats de 2020 sont retournées à Stepanakert/Khankendi et dans d’autres zones de la région du Haut-Karabakh qui étaient toujours sous contrôle arménien. Environ 36 000 personnes étaient toujours déplacées en Arménie et dans les zones sous contrôle arménien du Haut-Karabakh. Pour 24 000 d’entre elles, originaires de secteurs contrôlés par l’Azerbaïdjan, le déplacement risquait fort d’être durable. Les personnes qui sont rentrées chez elles se sont heurtées à des difficultés pour assurer leur subsistance, ainsi qu’à des obstacles en matière d’accès à l’éducation et aux soins de santé.
Liberté de réunion
Les manifestations pacifiques ont généralement été autorisées tout au long de l’année. En janvier, les autorités avaient levé la plupart des restrictions liées à la situation sanitaire et à la loi d’urgence imposées face à la pandémie de COVID-19 et pour des raisons de sécurité, notamment les restrictions qui pesaient sur les rassemblements publics.
Liberté d’expression
Le droit à la liberté d’expression restait soumis à des restrictions injustifiées.
Le gouvernement a présenté plusieurs modifications de la législation limitant la liberté de la presse indépendante et, plus généralement, des voix critiques. L’Assemblée nationale a augmenté en mars le montant maximum de l’amende encourue en cas de condamnation pour outrage et diffamation, qui pouvait désormais atteindre six millions de drams arméniens (environ 12 000 dollars des États-Unis). En août, un autre train de modifications législatives a eu pour effet de faire de l’outrage à une personnalité publique une infraction pénale désormais passible, en cas de répétition, de trois mois d’emprisonnement. La police a entamé en septembre une enquête judiciaire au titre de cette nouvelle disposition contre une personne accusée d’avoir insulté le Premier ministre dans un commentaire publié sur Facebook sous une photo de celui-ci.
Les autorités n’ont pas renoncé aux poursuites engagées sur la foi de charges fallacieuses contre le défenseur des droits humains Sashik Sultanian, à qui il était en fait reproché d’avoir critiqué la manière dont la minorité yézidie était traitée en Arménie. Une information pour incitation présumée à la haine nationale avait été ouverte contre lui en octobre 2020, après qu’il eut publié sur Internet une interview dans laquelle il évoquait les problèmes rencontrés par les Yézidis. Son procès s’est ouvert en août et était en instance à la fin de l’année. S’il était déclaré coupable, il risquait de trois à six ans d’emprisonnement.
Le parquet général et les services d’investigation de l’État n’ont pas enquêté de façon efficace sur les attaques et les menaces subies par des ONG et des organes de presse, notamment sur la mise à sac des locaux de Radio Free Europe/Radio Liberty et de l’Open Society Foundation, pendant la période qui a suivi le conflit de 2020.
Dégradations de l’environnement
Le projet de la mine d’or d’Amulsar, dans le sud de l’Arménie, était toujours à l’arrêt, dans l’attente des conclusions de l’enquête judiciaire en cours sur une possible dissimulation intentionnelle de l’impact écologique du projet. Cette enquête avait été ouverte à la suite des manifestations organisées à partir de 2018 par la population locale et des militant·e·s écologistes.
Droits des femmes
Les femmes ont cette année encore été touchées par une recrudescence de la violence domestique dans le contexte de la pandémie de COVID-19, l’accès aux services d’aide et à une protection restant insuffisant. La pandémie a également accru le poids du travail non rémunéré d’aide et de soins aux autres, qui restait assumé pour l’essentiel par les femmes et les filles.