Des personnes en quête d’une protection internationale se sont vu refuser la possibilité de déposer une demande d’asile ; des personnes arrivées de façon irrégulière sur le territoire ont fait l’objet de renvois forcés illégaux (pushbacks) et ont subi des violences de la part de la police. De nouvelles améliorations ont été apportées au cadre juridique sur les violences liées au genre, mais le nombre d’affaires impliquant ce type de violences a continué d’augmenter. L’accès à l’avortement est resté fortement limité. Les couples de même sexe ont été autorisés à adopter des enfants. Des poursuites en diffamation ont menacé le travail des journalistes et des médias.
Droits des personnes réfugiées ou migrantes
La Croatie a continué de refuser l’asile à des milliers de personnes qui auraient pu déposer des demandes. Des organisations d’aide ont répertorié environ 10 000 cas de renvois forcés illégaux (pushbacks) et expulsions collectives, ainsi que de nombreux cas de violences et d’atteintes aux droits humains. En février, le Conseil danois pour les réfugiés a signalé que deux femmes avaient subi des agressions sexuelles et qu’elles avaient été forcées de se déshabiller, maintenues en joue et menacées de viol par des policiers croates. Le ministère de l’Intérieur a nié ces accusations.
La commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a déclaré que ces accusations répétées révélaient une pratique ancrée d’expulsions collectives et de mauvais traitement des personnes migrantes. Elle a également dénoncé l’absence d’enquêtes rapides sur ces allégations. En juillet, le rapporteur spécial des Nations unies sur les droits de l’homme des migrants a également indiqué qu’on lui avait signalé de nombreux cas de renvois forcés illégaux depuis le territoire croate ainsi que des cas de vols, de destructions de biens, de violences physiques et d’agressions commis à l’encontre de personnes migrantes.
En avril, la Cour constitutionnelle a jugé que la Croatie avait violé le droit à l’asile d’une famille afghane en 2018 en la renvoyant en Serbie contre son gré et sans évaluer de manière adéquate les risques d’un tel retour. En novembre, la Cour européenne des droits de l’homme a jugé que la Croatie avait violé la Convention européenne des droits de l’homme lorsque cette même famille a été renvoyée de force illégalement en Serbie en 2017. C’est lors de ce renvoi que Madina Hussiny, une fillette afghane âgée de six ans, avait été tuée, percutée par un train.
En décembre, la Cour correctionnelle d’appel de Zagreb a confirmé la décision d’un tribunal de première instance qui avait déclaré un bénévole de l’ONG Are You Syrious (qui avait aidé cette famille afghane à demander l’asile) coupable d’avoir aidé des personnes migrantes à franchir illégalement la frontière et lui avait ordonné de payer une amende de 60 000 kunas croates (environ 8 000 euros) ainsi que des frais de justice.
Des tribunaux italiens et autrichiens ont en outre déclaré que les expulsions en chaîne de personnes demandeuses d’asile de leurs territoires respectifs vers la Slovénie puis vers la Croatie, en vertu d’accords bilatéraux, étaient contraires au droit international et soumettaient les victimes à des traitements dégradants de la part de la police croate.
En juin, les autorités ont mis en place un mécanisme de suivi visant à enquêter sur les signalements de violations des droits humains aux frontières croates. Néanmoins, des organisations de défense des droits humains ont souligné que cet organisme n’était pas indépendant et ne disposait pas d’un mandat solide lui permettant de lutter efficacement contre ces violations1.
En octobre, un regroupement de médias européens a publié une enquête qui comportait des images montrant des membres des forces spéciales croates en train de frapper des personnes demandeuses d’asile non armées, avant de les renvoyer de force en Bosnie-Herzégovine2. Cette publication a déclenché l’ouverture d’une enquête interne qui a débouché sur la suspension des policiers impliqués. Les autorités ont considéré qu’il s’agissait d’un incident isolé, mais des ONG ont soutenu que les renvois forcés illégaux et violents aux frontières du pays étaient répandus et systémiques.
Le Comité européen pour la prévention de la torture [Conseil de l’Europe] a déclaré en décembre qu’il avait recensé, lors d’une précédente visite à la frontière, de nombreux signalements crédibles de mauvais traitements graves commis par la police croate à l’encontre de personnes migrantes et en quête d’asile3.
Le taux d’octroi de l’asile est resté bas : à la fin de l’année, seules 42 personnes avaient obtenu une protection internationale.
Violences faites aux femmes et aux filles
Des progrès notables ont été réalisés dans le renforcement des moyens de lutte contre les violences fondées sur le genre. Le Code pénal a été modifié pour autoriser d’office l’engagement de poursuites pour violence fondée sur le genre lorsque la victime est incapable de porter plainte ou qu’elle ne le souhaite pas. En outre, le Code pénal sanctionnait désormais le « revenge porn » et la définition de « partenaire intime » a été élargie pour y inclure les partenaires présents et passés, conformément aux normes de la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul).
Néanmoins, les autorités ont signalé une augmentation continue des violences fondées sur le genre, y compris des viols et des violences domestiques. La médiatrice pour l’égalité des genres a demandé aux autorités de continuer de renforcer les programmes de prévention et d’éducation.
Droits sexuels et reproductifs
L’accès aux services de santé sexuelle et reproductive a été restreint par le refus de pratiquer des avortements largement opposé par des médecins et certains établissements de santé pour des raisons de conscience, par le coût prohibitif des services dans les établissements habilités et par le nombre insuffisant de ces établissements dans certaines régions. Cela a eu des répercussions disproportionnées sur les personnes disposant de ressources limitées.
Droits des lesbiennes, des gays et des personnes bisexuelles, transgenres ou intersexes
En avril, un tribunal de Zagreb, la capitale, a confirmé le droit des couples de même sexe à adopter des enfants.
Pour la première fois depuis plus de 10 ans, la marche des fiertés annuelle de Zagreb, en juillet, a été marquée par une série d’agressions homophobes, physiques et verbales, et par l’embrasement d’un drapeau LGBTI arc-en-ciel. Une journaliste qui couvrait l’événement figurait parmi les personnes agressées. Plusieurs personnes ont été arrêtées.
Liberté d’expression
Les journalistes ont continué d’être la cible de menaces et de tentatives d’intimidation, en ligne et hors ligne, ainsi que d’injonctions au silence et de poursuites judiciaires fréquentes.
En septembre, un tribunal de Zagreb a émis une injonction temporaire à l’encontre d’H-alter, un site d’actualités, interdisant ainsi toute enquête relative à un centre pédiatrique local et à sa directrice. Le site avait publié une série d’articles laissant entendre que cet établissement favorisait les pères dans les cas de conflits de garde d’enfant, même si le père avait été déclaré incapable de s’en occuper. Les autorités se sont désolidarisées de cette décision judiciaire.
L’association des journalistes croates a indiqué que plus de 900 procès en diffamation visant des journalistes et des organes de presse étaient en cours. La majorité de ces procès faisaient suite à des plaintes déposées par des responsables politiques, par des fonctionnaires et même par l’organisme audiovisuel public. L’association a mis en garde contre l’effet intimidant de ces poursuites et contre la menace qu’elles représentaient, particulièrement pour les petits organes de presse et les journalistes indépendants. La Fédération européenne des journalistes a exhorté les autorités à dépénaliser la diffamation, à veiller à ce qu’elle soit traitée comme une affaire civile et à mettre en place un cadre visant à prévenir les poursuites en diffamation qui ne visent qu’à faire taire les critiques.