Bulgarie - Rapport annuel 2021

carte Bulgarie rapport annuel amnesty

République de Bulgarie
Chef de l’État : Roumen Radev
Chef du gouvernement : Kiril Petkov (a remplacé en décembre Stefan Yanev, qui avait remplacé Boïko Borissov en mai)

La liberté des médias s’est encore dégradée, les journalistes faisant l’objet de menaces et d’actes d’intimidation. Des personnes migrantes ou demandeuses d’asile ont subi des renvois forcés illégaux (pushbacks). La violence domestique a augmenté. Des personnes LGBTI ont été la cible d’attaques de la part de groupes hostiles aux droits des minorités. Les Roms ont été victimes d’une discrimination généralisée. Les personnes résidant dans des foyers sociaux ont subi des mauvais traitements systématiques.

Contexte

Des élections législatives se sont tenues pour la troisième fois de l’année en novembre, aucun parti n’ayant pu former de gouvernement à la suite des deux précédents scrutins, en avril et en juillet. L’état d’urgence épidémique instauré pendant la pandémie de COVID-19, initialement déclaré en mai 2020 par le gouvernement, est resté en place tout au long de l’année, accordant à ce dernier des pouvoirs étendus.

Liberté d’expression

La liberté des médias a continué de se dégrader. Les journalistes et les médias indépendants qui enquêtaient sur des affaires criminelles et de corruption ont souvent subi des menaces et des campagnes de diffamation, y compris de la part de représentants de l’État.

En avril, Dimitar Stoyanov, journaliste d’investigation pour le portail d’information en ligne Bivol, a signalé avoir reçu des menaces de mort de la part d’un homme d’affaires qu’il avait contacté pour un entretien concernant une affaire de corruption dans laquelle cet homme était soupçonné d’être impliqué. Malgré la plainte déposée par Dimitar Stoyanov, le parquet de Sofia n’a pas mené d’enquête et la police a adressé au journaliste un avertissement lui intimant d’arrêter de communiquer avec l’homme d’affaires.

En avril, lors d’une émission télévisée, le parlementaire Tochko Yordanov a plaisanté sur le fait de couper les membres d’un journaliste ayant « menti », après que ce dernier eut involontairement confondu les noms de deux partis politiques au cours d’une émission en direct. En mai, le ministre de l’Intérieur Boyko Rachkov a mis en doute l’intégrité journalistique d’un animateur et d’une animatrice de télévision avec qui il s’entretenait, et a suggéré qu’ils devraient être démis de leurs fonctions. Aucun de ces deux hauts responsables n’a fait l’objet de sanctions parlementaires.

La pandémie de COVID-19 a aggravé la précarité des conditions de travail dans le secteur des médias, ce qui s’est traduit par des coupes salariales, des retards de paiements et un recul de l’indépendance éditoriale. Le gouvernement a réduit les subventions versées à plusieurs médias publics et au Conseil des médias électroniques, l’organisme de régulation des médias en Bulgarie.

Dans son Rapport sur l’état de droit publié en juillet, la Commission européenne a souligné l’absence de transparence quant à la propriété des médias, leur concentration ainsi que les ingérences politiques persistantes dans la politique éditoriale de certains d’entre eux. La Bulgarie était toujours l’État membre de l’UE le plus mal placé au classement mondial de la liberté de la presse, et elle a été rétrogradée de la 111e à la 112e place sur 180 pays.

Droits des personnes réfugiées ou migrantes

La Bulgarie a continué de pratiquer le renvoi forcé illégal (pushback) systématique des personnes migrantes ou demandeuses d’asile à ses frontières. Plus de 1 100 renvois forcés illégaux, touchant au moins 13 000 personnes, avaient été enregistrés à la fin de l’année. En juillet, la Cour européenne des droits de l’homme a jugé que la Bulgarie avait violé la Convention européenne des droits de l’homme en renvoyant, en 2016, un journaliste turc dans son pays sans avoir examiné les risques de mauvais traitements auxquels cet homme pouvait être exposé à son retour.

Les conditions d’accueil des demandeurs et demandeuses d’asile sont restées déplorables. En août, la médiatrice bulgare a indiqué que la zone dédiée aux enfants non accompagnés dans le centre d’accueil de Voenna Rampa était fortement surpeuplée et que les enfants y vivaient dans des conditions indignes et insalubres.

Le même mois, le gouvernement a annoncé des plans pour renforcer la présence policière et militaire aux frontières avec la Turquie et la Grèce, en raison des inquiétudes soulevées par l’arrivée de demandeurs et demandeuses d’asile afghans à la suite de la prise de pouvoir par les talibans en Afghanistan.

La Bulgarie a accordé une protection internationale à un maximum de 70 personnes afghanes et à leurs familles. Il s’agissait de personnes travaillant pour l’ambassade et l’armée bulgares en Afghanistan. Néanmoins, la grande majorité des demandeurs et demandeuses d’asile afghans ont continué de voir leur demande rejetée lors d’une procédure accélérée, leurs dossiers étant manifestement considérés comme irrecevables. Cette pratique persistait depuis que la Bulgarie considérait la Turquie comme un pays tiers sûr.

Violences sexuelles ou fondées sur le genre

Les cas de violence domestique, dont le nombre a triplé pendant la pandémie de COVID-19, ont continué de se multiplier.

En janvier, le gouvernement a soumis au Parlement des modifications à apporter à la Loi relative à la protection contre les violences domestiques, afin d’harmoniser davantage la législation nationale avec les normes internationales. Certaines de ces propositions visaient notamment à renforcer les mesures de protection et à mettre en place un mécanisme d’orientation des victimes ainsi qu’un registre centralisé rassemblant des données sur les actes de violence domestique, les victimes et les responsables de ces actes. Ces modifications n’avaient pas été adoptées à la fin de l’année.

Droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles, transgenres ou intersexes

Les personnes LGBTI ont cette année encore subi des menaces et des insultes, y compris de la part de partis politiques et de représentants de l’État.

En octobre, le Rainbow Hub, un centre communautaire de Sofia dédié aux événements LGBTI, a été attaqué et vandalisé par un groupe mené par Boyan Rassate, candidat du parti Union nationale bulgare à l’élection présidentielle de novembre1. À la suite de la vive condamnation de ces actes par des militant·e·s des droits humains, des partis politiques et de nombreuses ambassades à Sofia, la Commission électorale a levé l’immunité politique de Boyan Rassate, qui a été placé en détention et inculpé de « houliganisme » et de violences. Le Code pénal bulgare ne considérait toujours pas les violences homophobes comme des infractions motivées par la haine.

Le parti Union nationale bulgare a souvent critiqué publiquement les groupes LGBTI, les accusant de diffuser une « propagande de genre » et d’enseigner la « perversion » aux écolières et écoliers.

À l’approche des élections législatives du mois de juillet, des événements LGBTI à Sofia, Plovdiv et Bourgas ont été la cible d’attaques menées par des groupes hostiles aux droits des minorités. En juillet, la marche annuelle des fiertés s’est déroulée à Sofia sur fond de vastes mouvements de protestation anti-LGBTI.

Discrimination

L’exclusion sociale des personnes roms ainsi que les discriminations qu’elles subissaient, notamment en matière d’éducation, de santé, de logement et d’emploi, ont continué d’être généralisées dans le pays. La population rom a aussi été touchée de manière disproportionnée par la pandémie de COVID-19 et par l’état d’urgence mis en place de manière prolongée pour y faire face.

Les enfants roms avaient toujours beaucoup moins de chances que le reste de la population d’atteindre un quelconque niveau d’instruction. La pandémie a également accru le risque de mariage précoce pour les filles roms. Les données du Centre européen pour les droits des Roms ont montré que les enfants roms étaient surreprésentés dans le système public de protection de l’enfance et qu’ils étaient particulièrement susceptibles d’être enlevés à leurs familles.

En juin, la Cour suprême administrative a déclaré le chef du parti Mouvement national bulgare, Krassimir Karakatchanov, coupable de discrimination pour les déclarations controversées qu’il a faites après les incidents de Voïvodinovo en 2019, qui ont déclenché des violences généralisées contre les Roms ayant abouti à la destruction de maisons et à l’expulsion forcée de familles roms.

Traitements cruels, inhumains ou dégradants

Les pouvoirs publics n’ont pas mis un terme aux mauvais traitements physiques infligés de façon persistante aux personnes résidant dans des foyers sociaux et à celles qui souffraient de troubles psychiatriques. En octobre, le Comité européen pour la prévention de la torture a fait état de nombreux cas de personnes giflées, frappées à coups de poing, à coups de pied ou avec des bâtons, immobilisées avec des moyens mécaniques ou retrouvées abandonnées dans des conditions insalubres. Le Comité a demandé que des mesures soient prises de toute urgence pour changer radicalement l’approche du pays en matière de protection sociale et de soins psychiatriques institutionnels.

« Bulgarie. Un candidat à la présidentielle doit faire l’objet d’une enquête et rendre des comptes après l’attaque contre un centre LGBTI », 1er novembre

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