Personne n’a été amené à rendre des comptes pour les violations des droits humains commises pendant et après le conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan en 2020. Les affrontements militaires ont eu des conséquences néfastes sur la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels. La plupart des Azerbaïdjanais·e·s déplacés lors de ce conflit ont pu rentrer chez eux, ce qui n’a pas été le cas des Azéri·e·s qui avaient dû quitter le Haut-Karabakh et sa région dans les années 1990. Les opposant·e·s au gouvernement ont encore été persécutés et harcelés. Des manifestations pacifiques ont été dispersées avec violence. Des restrictions arbitraires ont continué d’entraver le travail des ONG et des défenseur·e·s des droits humains. La torture et les autres mauvais traitements ainsi que les violences fondées sur le genre sont restés monnaie courante.
Contexte
Des affaires de surveillance abusive et de corruption ont fait l’objet de révélations internationales et le rôle des autorités azerbaïdjanaises a été mis en lumière. En juillet, une enquête collaborative ayant rassemblé des journalistes, des médias et d’autres partenaires a révélé que les autorités azerbaïdjanaises avaient espionné des centaines de militant·e·s et de journalistes locaux à l’aide du logiciel espion Pegasus de NSO Group. En octobre, une autre enquête dirigée par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), dite « Pandora Papers », a permis de découvrir que des membres de la famille du président et certains de leurs proches collaborateurs avaient détenu en secret jusqu’à près de 700 millions de dollars de biens immobiliers en Grande-Bretagne, les transactions ayant été réalisées par des sociétés offshore à l’étranger.
L’Azerbaïdjan a lancé sa campagne de vaccination contre le COVID-19 en janvier. En septembre, une preuve de vaccination est devenue obligatoire pour pouvoir accéder à la plupart des lieux publics clos. En décembre, 50 % de la population azerbaïdjanaise avaient reçu une première dose de vaccin anti-COVID-19, et 45 % avaient reçu deux doses.
Violations du droit international humanitaire
Aucun réel progrès n’a été réalisé en matière d’enquête sur les crimes de guerre et autres violations du droit international humanitaire commis pendant et juste après le conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, et les responsables présumés n’ont pas été traduits en justice1.
Plus de 100 personnes auraient été blessées ou tuées par des mines posées par les forces arméniennes sur des territoires dont elles ont cédé le contrôle à l’Azerbaïdjan. Selon certaines informations, à la fin de l’année, l’Azerbaïdjan avait remis à l’Arménie 60 prisonniers, dont certains en échange de cartes signalant les mines placées dans les zones touchées par le conflit telles que les districts d’Agdam, de Fizuli et de Zangelan. Le nombre exact de personnes toujours captives sur le territoire azerbaïdjanais à la fin de l’année n’a pas été révélé. Dans son rapport de septembre, le Conseil de l’Europe a fait part de ses préoccupations face aux informations indiquant que des dizaines de personnes étaient toujours détenues dans des conditions inhumaines et soumises à des procès expéditifs et iniques. D’autre part, le sort et la localisation d’une trentaine de prisonniers arméniens sont restés inconnus ; des éléments laissaient craindre qu’ils aient été victimes de disparition forcée, voire tués.
Droits économiques, sociaux et culturels
En novembre, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels [ONU] a pris note « des informations concernant des violations des droits économiques, sociaux et culturels liées aux hostilités armées auxquelles les forces militaires [de l’Azerbaïdjan] ont pris part » en 2020 dans le Haut-Karabakh et ses alentours. Ces violations comprenaient entre autres la destruction de bâtiments résidentiels, culturels, religieux et dédiés à l’éducation. Le Comité a appelé l’Azerbaïdjan à ouvrir des enquêtes efficaces sur toutes les violations signalées liées aux hostilités militaires et à faire en sorte que les victimes aient accès à des recours.
Personnes déplacées
La majorité des 40 000 civil·e·s azerbaïdjanais déplacés vers des territoires contrôlés par le gouvernement au cours du conflit de 2020 sont rentrés chez eux. Néanmoins, les conditions n’étaient toujours pas réunies pour que les plus de 650 000 personnes déplacées depuis les années 1990 puissent retourner dignement et sans danger chez elles, en raison de la présence de mines, de la destruction d’infrastructures et de la perte de leurs moyens de subsistance.
Liberté d’expression et de réunion
La police a de nouveau dispersé des manifestations pacifiques concernant des questions politiques et sociales à l’aide d’une force inutile et excessive, et des manifestant·e·s pacifiques ont été visés par des poursuites administratives et pénales arbitraires.
Le 8 mars à Bakou, la capitale, la police a arrêté 20 militantes alors qu’elles tentaient d’organiser une marche pacifique pour célébrer la Journée internationale des droits des femmes. Elles ont été emmenées dans un poste de police et forcées à signer des « déclarations explicatives » avant d’être relâchées.
Les 1er et 15 décembre, à Bakou également, la police a violemment dispersé des rassemblements pacifiques qui appelaient à la libération de Saleh Rustamli, militant de l’opposition injustement emprisonné. Les forces de l’ordre ont recouru à une force excessive contre les manifestant·e·s arrêtés le 1er décembre, notamment contre l’opposant Tofig Yagoublu, hospitalisé après avoir été grièvement blessé. Cinq manifestants arrêtés le 1er décembre se sont vu imposer 30 jours de détention administrative, les autres personnes ont été remises en liberté.
En mars, 625 détenu·e·s ont bénéficié d’une grâce présidentielle et ont été libérés, notamment 38 personnes dont des groupes locaux de défense des droits humains estimaient qu’elles avaient été placées en détention pour des raisons politiques. Les persécutions et le harcèlement, pour des motifs politiques, de personnes dénigrant le gouvernement se sont néanmoins poursuivis sans relâche, et nombre de leurs cibles étaient toujours en prison.
Huseyn Abdullayev, qui avait émis des propos critiques envers le pouvoir en place, n’a pas été libéré de prison, bien que le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire ait estimé que sa privation de liberté était arbitraire et que des expert·e·s des droits de l’homme des Nations unies aient demandé sa remise en liberté immédiate. En octobre, Niyameddin Ahmedov, militant dans l’opposition, a été condamné à une peine de 13 ans d’emprisonnement pour sédition et financement du terrorisme sur la base d’accusations visiblement motivées par des considérations politiques.
En mars, les blogueurs Elchin Gasanzade et Ibragim Salamov ont été déclarés coupables de diffamation et condamnés à une peine de huit mois d’emprisonnement. En janvier, un autre blogueur, Sadar Askerov, a été arrêté, roué de coups et remis en liberté après avoir été forcé de s’excuser pour un article qui critiquait les autorités locales.
Liberté d’association
Des restrictions excessives, dans les textes comme en pratique, ont continué d’entraver les actions des personnes et des ONG qui défendaient les droits humains. En novembre, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a recommandé à l’Azerbaïdjan « d’abroger toute disposition législative qui restreint indûment les activités des organisations non gouvernementales ».
En mai, la Cour européenne des droits de l’homme a déclaré que l’Azerbaïdjan avait arbitrairement refusé l’enregistrement de 25 ONG, contrevenant ainsi au droit à la liberté d’association (Mehman Aliyev et autres c. Azerbaïdjan et Abdullayev et autres c. Azerbaïdjan). En octobre, un autre arrêt de la Cour a établi que les autorités azerbaïdjanaises avaient gelé des comptes bancaires et imposé des interdictions de voyager afin de paralyser les travaux d’une ONG en matière de défense des droits humains (Centre de ressources sur la démocratie et les droits de l’homme et Mustafayev c. Azerbaïdjan).
Violences fondées sur le genre
Des militant·e·s pour les droits des femmes, des femmes journalistes et des femmes liées à l’opposition politique ont été victimes de chantage et de campagnes de diffamation fondées sur le genre, après le piratage de leurs comptes sur les réseaux sociaux et la publication sur Internet d’informations personnelles les concernant, y compris de photos et de vidéos2.
En novembre, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels a exprimé ses préoccupations face à l’incidence élevée de violences fondées sur le genre à l’encontre des femmes et au très faible pourcentage de signalements, notamment de situations de violence domestique, ainsi qu’au nombre limité de refuges et de services d’aide aux victimes. Malgré des demandes répétées de groupes locaux de défense des droits des femmes, les autorités n’ont pris aucune mesure en vue de l’adhésion du pays à la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul). L’accueil favorable réservé par les médias progouvernementaux au retrait de la Turquie, pays frontalier de l’Azerbaïdjan, a encore davantage compromis ce processus.
Torture et autres mauvais traitements
Les signalements d’actes de torture et d’autres mauvais traitements sont restés monnaie courante. Des allégations selon lesquelles les forces azerbaïdjanaises auraient soumis des Arméniens capturés à des actes de torture ou à d’autres mauvais traitements, soit au moment de leur capture, soit pendant leur transfert, soit pendant leur détention, n’ont pas fait l’objet d’une enquête efficace.
Azerbaijan : Gender-Based Reprisals Against Women Must Stop (EUR 55/4103/2021), 12 mai